L’Edito

décembre 2004

Prométhée ne craignit pas de dérober le feu aux dieux pour l’offrir aux hommes. Leur gratitude l’aida sans doute, enchaîné par ses pairs au sommet du Caucase, à s’accommoder de l’aigle lui dévorant le foie. On ne souhaite pas le même sort, bien entendu, à Michel Vauzelle ni aux élus de notre région, droite et gauche confondue, unis pour célébrer la bonne nouvelle : c’est en Provence que l’humanité triomphante va tenter de maîtriser « l’énergie des étoiles ». La commission européenne s’est en effet engagée, d’ici la fin de l’année, à construire Iter à Cadarache dans les Bouches du Rhône. Et ce, même si le Japon et les USA renoncent à co-financer le premier « international thermonucleor experimental reactor » aux côtés des européens, de la Russie et de la Chine. La construction du joujou aura un coût estimé à cinq milliards d’euros sur dix ans, cinq autres milliards étant ensuite nécessaires pour son fonctionnement. La France a décidé de doubler sa part dans la construction, soit un investissement de plus de 900 millions d’euros. L’essentiel de l’effort financier français reposera sur les collectivités territoriales de Paca, Conseil régional en tête. Collectivités prêtes, sans rechigner, à verser leur obole tant les retombées économiques promises sont mirobolantes : la création de 5000 emplois dans les sept premières années, plus de 100 millions d’euros dépensés chaque année dans la région par Iter et son personnel…

Devant cette avalanche de chiffre, on en oublie presque l’essentiel. Tant d’argent pour quoi faire ? L’objectif final d’Iter est de reproduire l’énergie qui fait briller les étoiles, à l’aide d’une ressource présentée comme inépuisable (le deutérium et le lithium) tout en évitant, en théorie, les risques et les déchets de la fission nucléaire. Les experts du Commissariat à l’énergie atomique ont tous la larme à l’?il pour vanter une aussi belle perspective. Les mêmes ont soutenu, jusqu’à l’absurde, le surgénérateur nucléaire Superphénix, pourtant un désastre financier et technologique. Un point fait l’unanimité : dans le meilleur des cas, si les hypothèses initiales ne sont pas démenties, on ne peut pas imaginer la construction d’une centrale opérationnelle avant la deuxième moitié du siècle. Bien sûr, la recherche n’a pas de prix. Mais celle sur les énergies renouvelables ne mobilise pas autant d’argent et d’enthousiasme.

Aussi intrépide que Prométhée, un autre grec a voulu s’approcher des étoiles. Icare s’est brûlé les ailes. Ce n’était pas un dieu.

NDLR : Le réacteur à fusion restera peut-être à jamais une chimère… Heureusement demeurent des certitudes : dès le mois prochain, Le Ravi sera désormais vendu 2 euros. Le prix des abonnements progressera lui aussi légèrement à la hausse. Il est donc temps de remplir, ci-dessous, le bulletin pour soutenir le « mensuel provençal et satirique ». Et réaliser de substantielles économies…

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