Monaco Les secrets d’un royaume d’opérette

juillet 2011

Derrière le glamour du mariage d’Albert II et de sa nageuse sud-africaine, la Principauté cache une réalité moins reluisante : pognon, béton, soumission, exploitation…

enquete_ravi_87.jpgUn prince, une princesse, un mariage. Un cocktail glamour que les médias du monde entier se sont empressés de servir avec bien plus de gourmandise qu’ils ne traitent, l’été, d’une actu sociale et politique supposée trop anxiogène pour les vacanciers. La principauté de Monaco n’ignore pas le bénéfice qu’elle peut tirer des noces de Son Altesse Sérénissime Albert II avec sa roturière, mais néanmoins accorte, nageuse sud-africaine. Le micro-État a investi 3 millions d’euros en 2010 pour une campagne de communication en France destinée à changer son image. Il s’apprête à mettre au panier 4 millions d’euros supplémentaires pour la décliner en Angleterre en septembre. Objectif ? Faire passer le message que Monaco est bel et bien un État souverain et respectable.

« Ici, le moteur, c’est l’argent. Ceux qui n’en ont pas ne sont pas les bienvenus », lance un chef d’entreprise monégasque à la retraite, quartier des Moulins. Propos franc et direct qui colle mal avec les grands thèmes mis en avant par les « communicants » du régime : l’engagement du prince contre le réchauffement climatique, pour la protection des milieux marins, pour la ressource en eau des pays en développement, la bonne gouvernance d’un État signataire de 24 accords de coopération fiscale… « Depuis l’entrée au Conseil de l’Europe, on ne peut plus retirer 5 000 euros sans montrer sa carte d’identité », soupire, nostalgique, un commerçant du Rocher. Mais si elle n’est plus officiellement un paradis fiscal et réclame à ses affairistes moins d’ostentation, la Principauté n’a guère changé ses comportements bancaires. L’argent y circule toujours à flots, de façon peu transparente.

Monaco est « un royaume d’opérette sur un caillou cossu » (1), c’est entendu. Pourquoi alors s’intéresser, malgré tout, à ce qui se cache derrière son luxueux décorum ? Parce qu’on retrouve dans ce minuscule territoire, enclavé en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, comme portés à leur paroxysme, des dysfonctionnements qui n’ont hélas rien d’exotique : une société dont la seule valeur est l’argent ; un système ultralibéral quasi dépourvu de droit du travail ; un monde où les promoteurs immobiliers imposent leur unique loi, celle du tout béton ; une démocratie fantoche où une famille, celle des Grimadi, a privatisé le débat public ; un État sans véritable contre-pouvoir où même la presse est aux ordres (2).

Après le Vatican, Monaco est l’État le plus petit du monde. C’est aussi le plus densément peuplé. Mais également l’un des plus fliqués : la direction de la sûreté publique, forte de 500 fonctionnaires de police, est fière des 400 caméras de vidéosurveillance auxquelles aucun mouvement des sujets de Son Altesse Sérénissime ne peut échapper. Ici, l’inégalité est érigée en principe constitutionnel. Huit mille Monégasques dotés de la nationalité, soit 20 % de la population, concentrent tous les privilèges. Le droit du sang s’applique avec intransigeance ainsi que la préférence nationale si chère au Front national.

Le secteur privé monégasque constitue à lui seul l’une des plus grandes entreprises de Paca. Plus de 40 000 salariés « immigrés » de France ou d’Italie viennent tous les jours travailler sur le Rocher. Ils ont parfois des avantages mais peuvent, même après des dizaines d’années en poste, être congédiés sans explication ni indemnité du jour au lendemain. À l’ombre du casino, du palais et de ses fastes, en marge du mariage, de son feu d’artifice et de l’inévitable concert de Jean-Michel Jarre, un quart des salariés de Monaco doivent se contenter du smic. Et ça, Stéphane Bern ne vous l’a pas raconté.

M. G.

(1) Bernard Langlois, présentateur du JT d’Antenne 2, utilise cette expression lors du décès accidentel de Grace de Monaco le 14 septembre 1982, survenu le même jour que l’assassinat du président du Liban. Il est licencié le lendemain. (2) Nous avons sollicité un entretien avec un représentant du gouvernement monégasque. Le « Centre de Presse », qui filtre toutes les demandes, n’a pas donné suite. Et aucun représentant des autorités de Monaco n’a pris la peine de répondre à l’une de nos nombreuses questions également transmises par écrit. Qu’importe ! Nous avons obtenu un entretien officiel avec Christophe Salengro, président de la présipauté du Groland.

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