Municipales 2008 : On prend les mêmes et on recommence…

octobre 2004
Le report possible des municipales (voir ci-dessus) n'empêche pas les milieux politiques de s'agiter dès à présent. Dans les trois grandes villes de la Région les maires en place veulent rempiler : à mi-mandat, ils commencent à serrer les boulons.

Jean Claude Gaudin n’est pas pressé

La devise de Jean Claude Gaudin ? « A chaque mandat sa tâche ». De 1995 à 2001, c’était le redressement symbolique : promouvoir Marseille, renverser son image négative, offrir du pain, des jeux et de la fierté aux marseillais. Mission accomplie : Marseille fait la une des magazines, on vante sa qualité de vie malgré les records de pollution et un métro fermé à 21 heures… De 2001 à 2007, Gaudin avait donc promis de rattraper le temps perdu dans le domaine de l’aménagement : le tramway, les espaces verts, la deuxième rocade, les premières réalisations d’Euroméditerranée, etc. Mais entre-temps, le vice-président du Sénat a vu le champ politique se clairsemer autour de lui : Jean François Mattei ne se relèvera pas de la canicule, et Guy Teissier, député-maire du 5ème secteur a échoué dans la conquête du Conseil Général. Enfin, Renaud Muselier a perdu les régionales et sa présidence d’Euroméditerranée, pour gagner une hypothétique stature nationale en tant que secrétaire d’Etat. Gaudin n’est dons pas menacé directement pour 2008. A moins que la politique nationale ne s’en mêle : si Gaudin et Muselier soutiennent aujourd’hui Sarkozy pour la présidence de l’UMP, la pression de Chirac pourrait s’accentuer avant 2007. Et dans cette bataille, Muselier a un argument de poids à faire valoir auprès des patrons nationaux : c’est lui qui tient la fédération UMP des Bouches du Rhône…

Coté gauche, la lutte est plus ouverte : Jean Noël Guérini, président du Conseil Général, prépare les municipales en s’entourant de conseillers émanant des différents groupes sociaux de Marseille. Mais pour avoir une chance de gagner, le président du Conseil Général doit s’appuyer sur les erreurs de son adversaire. Par exemple se battre contre le projet d’incinérateur des ordures ménagères à Fos sur Mer : à la faveur d’un débat public qui sert avant tout sa communication politique, Guérini vise Gaudin sur un dossier phare.

L’autre patron de la gauche, Michel Vauzelle, ne veut pas mettre le pied dans le bourbier marseillais. Patrick Menucci, son directeur de campagne en 2004, est intéressé, mais il est redevable à Guérini de l’avoir accueilli après sa défaite aux législatives de 2002. Enfin, il y a surtout Sylvie Andrieux, la plus ambitieuse des quadras du PS : elle était candidate à la candidature en 2001 ; elle a pris la présidence de l’Etablissement Public Foncier Régional qui va peser dans le développement des collectivités locales. Convaincu de la battre facilement, l’entourage de Gaudin encourage volontiers sa candidature… Après un article élogieux dans Marseille l’Hebdo en pleine campagne des régionales, elle pourrait même croire qu’elle a acquis la stature politique nécessaire à ce combat…

Hubert Falco décourage les adversaires

Après trois ans de secrétariat d’Etat, le Maire de Toulon a accompli une partie de la tâche : redonner à Toulon une place sur l’échiquier politique national. Cette place, il est allé la chercher à Paris, en bon cacique de la droite varoise : appuyé sur son ancrage rural, Hubert Falco a en effet construit son parcours autour du Conseil Général du Var. C’est la structure départementale qui lui a permis d’intervenir à Toulon entre 1995 et 2001, contre la municipalité FN. Parcours logique : département, grande ville, ministère, puis Sénat en septembre 2004, le Maire et président de la Communauté d’agglomération semble endosser les habits du grand élu de province… pardon, de Provence. L’épisode parisien une fois clos, avant que Raffarin ne l’entraîne dans sa chute, Hubert Falco rentre au bercail pour tirer les marrons du feu : c’est le moment où les premières opérations d’urbanisme vont sortir, et le Maire doit être là pour couper les rubans. Car une opposition laminée en 2001 a permis au Maire d’envisager de vastes changements urbains sans craindre de résistance : réouvrir la ville sur la mer, percer le deuxième tunnel de la traversée routière, restaurer les bâtiments publics, etc. Quant au tramway, il risque de n’être inauguré qu’après 2008. Falco serait alors l’un des rares Maires à être réélus dans une ville en travaux. Car personne ici ne doute de sa réélection, même à gauche. Les séances du Conseil municipal sont sans saveur, égayées parfois par les confidences du Maire: « je n’ai plus trop de fougue, je suis fatigué. Je suis un peu au bout de l’échelle », rapporte Cuverville le 29 octobre. Et Gilles Suchey, rédacteur en chef du média toulonnais, constate sans entrain : « Falco sera là jusqu’à la fin des temps. La seule ambition de la gauche, c’est de limiter la casse. Alors en 2007 ou 2008, de toutes façons, ce sera d’un ennui mortel ». Seul suspense : qui sera le « peintre » choisi à gauche pour « limiter la casse »…

Nice : Peyrat fait le dos rond

Le Sénateur-maire UMP Jacques Peyrat n’a jamais toléré aucune contestation dans son camp. L’idée même de couver en son sein un dauphin lui est insupportable, et justifie à elle-seule sa candidature en 2008. Il aura pourtant 78 ans, mais peu importe : il entend rester le seul maître à bord. Pourtant, depuis l’élection de 2001, gagnée de justesse, l’image du Maire s’est gravement détériorée dans la population niçoise, qui lui reproche tout et son contraire. Les commerçants ne peuvent plus le sentir, les juges lui cherchent des poux dans la tête et l’affaire Vialatte, du nom du directeur général des services à qui il avait confié les clefs de la mairie, a laissé des traces. Côté symboles, le classement de la façade de la gare du Sud, contre le projet de nouvelle mairie, sonne comme un désaveu. Sa seule chance est que d’ici à 2008, le tramway devrait être fini. Si les Niçois l’adoptent, Jacques Peyrat aura eu raison de faire le dos rond. Mais la concurrence sera rude.

Face à lui, le député UDF Rudy Salles, le dernier des bébés Médecin (avec Christian Estrosi), avait manifesté des velléités de conduire une liste en 2001. Depuis il s’oppose à Peyrat, sur tout et rien : la gare du Sud, le tramway, le stade du Ray, etc. Il confirme au Ravi qu’il sera bien candidat en 2008, et sa réponse marque une trop longue attente, voire une impatience d’en découdre. Un conquérant sous un masque un peu lisse…

A gauche, il n’a manqué à Patrick Mottard (PS) que 3000 voix en 2001. Depuis, il mène avec une certaine dextérité la barque de Nice plurielle, qui regroupe 14 conseillers municipaux des Verts à l’extrême gauche. Mais avec une casserole qui n’en finit pas de faire du bruit : en 1999, il a demandé à M. Damiani, qui l’avait remplacé au Conseil Régional, de lui rétrocéder la moitié de ses indemnités. Son challenger à gauche, Patrick Allemand, premier vice-président du Conseil régional, était déjà candidat à la candidature en 2001. De basses man?uvres, affirme-t-il, l’ont empêché d’aller plus loin, et depuis, il répète que « Si nous avons Peyrat à Nice, c’est la faute de Patrick Mottard ». Ce sont les militants socialistes qui choisiront leur candidat, et Allemand, président de la fédération des Alpes Maritimes, ne doute pas du résultat.

Etienne Ballan et Gilles Mortreux.

2007 ou 2008 ?

Le calendrier électoral de 2007 est trop chargé au goût du gouvernement : élections présidentielles, législatives, municipales et cantonales au printemps, puis sénatoriales à l’automne. Dominique de Villepin a donc mené des discussions avec les différents partis politiques, et obtenu le soutien de l’UDF pour un report des élections locales (municipales et cantonales) en 2008. Problème : les sénateurs seraient alors élus en septembre 2007 par un corps électoral (conseillers municipaux et généraux) datant de 2001 et 2004. Le PS s’oppose à cette solution, d’autant plus que les élections municipales de 2001 ne lui ont pas été favorables. Pour Jean Louis Masson également, sénateur ex-UMP de la Moselle (voir Le Ravi n°11), permuter l’ordre des prochaines sénatoriales et des municipales serait « un tour de passe-passe ». « Ni le Sénat, ni aucune institution de la République ne peuvent accepter que la légitimité des futurs sénateurs puisse être ainsi mise en cause. » Et le sénateur d’enfoncer le clou : « C’est dans les urnes que les élections doivent être gagnées et pas en manipulant les modes de scrutin ou leur calendrier ».

Le Conseil constitutionnel tranchera… De son côté Jean Claude Gaudin, maire d’une grande ville et rééligible au Sénat en 2007, voit les choses simplement : laisser le printemps 2007 aux élections nationales pour ne pas semer la confusion et encourager l’abstention ; organiser les élections locales au début de l’année suivante : « toute autre formule coincerait les élections municipales à partir de l’automne avant la session budgétaire, cela ne permettrait pas de faire une vraie campagne municipale. Or aujourd’hui les Françaises et les Français sont attachés à la proximité, les élections municipales pour eux sont très importantes ». Heureux électeurs donc, et heureux élus : les Maires se félicitent d’avance de cette année supplémentaire pour pouvoir finir les grands travaux de leurs mandats…

EB

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