La Crau : Conseil municipal du 23 mars 2011

août 2011
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

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19h00 Installé sur une estrade en compagnie de ses adjoints, face à son opposition, Christian Simon (UMP), qui a succédé à son père Gérard (maire de 1989 à 2008 et toujours conseiller municipal), s’impatiente. Le fils allume son micro : « Allez ! » Un silence de quelques secondes. « Bonsoir ! » Nouveau silence. « On va pouvoir commencer ? Merci. »

19h04 Le maire toise l’assemblée par-dessus ses lunettes de presbyte : « Nous avons deux fonctionnaires du département venus nous présenter notre Charte de développement durable. » Puis il file s’installer à côté de son opposition de gauche. Front large et yeux rapprochés, il arbore une veste sombre sur une chemise bariolée ouverte, style hawaïen. La salle du conseil est à son image : d’une modernité très « années 80 ».

19h12 Une petite trentaine sportive, « Guilhem » présente à l’aide d’un Powerpoint illisible les grandes lignes des « 18 ou 19 actions » de la majorité. En vrac : « une charte des terrasses », « la prévention sur la consommation de l’eau », « la mutualisation de la déchetterie » ou encore « l’investissement dans des véhicules communaux propres ». Révolutionnaire !

19h17 Après un petit numéro d’autosatisfaction du maire, Jean Codomier, longiligne chef de fille de l’opposition de gauche, cheveux blancs et costard noir, tacle : « Nous approuvons la charte car elle reprend certaines propositions de notre programme. » Et d’appuyer : « Vous vous engagez à vous rapprocher de vos administrés, on espère que ce ne sera pas seulement de vos amis ou des amis de vos amis, voire de vos amis référents. » Allusion directe au groupe de 200 Craurois anonymes constitué par Simon fils pour être informé, selon les sources : des problèmes « de voirie ou de lampadaire » (selon la mairie) ou d’un peu tout, habitants compris (selon la LDH (1)). Christian Simon, avachi dans son fauteuil : « On en reparlera à la fin, j’ai beaucoup à dire. »

19h25 Fin de la présentation. Télécommande à la main, le maire tente sans succès d’éteindre le vidéoprojecteur. Agacé, il la remet d’autorité à un fonctionnaire municipal, avant de trouver la bonne. Christian Simon a le côté suranné de Benoît Poelvoorde, « Monsieur Manatane », mais la classe et la taille de Nicolas Sarkozy…

19h40 Premier incident. Pascal Comby, quadra balaise, colistier de Jean Codomier, s’inquiète de la possible suppression de places de parkings à l’occasion de ventes « de terrains issus du déclassement du domaine communal » dans deux zones d’aménagement concerté (19 délibérations à la suite). Poussée de fièvre du maire : « J’en crée 88 ! » Et d’annoncer : « Je demande un scrutin public jusqu’à la fin de la série ! » Au premier vote, la différence n’est pas notable…

19h42 Dans la foulée, Albert Roche, chef de file de l’opposition DVD, s’intéresse à l’enquête publique du projet : « Les remarques au commissaire enquêteur consistent en quoi ? » Jean-Pierre Emeric, adjoint à l’Urbanisme, esquive : « Je n’ai pas le rapport. » Pas très téméraire, l’opposant s’en contente : « Ok, ok, ok. »

19h56 La série défile dans l’indifférence : Jean-Pierre Trouboul (opposition DVD) consulte sa montre, Catie Durand (majorité) joue avec son stylo, Christian Dampenon (adjoint aux Finances) enlève ses lunettes et s’essuie les yeux. Christian Simon affiche le plus souvent un sourire provocateur avachi dans son fauteuil. Une journaliste s’installe à la table réservée à la presse.

20h11 Délibération 22, « Division et déclassement partie de la parcelle AT no 63 – Éolienne. » Nouvel incident. Pascal Comby repart à l’attaque, cette fois sur l’absence de l’opposition aux réunions d’information de la population. Jean-Pierre Émeric tacle : « Soyez élu, vous ferez comme vous voudrez ! » Christian Simon explose : « À chaque fois qu’on a une réunion technique, il faut vous consulter ? » Puis déroule sur le même ton. Pascal Comby tente d’intervenir, mais le maire est lancé : « Je suis en train de parler ! Vous allez me respecter ! » Son père s’en mêle : « Arrêtez de donner des leçons de démocratie, la démocratie c’est le vote ! »

20h23 Faute de sujet de discorde, l’ambiance est retombée.

20h32 Délibération 29, « Montant de l’attribution 2011 de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée. » « Sujet délicat », annonce Christian Dampenon. Décidé dès son élection par Christian Simon, le rattachement avait été contesté par l’opposition. Jean-Pierre Sabathé, candidat DVD en 2008, désavoué par son groupe, sort de son mutisme : « Les chiffres n’ont rien à voir avec ceux négociés à l’époque. » L’adjoint aux Finances coupe : « Je n’aime pas les combats d’arrière-garde ! »

20h50 Moment rare : Alain Roquebrun lit la délibération suivante dans un silence complet.

20h54 34e et dernière délibération, « Débat d’orientation budgétaire. »

21h08 Volet « Dépenses de personnel. » Éternel, Christian Simon lance à deux fonctionnaires assis devant lui : « Pourvu que nos vieux s’en aillent, ça nous coûterait moins cher ! » Et de rigoler : « Non, on vous aime bien ! » Les intéressés, eux, rient jaune.

21h23 « Budget de l’eau », reprise des hostilités. « Ça ne va pas faire plaisir à Gérard Simon, mais on parle de plus en plus du fait qu’on va avoir l’eau la plus chère de la région. » Le fils à son père : « Tu veux débattre ? » Gérard Simon, enfoncé dans son fauteuil les bras croisés : « Laisse, c’est des âneries. »

21h39 « Questions diverses. » Jean-Pierre Trouboul s’intéresse au projet « Parc aventure », secondé par Albert Roche. Christian Simon esquive, concentré sur son opposant de gauche : « Allez, monsieur Codomier ! » Un coup dans l’eau.

21h53 Le maire s’excite encore : « Pas d’autres questions ? Pas de débat ? » Pascal Comby finit par lâcher le mot tabou : « Référent. » [Pour mémoire : en avril 2009, le maire a nommé 200 « référents de quartier » anonymes sans consulter son conseil municipal. La presse et l’opposition dénoncent une logique de délation et de flicage sécuritaire, NDLR.] Christian Simon se libère. D’abord calmement, il annonce triomphalement la fin de l’anonymat (2). Puis, rapidement, il s’attaque à Jean Codomier – « ils ne sont pas très heureux de ce que vous avez dit » –, avant de canarder dans toutes les directions en consultant un dossier : sur la presse (sauf Var Matin et M6), « qui reprend les infos des autres sans les vérifier » ; sur la LDH de Toulon, une « organisation politique extrémiste », sur les petits rigolos qui ont créé un bulletin satirique pour dénoncer ses voisins, etc. Mais le maire revient inlassablement à son opposant de gauche : « Ce qui m’a le plus retourné, c’est que vous ayez participé pour un bénéfice politique, même si je sais que vous avez été dépassé. Je vous demande une seule chose : que vous démentiez. » Jean Codomier tente timidement d’intervenir mais il est systématiquement coupé.

22h07 Dans le public, les esprits s’échauffent. Le maire interpelle trois soutiens d’Albert Roche, épargné malgré ses interventions sur le sujet : « Les gens qui rigolent au fond peuvent sourire, mais je vais m’énerver ! »

22h11 Jean Codomier parvient enfin à placer quelques mots. D’abord mal à l’aise : « J’ai fait un démenti sur le site de la LDH. » Puis, plus sûr : « C’est elle qui m’a contactée. Personnellement, je ne suis pas contre les référents, mais je souhaitais un débat parce qu’un premier magistrat ne peut pas organiser quelque chose d’anonyme. »

22h15 Christian Simon clôt la séance : « Ça marche très bien et ça continuera ! »

Par Jean-François Poupelin

(1) le Ravi no 83. Voir également le site de la LDH Toulon, qui a révélé l’affaire : www.ldh-toulon.net.

(2) L’opposition DVD, dans « La Crau, cap sur l’avenir » n°14, mars 2011, n’est pas convaincue. Elle a calculé que la moitié des 100 premiers référencés sont des élus actuels ou d’anciens conseillers de Gérard Simon.

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