Turf Editions : le pari risqué

août 2011
Leader incontesté du pari sportif en France, le groupe de presse connaît une mauvaise passe. Entre licenciements et bagarres, un ex-salarié a déposé plainte pour coups et blessures

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« Il est bien loin le temps ou l’on jouait à la pétanque sur le parking de la boîte », lâche un salarié, un brin nostalgique. Il y a quelques années, déjà installées dans la zone d’activité des Milles, les Editions en direct coulaient des jours tranquilles. Une « gestion familiale » et de bonnes rentrées d’argent qui suffisaient jusqu’à l’entrée en jeu d’un fond d’investissement anglais. En 2004, Montagu Private Equity prend le contrôle des Editions en direct et rachète l’année suivante le concurrent Paris-Turf. C’est la naissance d’une nouvelle entité : Turf Editions qui rassemble alors la quasi-totalité des titres de paris sportifs en France.

Salarié depuis vingt-six ans aux Editions en direct, Alex Ambrogiani n’a, à l’heure actuelle, plus le droit à de se rendre sur son lieu de travail. Le rédacteur en chef du Loto Foot Magazine, syndiqué CFTC, a touché le gros lot : payé à rester chez lui. « La direction considère que c’est mieux. » Il s’agit surtout de ne pas raviver les tensions. Récemment, deux salariés du magazine pour lequel il travaille en sont venus aux mains, séparés par Alex lui-même. L’un d’eux a porté plainte pour coups et blessures en attendant les conclusions de l’enquête. Un fait malheureux, produit d’une mauvaise gestion du personnel, commentent certains. « On nous fait miroiter de nouveaux projets qui ne sont en fait que des leurres. La direction cherche juste à nous faire croire que le journal avance », explique un ex du Loto Foot. Direction qui reste, elle, injoignable.

Même son de cloche au sein d’autres titres du groupe. Gérard Cnokaert a été licencié le mois dernier après dix-neuf ans de bons et loyaux services. Pour lui, c’est clair, Turf Editions cherche à « réduire les coûts ». Comment ? « En mutualisant les services, avec un contenu général pour plusieurs magazines du groupe. » Dernier exemple en date, la fusion des rédactions de Tiercé Magazine et Stato Tiercé, spécialisées dans les paris hippiques. Réduction du nombre de pigistes également. Une « réorganisation logique vu la situation économique actuelle », distille Franck Cardillo, délégué syndical SNJ, qui précise que la masse salariale de l’entreprise a néanmoins « augmenté d’un million d’Euros ces trois dernières années ».

Au final, Turf Editions doit faire face à plusieurs affaires devant les tribunaux. Mais l’amaigrissement de l’entreprise semble inéluctable. « On fait même des économies sur le nombre de photocopieurs », poursuit Gérard Cnokaert. Après deux échecs, les investisseurs de Montagu veulent toujours vendre. Difficile cependant avec une baisse des ventes estimée à 30 % sur cinq ans pour l’ensemble des titres. « On sait tous que l’avenir de la presse papier n’est plus à écrire », poursuit Franck Cardillo. Bien loin des ambitions initiales de la direction qui déclarait à l’époque, dans un communiqué, vouloir « doter le nouveau groupe de moyens plus importants dans le but de saisir d’éventuelles opportunités de croissance tant en France qu’à l’étranger ».

Alexandre Vau

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