C’est la zone !

septembre 2011
C'est bientôt la rentrée des classes ! Et le "bonheur" d'aller chercher des fournitures dans un hyper ? Comme à Avignon nord, qui a détrôné Plan-de-Campagne au rang de plus grande zone commerciale d'Europe. Tranche de vie à Auchan le Pontet. Centre névralgique, malgré son gigantisme, il est devenu… la nouvelle place du village. Reportage.

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Dans les dédales d’Auchan le Pontet, son hypermarché, ses galeries commerciales, un samedi de solde, le quidam est soumis à des centaines d’offres exceptionnelles et d’annonces à fort potentiel libidineux. Ici le prosélytisme à la consommation ne recule devant aucun effet de style douteux. L’affiche « les soldes sont à Avignon Nord », semée à 40 kilomètres à la ronde, exhibe une femme blonde les deux mains chargées de sacs avec les fesses langoureusement cambrées en arrière. Un modèle…

Bienvenue à Avignon Nord ! Avec l’ouverture d’Ikéa, elle revendique le glorieux statut de plus grande zone commerciale d’Europe devant Plan-de-Campagne (13). « Ici c’est le reflet de notre société de consommation dans toute sa splendeur » philosophe Catherine, une employée des Pompes funèbres, égarée, seule à une table d’un Flunch démesuré.

Dans l’immense galerie, certains se perdent et d’autres se retrouvent… tous les jours ! Patrick, un habitué du Firenze café observe : « Le centre commercial c’est comme une ville. Cela fait 18 ans que je viens quotidiennement, promener, boire mon café. Et faire quatre courses à l’occasion ! » Domicilié à quelques kilomètres de là, l’animation de la galerie lui semble indispensable. « A Sorgue, dans le village, il n’y a pas grand chose à part le marché le dimanche matin… »

Une ville ? Oui mais en mieux jugent les commerçants ! Car exit les clochards, bonjour les parkings surveillés ! « Ce qui change c’est la sécurité, nous avons un bouton urgence en cas de problème » apprécie Céline la gérante de la brasserie. Le café à 1 euro, c’est pour « faire venir les gens qui travaille dans la zone ». Et ça marche car la clientèle de son troquet est majoritairement composée d’aficionados. « On se retrouve entre nous au calme avant que la journée démarre et ça fait du bien », témoignent Jérémie et Ludo, deux jeunes employés de Leroy Merlin.

« Une fois c’est partie en partouze »

« Les clients de la zone sont plus stressés que les travailleurs, confie la patronne. Ils veulent se faire servir vite. Ils ont l’impression que s’ils ne vont pas tout de suite dans les magasins ils vont passer à côté des affaires. » Trois gifles en rafale ! Un enfant se fait corriger par son père et cela ne choque plus personne. Boucle d’oreille et veste militaire, le papa n’est pas le seul à galérer avec son rejeton. Marie fait face à une crise d’hystérie de sa fille. L’enfant se contorsionne dans sa poussette en poussant des cris stridents. « Ils ne nous facilitent pas la vie, avec les manèges, les bonbons à la caisse, les Chocapic vus à la télé », soupire la jeune maman. Le centre commercial est un test redoutable pour l’autorité parentale.

A 15 heures, quand les allées sont pleines, les affaires commencent pour Salim, Aïssa et Momo. La vingtaine, tous endimanchés, ils ne viennent pas lécher les vitrines mais pour « lever des zouzs ». Ils se rencardent ici un samedi sur deux. « Quand y’a rien d’autre à faire. » Le centre commercial est devenu un lieu de sortie pour les jeunes du quartier Saint-Jean. Et le club de rencontre ne fonctionne pas trop mal. « Il y a des filles qui sont là pour ça, surtout les lycéennes. On fait deux à trois rencontres par après-midi […] Ça marche en fonction de la gueule que t’as, si t’es en confiance. » Aboutissement ultime de la quête ? « Une fois c’est parti en partouze ! » Consumérisme, quand tu nous tiens…

Eric Besatti

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