Avoir du pif

octobre 2011
Chargée de « la surveillance régionale des odeurs » (sic), Airfobep cherche des bénévoles. Mission : lever le nez de ses chaussures et humer le vaste monde…

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« Moi, monsieur, si j’avais un tel nez, il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse » Erreur fatale à ne surtout pas commettre. Longtemps méprisé, parce que renvoyant à nos instincts primitifs, l’odorat est en bonne voie de réhabilitation. Airfobep, l’association pour la surveillance de la qualité de l’air de la région de l’étang de Berre et de l’ouest des Bouches-du-Rhône, fait appel à des « nez » bénévoles pour traquer les mauvaises odeurs. En raison de ses nombreuses raffineries, usines pétrochimiques et centrales thermiques, la région de l’étang de Berre est particulièrement exposée aux agressions olfactives, à tel point qu’on ne sait plus à quelle narine se vouer.

« Nous exerçons une surveillance régionale des odeurs, et plus exactement de la gène olfactive, explique Jean François Mauro, directeur d’Airfobep. C’est une activité complexe, car pour les polluants nous avons des instruments de mesures scientifiques afin d’analyser la qualité de l’air. Pour les odeurs, c’est plus compliqué. Mauvaise odeur ne veut pas dire pollution et les épisodes malodorants échappent aux capteurs. Le nez humain est alors l’instrument de mesure le plus performant ». Débusquer et identifier les effluves malodorantes qui empestent régulièrement l‘atmosphère, c’est la mission confiée à un jury de 150 « nez » bénévoles. Cette surveillance « aéro-olfactive » requiert quelques talents, voir quelques prédispositions.

Les conditions sine qua non pour intégrer ces bataillons de « nez » : ne pas être enrhumé et avoir un peu de flair. Mais gare à ne jamais piquer du nez, l’attention doit être continue. « Une fois par mois, durant une semaine, chaque jour, à des heures différentes, nous respirons l’air en faisant attention à être attentif pour bien préciser le type d’odeur, l’intensité de l’odeur, et à noter les conditions météo du moment », confie madame Boulat, « nez » bénévole depuis 5 ans. Cette mère de famille, que rien ne prédisposait à devenir une virtuose de la fragrance pestilentielle, a d’abord été une victime de ces « sollicitations » olfactives forcées, avant de se transformer en redoutable traqueuse de mauvaises odeurs : « Dans mon quartier, nous souffrions particulièrement des odeurs dégagées par le site de Lavéra, en tant que patronne du Comité d’intérêt de quartier local, j’avais envie d’agir, c’est pour ça que je me suis portée volontaire. »

Mais ces « maniaques » des effluves, qui passent une partie de leur temps, le nez en l’air, à fleurer les suaves odeurs industrielles, ne sont pas tous de simples dilettantes. « Nous en formons certains, en leur proposant des exercices qui les aident à déterminer avec plus d’exactitude le type d’odeur qu’ils rencontrent. On leur fournit également une mallette contenant des petits flacons de parfums qu’on trouve sur leur lieu de surveillance, pour qu’ils puissent comparer », précise Patricia Lozano, ingénieur chez Atmo Paca (surveillance de la qualité de l’air en Paca). Ainsi formés et équipés, ces capteurs citoyens reniflent le moindre fumet suspect. Dés qu’une mauvaise odeur pointe le bout de son nez, c’est l’eurêka. Et au bout de 3 plaintes, la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire), ouvre une enquête. « De telles enquêtes, conduisent les industriels à modifier leur manière de travailler, à améliorer leur outil de travail, ce fut la cas à Châteaurenard par exemple », certifie Jean François Mauro. Un joli pied de nez, à l’ère du tout technologique….

Rafi Hamal

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