Moi, Brigitte Bardot, « et la femme inventa le misanthrope »

janvier 2012
Brigitte Bardot n’a plus besoin de personne, recluse à la Madrague, avec son arthrose, son amour des bêtes et sa haine des hommes. Mais quelques combats la font encore vibrer : la sauvegarde des chèvres sauvages, des baleines, le droit des loups à égorger les brebis, mais pas celui des musulmans à les sacrifier…

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(Sur la plage abandonnée, au milieu des coquillages et crustacés, Brigitte Bardot, à genoux sur le sable, est en larmes. Elle tient dans sa main un bulot sur lequel quelqu’un s’est visiblement acharné en s’amusant à briser la coquille à coups de galet. Les lambeaux de chair du petit gastéropode palpitent dans un dernier tressautement.) Ordures ! Ordures ! Vous n’avez donc pas de cœur ! Vous ne respectez donc rien ! Si j’attrape le fils de salaud qui a fait ça, je lui arrache les couilles. Bernard a raison. Bernard, c’est mon dernier mari. Il veut rétablir la peine de mort. Il a mille fois raison. Il faut redonner aux gens le sens des vraies valeurs, de vrais repères, de vraies limites, faire payer le prix à ceux qui commettent des crimes. Bernard, les jaloux disent que c’est un facho parce qu’il est au Front national. Mais c’est un homme, un vrai, et il aime les animaux.

(B. B. se redresse et se dirige vers la Madrague, s’appuyant sur sa canne, tournant le dos au golfe de Saint-Tropez. Une chèvre s’approche et vient lui lécher les jambes.) Blanchette ! Blanchette ! Tu reviens de loin toi. Ton blanc pelage a bien failli être ensanglanté par ce salaud de préfet des Bouches-du-Rhône. Tu vivais avec ton troupeau sauvage dans le massif de la Nerthe, près de Marseille, où tu causais soi-disant des dégâts selon ces fermiers incapables de surveiller leurs cultures. J’ai écrit au préfet qui voulait vous faire abattre. « C’est ridicule et déplacé d’organiser des commandos armés pour s’en prendre à de pacifiques chèvres […]. C’est le choix des lâches et de ceux qui ne se donnent pas la peine de trouver une réponse humaine à un problème donné ! (1) »

« Ces lopettes de bas étage, travelos de tous poils »

Cette bataille-là, je l’ai gagnée ! Le chef des flics a accepté de capturer les chèvres et ma fondation les a fait adopter. (B. B. se fige soudain et serre les dents de rage.) Ce n’est pas comme avec l’Aïd-el-Kebir. Le mois dernier encore « des milliers de moutons se sont fait égorger en France dans des conditions ignobles, dans le silence et l’indifférence coupable des autorités », c’est « choquant, indigne et profondément révoltant. (2) » Je n’ai rien contre les Arabes. Vraiment rien. Mais quand même ! « Voilà que mon pays, la France, ma patrie, ma terre, est de nouveau envahie, avec la bénédiction de nos gouvernements successifs, par une surpopulation étrangère, notamment musulmane, à laquelle nous faisons allégeance. De ce débordement islamique, nous devons subir à nos corps défendant, toutes les traditions. D’année en année, nous voyons fleurir les mosquées un peu partout en France alors que nos clochers d’églises se taisent faute de curés ! (3) »

Faut que je fasse gaffe. Peut-être qu’on m’écoute. Je vais encore me prendre dans la gueule une condamnation « pour discrimination et incitation à la haine raciale » comme ils disent, la bouche en cul de poule, tous ces juges déguisés en bonnes femmes. Ils m’ont même condamnée pour homophobie parce que je n’aime pas les « lopettes de bas étage, travelos de tous poils, phénomènes de foire (3) »qui s’exhibent dans les Gay Pride. Mais j’ai des amis homosexuels. Je n’ai rien contre eux du moment qu’ils savent se tenir. On me caricature. On veut me mettre à terre parce que je donne la parole à ceux qui ne l’ont pas : les bébés phoques, les chiens, les chats, tous les animaux.

« Les hommes prennent tous les territoires des animaux »

Mes ennemis disent que je suis extrémiste ou bien naïve. C’est pas vrai ! La preuve : je suis végétarienne mais je mange un peu de poisson parfois. Et je trouve normal que les loups dévorent quelques brebis à l’occasion. Cela n’a rien à voir avec le massacre auquel se livrent les barbus islamistes. C’est naturel. Combien de fois faudra-t-il que je le dise ! « Qu’on laisse faire la nature ! (4) » La soi-disant ministre de l’Écologie vient d’autoriser les éleveurs à tuer deux loups dans les départements alpins de la région d’ici à la fin de l’année. « Certains crient “au loup” pour sortir les fusils, moi je crie à l’assassin […]. Il ne faut plus armer les bergers, chacun chez soi et les moutons seront bien gardés. (5) » Je l’ai écrit à Kosciusko-Morizet, putain c’est quoi ce nom, encore une métèque ! « Je me refuse de vendre la peau du loup. (2) »

Ce sont tous des lâches. J’avais voté Sarkozy en 2007. Terminé. Il m’avait promis, tout juste élu, qu’il rendrait obligatoire l’étourdissement des animaux avant tout abatage, rituel ou non. Il n’a rien fait et il ne me répond plus, Sarko. Tous des lâches. Je préfère les animaux aux hommes, qu’ils disent ! Je suis une misanthrope, qu’ils disent. Eh bien oui ! « Les hommes sont les plus grands prédateurs de la planète. Ils polluent tout. Ils détruisent tout. Il y en a beaucoup trop. Ils prennent tous les territoires des animaux. (6) » (B. B. grimace, terrassée par la douloureuse arthrose qui la torture depuis des années. Elle se détend en apercevant, au large, le bateau de l’association Sea Shepherd, rebaptisé le Brigitte Bardot, en route vers l’océan Austral pour aller sauver des baleines. Le capitaine, Paul Watson, la salue). « C’est un être magnifique. Je n’admire pas beaucoup d’hommes dans la vie. Mais lui a un courage exceptionnel. Il n’en démord pas et il prend des risques pour protéger les baleines. Il a vraiment des couilles. C’est une espèce en voie de disparition. (7) »

(Sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés déplorent la perte de l’été. B. B., bougonnant, éructant, ferme ses volets. Et c’est triste quand on pense à la saison, du soleil et des chansons…)

Rackham

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