« Vous aurez le Ravi de plâtre ! »

février 2012
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région... Dans le numéro de février, actuellement en vente, nous sommes allé "contrôler" l'assemblée plénière (perturbée !) du conseil général du Vaucluse. Le 8 décembre 2011 nous avions "testé" à Marseille le conseil de la mairie d'arrondissement du 1/7 dont nous publions ici le compte rendu.

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17h29 Soulagement d’une élue de la majorité : « Il y a le quorum ! » Parmi les absents, quelques stars locales : notamment Jean Roatta, député UMP et ancien maire du secteur, pour l’opposition, et Childéric Muller (Modem) pour la majorité. Comme d’habitude, selon les mauvaises langues.

17h30 Dans la foulée, Patrick Mennucci, maire PS depuis 2008, vice-président à la région et à la communauté urbaine, ouvre la séance en bon méridional, avec l’accent et force gestes : « Allez, on commence ! On va inverser l’ordre du jour et débuter par un vœu de la mairie de secteur. » Massif, voix de centaure et costard cravate sans éclat, le candidat aux législatives dans le centre-ville de Marseille est confortablement installé dans un fauteuil de ministre. Les conseillers doivent, eux, se contenter de vulgaires chaises.

17h32 L’UMP Sabine Bernasconi, une jolie quadra en tailleur noir, fait son entrée pendant que Bruno de Boissezon, adjoint aux Finances, lance le conseil par ledit « vœu » : « Rétablissement de l’abattement de 15 % sur la taxe d’habitation (TH) et révision du zonage pour une augmentation beaucoup plus égalitaire des impôts locaux. » Mesure prise il y a un an, la baisse de l’abattement à 5 % a eu pour conséquence une flambée de la TH, en particulier dans les secteurs populaires. Immédiatement, Christian Pellicani, pour le Front de Gauche, monte au créneau. L’UMP Gérard Chenoz, goguenard : « Voilà les forces progressistes ! »

17h38 Cassante et hautaine, Sabine Bernasconi rabâche les éléments de langage de Jean-Claude Gaudin : « La ville a revu les impôts mais sans les augmenter », « l’abattement était une niche fiscale », « dans d’autres villes gérées par d’illustres socialistes, Tulles et Lille, il ne dépasse pas 5 % » et encore « avec vous, ce sera la double peine pour les propriétaires. » Il faut sauver la France (de proprios) chère à Nicolas Sarkozy ?

17h43 Patrick Mennucci conclut le débat de sa grosse voix et en candidat : « C’est une proposition extrêmement courageuse et responsable. Si demain le PS veut gouverner, il doit promouvoir la justice fiscale à Marseille. Nous avons bientôt les présidentielles, le candidat socialiste a des propositions sur le sujet. » Pas sûr qu’il faille se réjouir…

17h51 Petite pique du communiste Christian Pellicani à propos de la décision du sénateur-maire UMP de Marseille de chasser les bouquinistes de sa ville (délibération 1) : « On ne peut plus s’étonner de rien avec cette mairie ! » 3 votes pour. Précision : les conseils d’arrondissements (parfois majoritairement socialistes comme ici) préparent les conseils municipaux de Jean-Claude Gaudin, UMP. En résumé, ce jeudi 8 décembre, les conseillers d’arrondissements des 1/7 se prononcent sur les délibérations du conseil municipal de Marseille du lundi 12 décembre. D’où une majorité opposée à une délibération qu’elle présente. Limpide ?

17h58 Coup de gueule de Morgane Turc, adjointe à la Politique en faveur de l’enfance, à propos d’une subvention de 150 000 euros accordée au Cercle des nageurs de Marseille, institution sélecte marseillaise, augmentée de 70 000 euros pour la préparation aux Jeux olympiques de Londres de quelques gloires de la natation française : « C’est fort bien mais en même temps la ville supprime les cours de natation aux petits Marseillais car elle enlève les maîtres nageurs des bassins ! » Encore une question d’économies. Gérard Chenoz, en verve : « Ils vont se noyer ! »

18h03 Petit moment de grâce lors du vote. Patrick Mennucci : « Je ne vais pas y prendre part parce que je suis membre du Cercle. » Gérard Chenoz et ses deux camarades UMP, en chœur mais plus discrètement : « Moi aussi. » Sans l’annoncer, Christophe Lorenzi (PS), 1er adjoint, et Franck-Michel Martin de Champagnac (Modem) comte (ou marquis, selon) et ministre plénipotentiaire auprès de Sa Majesté le roi de Tanna (île du Pacifique, ça ne s’invente pas) et adjoint à la Concertation avec les CIQ, ne participent pas non plus. Ce sont les 1 250 euros de cotisation annuelle au Cercle qui les rendent timides ?

18h04 Dans la foulée, Christian Pellicani se lève, enfile sa veste et quitte la salle.

18h10 Gérard Chenoz, toujours très en forme, à propos de la modification du nom de la place Thiers (l’anarchiste Louise Michel a été recalée par l’équipe de Jean-Claude Gaudin, qui propose l’écrivain Albert Cohen) : « Je vote pour la place Lorenzi ! » Patrick Mennucci, tout à son destin national : « Moi, pour la place Édouard Balladur ! »

18h16 Alors que Philippe San Marco, ancien socialiste élu sur la liste de Jean-Claude Gaudin sous la bannière de son groupuscule Convention citoyenne, est plongé dans son agenda, le maire des 1/7 propose un vote pour chaque modification de nom de rue (il y en a trois au total). Sabine Bernasconi explose : « Vous n’avez pas le droit de faire ça ! » Patrick Mennucci au diapason : « Attendez, c’est pas vous qui dirigez, vous avez perdu les élections ! » La quadra, furieuse : « Vous vous arrangez avec la règle ! » Le socialiste fait du Chenoz : « On n’est pas aux Galeries Lafayette un jour de soldes ! » Sabine Bernasconi est intenable, mais couverte par la voix de Patrick Mennucci. Qui conclut par un dernier tacle à hauteur des genoux : « On voit ce qu’est la démocratie à l’UMP ! » Ambiance…

18h26 Aménagement de la caserne d’Aurelle, au pied du fort Saint-Nicolas (délibération 11). Un très gros dossier. L’ancien site militaire doit accueillir un nouveau collège, mais Jean-Claude Gaudin souhaite réserver une partie du terrain pour un projet immobilier. Ce que dénonce la gauche, qui propose à la place un théâtre et un gymnase. L’atmosphère est toujours aussi tendue. Sabine Bernasconi dénonce les atermoiements du conseil général (compétent en la matière) et de son président Jean-Noël Guérini sur le dossier. Elle s’excite, frôle l’hystérie. Gérard Chenoz tente une blague pour la calmer. En vain.

18h35 Délibération 11, suite. Philippe San Marco est prostré sur sa chaise, la tête entre les mains. Sabine Bernasconi se recoiffe, puis recommence à invectiver Patrick Mennucci. Le socialiste hausse de nouveau la voix, ce qui n’est définitivement pas nécessaire, sort une nouvelle saillie douteuse : « Allez raconter vos salades à Disney ! » Le conseil vire foire d’empoigne, devient inaudible. Le public, principalement des représentants des CIQ (ceci explique cela), reste sans réaction.

18h42 Sabine Bernasconi balance sa tête, continue de pester : « C’est incroyable, c’est une honte ! » Patrick Mennucci prévient : « le Ravi est là, vous aurez “le Ravi de plâtre” ! » L’UMP impassible, malgré le risque : « Jean-Claude Gaudin nous a donné un rapport à voter, vous ne pouvez pas proposer d’amendement ! Nous ne prendrons pas part au vote. » Philippe San Marco sort de son apathie : « Je vote pour l’amendement ! » Limpide ?

18h48 Les dernières délibérations défilent. Philippe San Marco consulte son portable, Patrick Mennucci est enfoncé dans son fauteuil de ministre, Sabine Bernasconi, qui ne décolère pas, fouille frénétiquement dans son sac en s’en prenant à Gérard Chenoz.

18h52 Patrick Mennucci vient de lever la séance de sa grosse voix chantante. À la sortie du conseil, Sabine Bernasconi est toujours aussi remontée et redit le fond de sa pensée à un Christophe Lorenzi indifférent. Mais poli.

Jean-François Poupelin

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