Moi Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine

août 2012
Le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine incarne mieux que personne le renouveau du catholicisme. La presse ne parle plus que de ce curé qui officie en haut de la Canebière et qui parvient à faire revenir par centaine les Marseillais à la messe. Un personnage au passé d’artiste de cabaret qui n’a pas perdu son sens du spectacle. Témoignage (1), en toute modestie, d’une ascension fulgurante.

ravi_trax_zanotti.jpg

On ira tous au paradis… Surtout moi ! En tout cas je fais tout pour ! Je suis devenu en quelques années la star du bénitier. Et je me dois d’être à la hauteur de ma réputation : Le curé de l’église Saint-Vincent-de-Paul dite des Réformés « qui multiplie les paroissiens » (2), c’est moi ! Celui qui a « une foi à soulever la Canebière », c’est encore moi ! Toute la presse en parle ! Bientôt mon nom judéo-russo-corse imprononçable, Michel-Marie Zanotti-Sorkine, sera sur toutes les lèvres de toutes les pécheresses ! Il faut dire que je me démène ! Les 35 heures, j’connais pas : j’ouvre les portes de l’église dès huit heures tous les matins, je donne quatre à cinq messes par semaine, sans parler des confessions tous les soirs parfois jusqu’à 21H30 ! Et le reste de la journée, je parcours Marseille en soutane, en long, en large et en travers pour tenter de ramener les âmes errantes à l’église, et ce n’est pas une mince affaire ! Pour moi, l’habit fait le curé. « Nous sommes 15 000 prêtres en France dont 9000 actifs, et 40 000 religieuses, je suis sûr que si tout le monde, par un décret qui tomberait du ciel, remettait sa soutane ou prenait le voile, et bien l’Eglise reprendrait sa place dans le champ social. Je le dis pour l’avenir du Christianisme. » (4) Si je fais du prosélytisme ? Oui et je ne m’en cache pas ! « Je veux rejoindre ceux qui sont loin de la foi et les convaincre. » (4)

« La richesse de la liturgie plait aux plus pauvres »

En sept ans, j’ai auréolé de lumière le haut de la Canebière, j’ai fait revenir les fidèles dans la maison de Jésus et je n’en suis pas peu fier ! Pas moins de 500 personnes assistent à chaque messe, debout ou assis par terre par manque de places, l’église est pleine à craquer ! A l’heure où l’on pointe du doigt les prières de rue des musulmans, moi je relance les processions et on ne trouve rien à redire. Si ça tient du miracle ? Euh, je dirais plutôt que ça demande beaucoup de boulot ! Heureusement, je peux compter sur soixante bénévoles qui m’aident à briquer la bâtisse de la crypte aux vitraux. Je précise quand même qu’« il ne faut pas confondre la mission du prêtre et les tâches des laïcs, qui ne sont pas de la même nature  » (3). Moi je prie et eux ils brossent et astiquent ! « Pour moi, si l’on entre dans une église qui n’est pas impeccable c’est impossible de croire en la présence glorieuse de Jésus ! » (4) Et dire que dans les années 80, le lieu était déserté et on songeait même à le faire démolir ! C’était sans compter sur Bibi pour ramener tout le monde dans le droit chemin ! Bon, y’a bien cette statue de Jeanne d’Arc à l’entrée de la bâtisse, qui ne m’attire pas que les meilleures âmes, mais bon…

En attendant de gagner le paradis pour service rendu à la religion, je me démène. Chaque messe c’est le grand jeu ! « Pour moi le fond et la forme sont indissociables ! Y’a qu’à voir le mariage de Kate et William, 2 milliards de téléspectateurs ! Enlevez les couronnes, enlevez les habits princiers, enlevez les carrosses, et c’est fini, plus personne ne regarde rien ! » (4) Niveau scénographie, je suis au top : grandes orgues, chants liturgiques en latin, habits d’apparat et enfants de chœur façon « pub pour Benetton » (2) Dans mon église, il est courant de voir une Marie-Amélie de la Corniche à côté d’une Comorienne en tenue traditionnelle ou d’un Rastaman. J’ai aussi remis l’encens au goût du jour. Ca pue, mais ça crée l’ambiance. « Au siècle de l’image, il faut donner du beau à voir dans les églises. La richesse de la liturgie plaît aux plus pauvres, précisément parce qu’elle les sort de leur quotidien. » (3) Il ne faut pas oublier, je suis un showman avant tout ! J’ai débuté comme chanteur de cabaret à Paris, une statue de la vierge posée sur mon piano. J’avoue que ce n’est pas commun de parler de Jésus dans le milieu de la nuit. J’ai bien tenté d’en évangéliser quelques uns, mais je n’ai rien pu faire pour Régine et Michou… Je l’avoue, à l’époque moi aussi je ne savais pas trop à quel sein me vouer et je me suis laissé tenter par plusieurs, pauvre pécheur que j’étais, mais comme j’ai l’habitude de dire aux journalistes qui chercheraient à me discréditer : « Derrière bien des étreintes précipitées se cache la pauvre peur humaine de ne pas être aimé et le désir pur, peut- être, en tenant un corps d’attraper un cœur » (3)

« Ils tirent fort sur le sein […] il faut que l’on tire fort sur le cep de vigne »

A 28 ans, une seule femme s’est imposée à moi : Marie. Après un passage chez les Dominicains, puis chez les Franciscains, j’ai rejoint finalement le diocèse de Marseille pour être ordonné prêtre à 40 ans. Avec mon statut d’intermittent, j’avais déjà fait vœu de pauvreté, mais je n’aurais probablement jamais réussi à remplir l’Olympia alors que là je fais salle comble à chaque messe ! Fini le boogie-woogie avant la prière du soir, et vive les prédications du dimanche matin ! Je mise tout sur les sermons car je maîtrise les mots et la métaphore filée comme personne ! (5) Mon secret ? Le plus sûr moyen de les toucher tous, c’est de parler à chacun. Alors je parle aux jeunes : « Quand vous êtes amoureux […] vous n’avez qu’une seule hâte, vous isoler dans un petit coin de la maison pour envoyer un texto » (5) ; aux obsédés, « Ils tirent fort sur le sein […] il faut que l’on tire fort sur le cep de vigne » (5) ; aux alcooliques, « Vive le rouge et le rosé ! »  (5) ; et aussi aux impies, « Un jour viendra où les sarments secs de leur vie seront jetés au feu » (5). L’allitération est du plus bel effet, non ?

Une heure trente où l’on touche du doigt le céleste ! Pas de Michel-Mariiiiiie, ni de lancer de soutiens-gorge – mes paroissiennes savent se tenir – mais des pleurs et une file d’attente pour recevoir le corps du Christ de ma main. Je pense que mon physique de vieux beau ténébreux de 53 ans à la Richard Chamberlain (6), le brushing toujours impeccable, joue en ma faveur. Si je n’étais pas moi-même qui je voudrais être ? « Un autre qui me ressemble » (7). Reste plus qu’à résoudre mon péché d’orgueil, et je suis prêt à être canonisé.

Samantha Rouchard

Imprimer