L’ADER ne ment pas

août 2012
Le président d’une association de défense de l’environnement attaqué en justice par cinq maires de droite !

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Ce n’est pas seulement parce que son épouse est avocate que l’oléiculteur Philippe Chansigaud connaît bien la justice. C’est aussi parce que ce membre de la Confédération paysanne qui préside l’ADER (l’Association de défense de l’environnement rural, basée à Tarascon dans les Bouches-du-Rhône), en multipliant les recours contre les projets de construction à proximité de zones naturelles ou protégées, s’est fait beaucoup d’ennemis. Non sans raison : « Chaque année, 3000 hectares de terres agricoles disparaissent en Paca, dont plus de 1200 dans notre département. Tout simplement parce qu’en devenant constructibles, leur valeur est multipliée par 40 voire par 60. Sans parler de ces maires qui, s’ils ne construisent pas, n’ont pas l’impression d’exister… »

Après avoir vu Claude Vulpian, le maire PS de Saint-Martin-de-Crau (accessoirement « monsieur Agriculture » au CG 13), porter plainte contre lui pour avoir osé rebaptiser sa commune « Saint-Parpaing-de-Crau » (le Ravi n°88), Philippe Chansigaud a été convoqué le 25 avril à l’Evêché suite à la procédure engagée par les maires de Barbentane, Boulbon, Graveson, Saint-Etienne-du-Grès et Tarascon.

Rappelant qu’il « milite dans des mouvements altermondialistes », ces cinq maires de droite estiment que son association « multiple à outrance les recours contre les permis de construire délivrés par [leurs] communes » (1). Et de soupçonner quelque détournement de fonds, son épouse étant l’avocate de l’ADER, les frais de justice ayant représenté en 2010 les deux tiers des dépenses de l’association. Comme l’explique Elisabeth Alric, adjointe UMP à Tarascon (et… avocate elle aussi) : « Avec son association, parce que c’est elle qui mène la barque, elle enquiquine tout le monde. Et ce, à son propre profit ! »

Réponse du militant : « Si tout se faisait dans les règles – et c’est loin d’être le cas – il n’y aurait pas de recours. Et qu’une association comme la nôtre en engage n’a rien de surprenant : c’est pour cela que nous avons reçu un agrément ! Ensuite, je savais qu’en travaillant avec mon épouse, on s’exposait aux critiques. Reste qu’avec un forfait de 1000 euros par affaire, pour des recours qui vont jusqu’au Conseil d’Etat, on ne trouvera pas moins cher. D’ailleurs, la brigade financière n’a rien trouvé à redire ni à notre comptabilité ni à nos comptes-rendus d’activité. » Commentaire de Me Alric : « 1000 euros par affaire, en effet, ce n’est vraiment pas cher… »

Et Philippe Chansigaud, comme ses soutiens (2), de se demander : « Engager un recours contre un permis de construire va-t-il devenir un délit pénal ? » En tout cas, voir des maires de droite s’interroger sur un éventuel conflit d’intérêts en pointant la qualité d’épouse d’une avocate ne manque pas de piquant au moment où l’épouse du député Renaud Muselier, avocate au civil, est inquiétée par la justice. Plus inquiétant, dans la plainte, ce sous-entendu : « Certains [agriculteurs] ont pu indiquer que sans une condamnation des agissements de cette association, ils envisageraient d’autres alternatives », préviennent les édiles. Une menace à peine voilée. Mais Philippe Chansigaud a l’habitude : « On s’est attaqué à mes arbres, à ma propriété, à ma voiture… La justice a toujours classé mes plaintes. Pas assez de preuve… »

Sébastien Boistel

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