« La culture n’est pas que pour une élite »

décembre 2012 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
Écoutez l'émission:
Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Cécile Helle, vice-présidente PS de la région Paca, invitée de la Grande Tchatche
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Pour beaucoup, le changement c’est doucement. Trop doucement ?
Le temps de la décision ne correspond pas forcément avec la volonté de changement rapide. Nous sommes tous impatients. Mais il y a déjà eu la revalorisation de la prime de rentrée scolaire, le coup de pouce donné au Smic, le dégel de crédits dans la culture…

Avec ArcelorMittal, le gouvernement semble hésiter sur sa stratégie…
Décider de prendre le contrôle public du capital d’une entreprise comme Arcelor Mittal ou de faire confiance en un entrepreneur pour recapitaliser ne sont pas des choix simples. L’enjeu aujourd’hui est de redonner aux politiques les moyens de ne pas se laisser dicter la loi par le milieu économique.

Le volontarisme politique ne fait-il pas défaut à Hollande concernant le droit de vote aux étrangers ?
Je ferai partie de celles au sein du PS qui mouilleront la chemise pour défendre cet engagement de campagne. François Hollande est toujours convaincu de son bien-fondé mais en tant que président de la République, donc garant de la cohésion nationale, il doit veiller à ne pas diviser notre pays.

Des marcheurs sont partis de Nice pour rejoindre Nantes en soutien aux opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Votre avis ?
Ce n’est pas toujours facile de répondre à des objectifs parfois contradictoires : asseoir l’attractivité d’un territoire, préserver les terres agricoles et la biodiversité. Sans me prononcer sur l’aéroport, je suis convaincue qu’en 2012 on ne peut pas faire les mêmes politiques qu’en 1981, qu’il faut sortir de l’idée que l’aménagement du territoire passe forcément par la réalisation de grandes infrastructures.

En Paca, 47 % des militants UMP ont privilégié, lors du vote interne sur les motions, l’aile droite du parti (« droite forte » + « droite populaire »). 56 % dans le Vaucluse ! Cela vous inquiète ?
Ce qui me préoccupe encore plus c’est comment convaincre les électeurs dans le Vaucluse qui plébiscitent directement le Front national, ou bien les listes de Jacques Bompard [NDLR : la ligue du Sud], qu’ils se trompent. Ils font confiance à des candidats qui ne répondront pas aux problèmes de leur vie quotidienne.

La gauche n’est plus audible ?
Il nous faut faire des propositions très concrètes pour combattre un vote d’extrême droite qui n’est plus simplement contestataire. Dans les périphéries urbaines où le FN obtient ses meilleurs résultats, Nicolas Sarkozy a supprimé gendarmeries et commissariats. Mais il y a d’autres enjeux : l’emploi, les transports. Quand la région Paca rouvre des lignes ferroviaires, comme entre Avignon et Carpentras, elle travaille concrètement à améliorer le quotidien et le pouvoir d’achat.

Quel rôle peut jouer la culture ? S’agit-il d’un hobby pour privilégiés ?
Je m’oppose à ceux, comme Marine Le Pen, qui prétendent que la culture n’est accessible qu’à une élite. Les acteurs culturels ne vivent pas en vase clos. Prenez l’exemple des spectacles nomades de théâtre contemporain de la scène de Cavaillon. Ils se jouent justement dans les communes périphériques où le FN triomphe. Asseoir le milieu associatif culturel dans certains quartiers fait partie des solutions.

Marseille-Provence 2013 démarre. Quelles leçons tirer de ce qui n’a pas marché, en 2000, lorsqu’Avignon a été capitale européenne de la culture ?
La dimension urbaine et territoriale n’avait pas été suffisamment prise en compte. Avignon, contrairement à Lille, n’avait pas su faire de cet événement un rendez-vous populaire. Et puis, il n’y avait pas eu assez de réflexion sur l’après « année capitale ».

En dehors du festival de théâtre l’été, Avignon semble assoupie.
Une véritable ville culturelle est celle où la population a des pratiques culturelles. Il y a malheureusement encore beaucoup de gens à Avignon qui ne poussent pas la porte d’un théâtre ou d’un musée. Et puis Avignon, au contraire d’Arles, n’a pas su considérer la culture comme un vecteur de développement économique.

Pourquoi êtes-vous entrée si tôt en campagne pour les municipales ? Et puis pourquoi Helle ?
(Rires) Il n’est jamais trop tôt pour partir. J’ai envie de construire un projet pour ma ville collectivement. D’où la création de l’association « L’Atelier de 2014 » qui est avant tout un laboratoire d’idées.

Pour départager, à gauche, les candidats à la candidature, êtes-vous favorable à des primaires ouvertes comme à la présidentielle ?
Je suis assez partagée. Aux municipales, même si la tête de liste joue un rôle important, on désigne toute une équipe. Mais si des primaires sont organisées, j’y participerai évidemment en m’assurant qu’elles se feront dans la transparence la plus totale…

Vous n’avez pas confiance dans votre fédération ?
Si, mais des éléments de biais peuvent intervenir plus facilement que lors d’une élection nationale.
Des électeurs de droite, par exemple, peuvent décider de choisir le candidat socialiste aux élections locales…

La machine à perdre risque-t-elle de se mettre en place dans une ville où pourtant les chances de la gauche sont ouvertes ?
Lors du lancement des « Ateliers de 2014 », début octobre, la salle municipale de 100 personnes s’est avérée trop petite. Nous avons dû nous rapatrier à la salle des fêtes et ses 250 places. Tout cela alors que l’échéance est dans deux ans ! Les attentes et la dynamique sont là.

Certains de vos « amis » disent que vous êtes une très bonne technicienne mais que vous n’avez jamais été élue sur votre nom, que vous n’aimez pas aller au contact…
Ces gens ne me connaissent pas bien. Je suis une des rares élues à avoir conservé son emploi. Je garde les pieds dans la réalité professionnelle. Je suis enseignante à l’Université d’Avignon. Tous les mardis et mercredis, je rencontre de jeunes étudiants, des collègues. Dans le quartier où j’habite à Avignon, les gens me connaissent. Je les croise à la boulangerie…

Quelles qualités pensez-vous avoir pour devenir maire ?
Le prochain maire doit avoir la conviction que le changement est aussi possible à Avignon pour qu’elle ne soit plus une belle endormie. Il faut redonner de la fierté aux Avignonnais sans oublier de répondre à leurs préoccupations les plus quotidiennes : résoudre aussi bien les problèmes de poubelles non ramassées qu’offrir une vision pour notre ville.