Edito

mars 2006
Les prophètes de la précarité

Nul n’est prophète dans son pays. En politique, c’est parfois même un avantage. A ce titre, l’adoption par les parlementaires du « contrat première embauche » est un cas d’école. Ce projet de loi offre aux employeurs la possibilité, durant deux ans, de licencier sans motif les jeunes « bénéficiaires » d’un CPE. Le « contrat à durée indéterminée » (CDI), autour duquel s’articule le modèle social français, est renvoyé une fois de plus au rang des vieilleries et autres antiquités. Le débat politique en cours est majeur. D’un côté, le gouvernement et sa majorité sont convaincus que pour créer des emplois il faut « libérer l’initiative » en mettant un terme aux « lourdeurs » du Code du travail. De l’autre, l’opposition juge que la prospérité économique ne peut pas se fonder sur un état permanent « d’insécurité sociale », sur la précarité des jeunes et des salariés.

In fine le débat sera tranché, comme il se doit, à l’Assemblée et au Sénat. Mais il a lieu également dans la rue. Les lycéens et les étudiants, soutenus par l’ensemble des syndicats, s’y expriment là aussi en toute légitimité. Dans les deux cas, tout est normal. Ce qui l’est moins, c’est l’extrême discrétion de nos poids lourds régionaux. Il s’agit d’une habitude. Jean-Claude Gaudin, Hubert Falco, Jacques Peyrat, Renaud Muselier, Dominique Estrosi et les autres, cherchent en permanence à s’afficher au dessus des « querelles politiciennes » dès qu’ils ne sont plus à Paris. Les élus de gauche, une fois que leurs partis sont aux affaires, adoptent la même attitude. Ce sont pourtant bien nos barons locaux qui approuvent le CPE à Paris, au Parlement. Leur façon de systématiquement se dissocier, ici, des convictions et des choix qu’ils soutiennent, là bas, relève de la schizophrénie. Et d’un jeu de dupe pour les électeurs.

La tempête sociale, espérée ou redoutée, n’aura peut-être pas lieu. Une autre tempête a déjà agité, ces dernières semaines, les bénitiers, les synagogues et les mosquées. Tout est parti du Danemark avec quelques dessins médiocres représentant le prophète Mahomet. Avant de susciter les plus vives passions aux quatre coins du monde. Sauf à jouer les autruches, comme nos élus avec le CPE, il aurait été difficile de ne pas aborder de face le sujet dans les colonnes d’un journal où le dessin de presse occupe, au côté de l’info, une place de choix. Peut-on se moquer des religions, en caricaturant leurs prophètes, leurs croyances et leurs rites ? Sans équivoque : oui. Il s’agit presque d’un devoir lorsqu’on a fait v?ux de satire. Comme il est utile de brocarder tous les pouvoirs, temporels ou spirituels, et tous les dogmatismes dont les chrétiens, les juifs où les musulmans sont loin d’avoir l’exclusivité. Défendre avec vigueur le droit à la caricature et au blasphème, instauré par la Révolution française, n’implique pas de mépriser les croyants. Et n’interdit pas d’être lucide sur les fantasmes, teintés de xénophobie, qui s’expriment avec force au sujet de l’Islam. Une religion qui vaut mieux que ses caricatures.

le Ravi

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