Edito

juillet 2006

Que du bonheur ! Une bière dans la main, un morceau de pizza dans l’autre, la télévision branchée sur TF1, les yeux braqués sur Zizou, Ribéry, Barthez et les autres : nous avons été plus de vingt millions, les soirs de match avec l’équipe de France, à être spectateurs du mondial 2006. On a beau savoir, rien n’y fait. Bien sûr, le foot est un business où les joueurs sont devenus des mercenaires. Bien sûr, sans le dopage, les performances physiques de nos « héros » seraient inconcevables. Bien sûr, comme du temps des jeux romains, l’utilisation politique et économique du « sport spectacle » sert à nous distraire de nos multiples frustrations. Pourtant, difficile de bouder notre plaisir ! Comment résister au culte du ballon rond, à l’épopée lyrique de ses champions, au suspens absolu du direct, à la joie sans pareille, démultipliée par millions, lorsqu’un but est marqué. Qu’il fait bon être un mouton. Le culte de la performance individuelle, la religion du chacun pour soi, finissent parfois par nous faire oublier que nous sommes une espèce grégaire. La grand messe du foot nous le rappelle avec force. L’hystérie collective qui saisit un pays prêt à s’enflammer pour une équipe, que tous décrivaient comme un asile de vieillards avant le début de la compétition, peut faire sourire ou effrayer. Rien de plus éphémère que cet engouement. En 1998, la France avait communié sous la bannière « black-blanc-beur » lorsqu’elle fut sacrée « champion du monde ». Mais le même pays propulsait, en 2002, le héraut de la xénophobie au second tour d’une élection présidentielle. Les embrassades par-delà les frontières sociales et culturelles, la fraternisation des lendemains de victoire, le grand carnaval des discussions de café du commerce sur l’arbitre malhonnête, l’entraîneur incapable, ou le joueur malchanceux, n’ont qu’un temps. Sur l’autoroute des vacances. En attendant les prochains jeux du cirque, les congés d’été vont nous permettre de prolonger la joie du « tous ensemble ». Et celle de la promiscuité. Pare-chocs contre pare-chocs lors du « chassé-croisé » entre les juillettistes et les aoûtiens ; serviettes contre serviettes sur les plages archi-combles tout au long de la côte ; sacs de couchage comprimés dans les dortoirs des refuges perchés sur les alpages : du 15 juillet au 15 août, chacun cherche un petit coin de bonheur. Si possible au même endroit. Très souvent en Paca. Un anniversaire nous rappelle que cela n’a pas toujours été le cas. Les congés payés n’ont « que » 70 ans. L’idée d’être payé à ne rien faire, fruit des combats du mouvement ouvrier formalisés en 1936 par le Front populaire, est rentrée dans les m?urs. Mais la généralisation du tourisme de masse bute depuis vingt ans sur un seuil : un Français sur quatre ne part jamais en vacances. Après le droit aux congés, la bataille du droit au départ reste encore à mener. Le droit par exemple, au c?ur d’un camping bondé, dans une caravane, de l’eau au frais dans la glacière pour arroser le pastis, pieds nus dans ses sandales, de regarder… un match de foot bien entendu !le Ravi

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