Les Verts veulent prendre de la graine

juin 2006
Entre pragmatisme et radicalité, les débats restent vifs chez les Verts...

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« La politique, cela peut être noble et propre », souligne Dominique Voynet. Parfois aussi un exercice ingrat et laborieux comme ce 18 mai. Dans la mairie du 13/14 à Marseille, où la sénatrice est venue débattre de la crise des banlieues, l’affiche est prestigieuse. A la tribune : une ancienne ministre, Jean-Luc Benahmias, député européen, Christophe Madrolle, candidat aux prochaines municipales… Mais face à eux, seulement 14 personnes ont fait le déplacement ! Réunir du monde un jeudi à 18 heures dans les quartiers nord, où les marseillais du centre ville s’aventurent rarement, n’est certes pas facile… « L’écologie n’est pas un programme luxueux qui s’adresse seulement aux supérieures. Elle est aussi l’affaire des classes populaires », poursuit Dominique Voynet.

Les Verts, 800 adhérents revendiqués en Paca, ont la ferme intention de peser lors des rendez-vous électoraux. Même sans députés, ni maires, ni sénateurs, ils disposent dans la région de quelques atouts : un groupe d’élu au Conseil régional, une cinquantaine de conseillers municipaux, des militants très actifs dans le secteur associatif, une légitimité sur des questions électoralement porteuses : la pollution, la qualité de vie, les transports… A condition de savoir dompter un vieux démon : celui de la division. Au Conseil régional, la querelle, autour des cumuls de mandats supposés de Jean-Luc Benahmias, est terminée (lire le Ravi N°20). Elle s’est tout de même soldée par l’exclusion de quatre conseillers régionaux du parti. Désormais réduit à huit élus, le groupe Vert a donc été préservé.

« Puisque nous n’avons jamais eu une minorité de blocage pour peser sur nos partenaires, 8 ou 12 élus cela ne change rien, commente Jean-Luc Benahmias. Nos relations avec le PS pourraient être meilleures ou pires. Mais en dehors de divergences prévisibles, sur l’A51 ou Iter, toutes nos propositions sont acceptées. » Vice-président délégué à l’emploi, le toulonnais Philippe Chesneau ne regrette pas son deuxième mandat : « le président Vauzelle nous considère comme des « apporteurs d’idées ». Il a réussi là où Jospin avait échoué en animant une gauche vraiment plurielle sous la bannière de l’altermondialisme. » Même parmi les quatre « dissidents », aujourd’hui apparentés PS, certains envisagent de retourner au bercail. « C’est difficile de faite entendre notre spécificité dans le groupe socialiste, reconnaît Juliette Chesnel, conseillère régionale des Alpes Maritimes. Mieux vaut faire changer le cap au navire plutôt que de le quitter. Les chaloupes sont parfois moins sûres. »

Comme toujours chez les Verts, les débats restent vifs. Tout d’abord, sur l’opportunité d’une candidature autonome pour les présidentielles. Les partisans du « non » au référendum sur l’Europe ne désarment pas et participent aux collectifs du 29 mai réclamant une liste d’union « anti-libérale », si possible conduite par José Bové. « Souhaite-t-on promouvoir une écologie d’accompagnement ou de transformation ?, interroge Henri Rubino, membre de la direction des verts des Bouches-du-Rhône. Je plaide pour un front unitaire de radicalité. » Lui aussi adepte du « non », Jean-Raymond Vinciguerra, opte pourtant pour une option très différente : « Je désire avant tout changer de gouvernement, de députés et de maire, martèle l’unique Conseiller général (06) Vert de la Région. L’heure est au rassemblement de la gauche. J’ai quitté les comités des partisans du « non » où l’unique obsession est de casser la figure aux réformistes. »

Les grandes man?uvres pour les législatives, en 2007, et les municipales, en 2008, se mettent doucement en place. L’Etat des relations avec les partenaires de la gauche plurielle ? Christophe Madrolle, conseiller municipal à Marseille, donne dans la métaphore : « avec le PS, c’est Je t’aime moi non plus, avec le PCF, ce serait plutôt L’amour en fuite. » Soutenu par des élus verts marseillais, il a déjà annoncé à la presse son intention de conduire une liste autonome aux municipales. « Nous n’avons pas envie d’attendre la fin des présidentielles pour mettre Marseille en débat, défend-t-il. Deux où trois listes de gauche au premier tour peuvent créer une dynamique pour vaincre Gaudin. » Une démarche, pas toujours partagée : « Il ne faut pas confondre les leaders médiatiques et les leaders d’opinions, tacle Henri Rubino, conseiller municipal d’arrondissement. La candidature Madrolle est précipitée et peu prudente. » Les deux élus auront l’occasion de débattre à la mi-juin car les quatre groupes des Verts que compte la ville, une spécificité marseillaise, vont tenter de fusionner.

« Objectivement, les circonscriptions gagnables par les Verts en Paca sont égales à zéro, résume Jean-Luc Benahmias. Comme toutes les portes sont fermées pour les législatives, les militants s’intéressent déjà de près aux municipales. » A Toulon, où trois conseillers verts ont été élus sur une liste d’union, les écologistes n’excluent pas de partir en solo au 1er tour cette fois-ci. « Tout est suspendu aux discussions sur le programme », souligne Jean-Louis Marfaing, conseiller municipal, « déçu de la gauche, politiquement, professionnellement et syndicalement. » Cet enseignant a déjà annoncé la couleur : il ne sera pas candidat une deuxième fois, car favorable au mandat unique non renouvelable ! A Grasse, Raymond Vinciguerra n’est pas hostile à une liste d’union… qu’il pourrait lui-même conduire ! A Nice, Juliette Chesnel espère un débat préalable « pour que la campagne ne soit pas seulement celle du PS avec un logo Vert. » Autant de villes, autant de cas de figure. « L’essentiel, c’est que la gauche et les Verts travaillent ensemble sur les sujets de fond bien avant les échéances électorales, note Philippe Chesneau. Pour ne parler que du Var, on est très loin du compte. »

Michel Gairaud

LES VERTS

1 député européen (Jean-Luc Benhamias) / 8 conseillers régionaux / 790 adhérents (Alpes de Haute Provence : 50 ; Alpes-Maritimes : 150 ; Bouches-du-Rhône : 400 ; Var : 70 ; Vaucluse : 70)

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