Pasino : Faux-jetons

novembre 2006
En conflit, la municipalité Joissains et le groupe Partouche sont en passe de régler leurs différends autour du Pasino. Chacun y trouve largement son compte.

Un mariage arrangé. Maryse Joissains aurait sans doute aimé déchirer, lors de son élection, le contrat la liant au groupe Partouche, exploitant du casino d’Aix à travers la Société du casino municipal d’Aix-Thermal (SCMAT). La députée-maire regarde toujours avec défiance cet époux qu’elle n’a jamais aimé. « Pendant la campagne de 2001, nous avons attaqué l’architecture du Pasino et critiqué son implantation en pleine ZUP à l’entrée de la ville. Encore aujourd’hui, à chaque fois que l’on passe devant, elle me fait remarquer que ses palmiers ne poussent pas vite », s’amuse Jean Chorro, premier adjoint délégué aux grands travaux et aux affaires juridiques.

Engagé initialement avec son prédécesseur socialiste, Jean-François Picheral, le groupe Partouche n’était pas mieux disposé à l’encontre de la nouvelle élue à son arrivée au pouvoir (1). « Même si les relations n’ont jamais été coupées, pendant longtemps elles ont été très tendues. Il y avait des susceptibilités très fortes », poursuit Jean Chorro. Régulièrement des crises ont animé la vie du couple : dépôts de plaintes respectives, petites tracasseries administratives d’un côté, fin des subventions aux clubs de sports locaux et refus de prêter ses salles de l’autre…

Pas vraiment partisane des jeux (elle a refusé que le Pasino augmente son parc de machines à sous de 280 à 400 unités), Maryse Joissains se voyait unie pour le meilleur et pour le pire à un partenaire qui ne gagnait pas vraiment lui-même à changer de mariée, fut-elle blonde et pulpeuse. Comme l’a constaté en octobre 2000, la Chambre régionale des comptes, la municipalité Picheral a été plutôt généreuse avec le premier casinotier européen (2) : renoncement au loyer de l’ancien casino (700 000 FF soit 106 715 euros annuel) et réduction du taux de prélèvement communal (de 15 à 10 %) pendant plusieurs années, octroi en 1998 d’un bail emphytéotique de 30 ans pour un cahier des charges d’une durée de 18 ans dans une mise en concurrence à laquelle seule la SCMAT a répondu… 12rv35red_partouche.jpg Décidée à « rétablir l’ordre » à son arrivée, selon Jean Chorro, Maryse Joissains joue pourtant un peu les faux-jetons sur ce dossier. Aix bénéficie à plein de l’apport du Pasino. Ville thermale sans eaux utilisables, Aix dispose d’une dérogation, « un droit de suite », qui lui permet de garder un revenu annuel de plus de 10 millions d’euros (1 à 2 % du budget de la ville selon l’opposition). De plus, en tant qu’établissement de jeux, le Pasino a l’obligation légale de participer au développement touristique et à l’effort artistique de la commune. Et de ce côté, la SCMAT n’est pas avare : en 2004-2005, elle a contribué a hauteur de plus d’1,7 millions d’euros aux trois grands événements aixois (Festival international d’art lyrique, Festival Danse à Aix et Ballet Preljocaj). Sans compter qu’avec sa salle de spectacle, le Pasino propose une grosse partie de la programmation musicale de la ville.

Pour ne rien gâcher, la municipalité bénéficie elle-même, une quinzaine de fois par an, des salles de l’établissement pour des « manifestations d’intérêt général » aussi essentielles que « L’arbre de noël de la Caisse d’entraide de la ville » ou « Le repas de noël du Club des platanes ». De son côté, le groupe Partouche n’y perd pas non plus. Construit sur le modèle des casinos de Las Vegas, toutes proportions gardées, le Pasino comprend, outre la traditionnelle salle de jeux, une salle de spectacle de 1200 places, une d’exposition, trois de réunions et cinq restaurants. Il est aujourd’hui le troisième casino français. Avec plus de 30 millions d’euros de produit net des jeux, c’est le second plus rentable du groupe.

Après cinq années de chamailleries, et un « accord transactionnel » (abandon des plaintes et règlement des litiges, notamment financiers) en cours de finalisation, les relations entre les fiancés semblent aujourd’hui au beau fixe. Le Pasino vient de consentir une petite ristourne sur ses repas de noël à la mairie et l’élu aux Affaires juridiques avoue librement accélérer les démarches administratives de la SCMAT. Les mariages d’argent ont décidément la vie dure.

Jean-François Poupelin

Imprimer