Istres, conseil municipal du 21 septembre 2006

octobre 2006
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

18h13 Le doux timbre d’une clochette retentit dans la salle tout juste rénovée du conseil municipal. Dans un même élan, les discussions cessent et les conseillers s’installent. « C’est comme à la messe », lance un mauvais esprit dans le public.

18h18 Teint halé, barbichette à la Bruce Willis et cheveux grisonnants plaqués sur le crâne pour cacher une calvitie naissante, Michel Caillat, maire PS de la commune et conseiller régional, ouvre la séance. Le bilan des festivités de l’été et la rentrée lui offrent la première occasion de remercier « tous les services de la ville », « ses partenaires », « la force du mouvement associatif » et « les deux directeurs, les enseignants, les femmes de services et les assistantes maternelles du groupe scolaire Gouin ». Puis, à propos du maintien de l’école primaire d’Entressen, il souligne : « l’inspectrice de l’Education nationale m’a dit : « Vous mettez en pratique ce que vous promettez ». On n’est jamais si bien servi que par soi-même. 34lop_caillat.jpg 18h29 Claude Virion, de « Ensemble changeons », la liste d’opposition, profite du vote des délibérations estivales pour le taquiner. « Maître Domieu a été chargé de la défense du maire ? », interroge-t-il, faussement naïf. Gêné, ce dernier explique : « Il y a des gens qui tiennent des propos sur les élus, qui touchent la diffamation… » Joueur, le conseiller d’opposition le coupe : « Ce sont des propos, des rumeurs ? » « Non des écrits que nous avons fait constater par huissier et qui continuent d’être visionnés », précise Michel Caillat. « Donc vous parlez de blogs », insiste son adversaire en référence aux deux plaintes déposées par le maire contre Guy Queitan, blogueur « citoyen militant » et proche de François Bernardini, le prédécesseur de Michel Caillat (le Ravi n°31 et 32). Agité, mais pas déstabilisé, ce dernier rappelle « que lorsqu’on tient un blog, on est responsable de ses propos et des propos qui y sont tenus ». Et, après avoir galamment demandé « aux dames de se boucher les oreilles », il prend à témoin son auditoire en lui offrant les passages les plus fleuris : « Véreux », « trou du cul », « organisation de grosses magouilles », « racket des employés municipaux »… « C’est grave », insiste le maire. « Oui ! », confirme une plainte dans le public.

18h44 Jouant à l’homme invisible, Gilbert Ferrari, conseiller de la majorité, s’installe sans un bruit. Manqué ! Michel Caillat l’a vu et lui attribue immédiatement la lecture de la délibération 2.

18h48 Profitant du vote de « subventions au profit d’associations », le maire se lance dans une nouvelle glorification de son travail. Exemple avec l’Ecole de la deuxième chance, dont la municipalité prend en charge les salaires. « A la suite de l’expérience de Marseille, nous avons été retenus parmi d’autres villes. C’est important de donner une nouvelle chance, c’est la première pierre de la solidarité », s’enflamme l’édile. Son envolée humaniste est cependant mise à mal par une petite précision : « L’école sera située au rez-de-chaussée du commissariat de police ». Un mariage insolite qui égaille la séance : des rires étouffés montent du public. Le projet remporte quand même l’unanimité.

18h57 L’annonce des manifestations sportives à venir par Nicole Joulia, adjointe l’éducation, au sport et à l’enfance, enchante Michel Caillat. Tout particulièrement la réunion de natation programmée en décembre. « Sans rêver, il est possible que Laure Manaudou vienne nous faire un petit coucou », jubile le conseiller régional en coupant, goujat, la parole et la primauté de l’annonce à son adjointe.

19h02 Tranchant avec l’impassibilité de ses collègues, Mélanie Baudouin, jeune conseillère en charge de la communication, papote avec sa voisine, puis se plonge dans l’étude de documents un marqueur résolu à la main. Lunatique, elle relève la tête, consulte son portable et salue d’un petit geste et d’un sourire malicieux un adjoint… tout en mâchant ostensiblement un chewing-gum. Ce qui gâche un peu le tableau.

19h20 Tout à son affaire d’opposant, Claude Virion s’emporte à l’occasion du vote du « rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de l’eau potable et de l’assainissement (Exercice 2005) ». « Je regrette les prix pratiqués et les augmentations successives. Peut-être faudrait-il renégocier le contrat », tempête-t-il. Et de préciser : « je préfère la régie au fermage ». Peu à l’aise sur un dossier qui ne lui offre pas la possibilité d’un nouveau satisfecit, Michel Caillat décide pour une fois de laisser un de ses adjoints monter au créneau. Alain Detavernier, en charge de l’environnement, s’y colle. « Le fermage permet de redistribuer les économies faites sur les investissements techniques qui auraient été nécessaires si la commune gérait son eau », assure-t-il. Peu convainquant, il tente une man?uvre : « nous avons voté cette délégation ensemble », essaye-t-il de faire avouer au conseiller d’opposition. Sans hésitation, ce dernier tranche : « Non ! ». Et vote contre le rapport.

19h35 A la suite de Mélanie Baudouin, le conseil s’est transformé en une assemblée de ruminants. Un bon tiers des conseillers de la majorité mâchouille, suivi des deux premiers rangs du public. Le chewing-gum serait-il un signe de distinction partisane à Istres ? Toujours aussi indisciplinée, la jolie blonde part, elle, dans un fou rire.

19h38 « Moi aussi j’ai travaillé dans ces conditions », lâche dans le public une quinquagénaire décolorée, alors que Michel Caillat vient de remercier « les cantonniers qui ?uvrent dans le froid et sous la pluie ». La coupe courte et « fashion », les lunettes rectangulaires rouges, les talons aiguilles et les gestes maniérés de l’Istréenne étaient pourtant loin de dévoiler une carrière dans le ramassage des ordures !

19h52 Claude Virion commence à montrer des signes de fatigue et de lassitude, à l’image de l’ensemble de l’assistance. Discussions et bâillements se multiplient. Le maire, pourtant particulièrement bavard jusqu’à présent, est lui-même muet depuis plusieurs minutes et laisse les délibérations s’enchaîner.

19h57 Hilare, Joël Fondi, conseiller de la majorité, se trahit ! Il secoue un paquet de chewing-gums vide.

20h02 Les employés municipaux vont finir par se sentir gênés. Après avoir loué leurs qualités et leur travail tout au long du conseil, Michel Caillat annonce que la dernière délibération leur est dédiée. Retrouvant son allant, il insiste pour que l’opposition s’associe à l’éloge. « Malheureusement, Georges Yvon n’a pas reçu la motion, Claude Virion ne l’a eu que ce matin et moi hier. Dans ces conditions, c’est difficile de vous faire un retour », regrette Patricia Anglada, élue de « Ensemble changeons », jusque-là totalement absente des débats. Feignant la déception, l’édile propose ironiquement « d’envoyer un courrier au ministre des PTT (sic) pour se plaindre que les élus de l’opposition ne reçoivent les courriers de la municipalité seulement le matin du conseil ». Peu sensible à la boutade, la conseillère devient soupçonneuse et promet : « La prochaine fois, je garderai l’enveloppe ». Totalement désintéressés par cette dernière passe, public et conseillers se sont déjà levés, prêts à quitter la salle.

20h08 A la sortie du conseil, Claude Virion grommelle : « le Syndicat de l’agglomération nouvelle d’Istres-Fos-Miramas gère tellement de choses que ça aurait dû durer vingt minutes ». Avec ou sans les délayages du maire ?

Jean-François Poupelin

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