Loïc Pillois et Guilhem Raynal, aventuriers de l’artiche perdu

mai 2007
Loïc Pillois le Bordelais et Guilhem Raynal le Vauclusien qui habite Sanary, revenus barbus et amaigris d'une promenade en forêt guyanaise. Avant qu'ils ne retournent à l'enfer de l'anonymat, le Ravi les met charitablement une ultime fois sous les feux de la rampe.

19rv41lop_rescapes_copy.jpg « Egaré dans la vallée infernale, le héros s’appelle Bob Morane… » Nous, c’est pas l’Indochine qu’on a fait, c’est la Guyane ! Eh ouais, la jungle terrible, « l’enfer vert », avec ses bébêtes venimeuses qui grouillent, sa végétation inextricable, son air saturé d’eau, son univers saturé de clichés pour le citadin en mal de verdure. Pas vrai Guilhem ? Mmmhh… (Nayral essaie de répondre, mais il a encore la langue bouffie par les poils urticants de la mygale mal épluchée qu’il a ingéré.) La « King-Kong », qu’il l’a surnommée, (sic), la grosse noire qui lui a fait ça ! Allez, t’en fais pas, Guilhem, il va bien finir par arriver le colissimo de Cayenne, bourré de médecines chamaniques pour te soigner ! Eh ouais, bouffer des mygales, de la tortue jusqu’aux griffes, des fruits dégueulasses qui collent la chiasse alors qu’on est entouré de rivières où il y a plus de poissons que d’eau, faut le faire… Comme on projetait de faire un bouquin de recettes de survie (préfacé par Maïté), la brochette de mygales, c’est quand même plus vendeur. On avait tout prévu, la publication du carnet de voyages avec les photos, le film, les produits dérivés genre poupées Big Jim avec hélico, le parrainage de la fondation Nicolas Hulot… Et puis patatras ! Voilà que le préfet de Guyane déclare qu’il est « attentif » à « toute forme d’exploitation commerciale » de notre histoire. Non mais c’est vraiment pas cool ! Avec tous ces abrutis qui mangent des mygales pour de faux dans la jungle des shows de télé-réalité et qui se font un max de thunes, nous qu’on se perd pour de vrai, on pourrait pas un petit peu en profiter après ? On n’aurait pas droit à notre warholien quart d’heure de célébrité ? C’est vrai qu’ils l’ont un peu mauvaise à la préfecture. 246 000 euros, que ça a coûté nos recherches, entre l’armée, les gendarmes, et toutes ces heures d’hélico jour et nuit. Pendant qu’on fait les touristes à la Dupont et Dupond, c’est autant de fric et de moyens humains qui ne vont pas dans la lutte contre les orpailleurs clandestins qui bousillent tout à coup de mercure, où contre les braconniers dans les réserves. Pourtant, on avait une histoire en or, ça fait chier, tous les éditeurs foireux étaient là à nous tendre des contrats, du 300 000 exemplaires minimum ! Les deux aventuriers du 21ème siècle, à la conquête des derniers territoires inexplorés, la bataille pour survivre et moisir 50 jours en jouant aux scouts, la tentative de dernier espoir où je retrouve un bled en à peine 6 heures (en fait, je tenais la carte à l’envers, c’est pour ça qu’on s’était paumés), Emilie, la meuf de Guilhem, qui débarque en cata à Cayenne pour sauver son mec, qui ameute tout le monde (elle a bien gonflé les journalistes de RFO, soit dit en passant), et puis hop, moi qui sort de la jungle dans la foulée pour un happy end comme Spielberg les aime… Tout ça a fini par faire dire à des mauvaises langues que c’était un coup monté ! A ma fille de 2 ans, j’ai expliqué que « papa et son ami Guilhem jouaient à cache-cache dans la forêt avec les gendarmes». Lapsus ou bêtise ? Croyez-moi, on est vraiment juste que des blaireaux inconscients. J’ai tout de même essayé de tirer un peu de fric auprès des journalistes, en monnayant mes interviews à 1000 ? de l’heure. Un tarif d’hélico ! Pas de bol, ça s’est su, la journaliste de Libé m’a balancé, alors j’ai commencé par nier, en disant que je demandais juste des t-shirts parce que je les collectionne (sic) et puis j’ai fini par avouer (1), minable jusqu’au bout. Pourquoi on n’a pas pris de GPS ? Pourquoi on ne sait pas lire une carte avec une boussole ? Pourquoi on se planque trois semaines en attendant les secours plutôt que de continuer à avancer ? Mais pour le plaisir de se faire peur… On étouffe dans nos petites vies d’Occidentaux, on a besoin de sentir qu’on existe, le souffle de l’excitation, loin du monde moderne trop parfaitement quadrillé, sécurisé, étatisé, bureaucratisé, policé, légiféré. Bon, on est tout de même bien contents d’être rentrés et que la sécu paie le séjour de Guilhem à l’hosto de Carpentras. Bref, tout finit quand même par des chansons…Laquelle ? A cheap holiday in other people’s misery ! (2)

Paul Tergaiste

Imprimer