Ça coule à flot

mai 2007
Veolia ex-Vivendi contrôle l'accès à l'eau potable comme une simple marchandise dans toute la région : plus de huit habitants sur dix en PACA remplissent les fouilles de la multinationale. Enquête sur les résistances citoyennes.

« Le prix de l’eau, ça n’existe pas ! », s’égosille Michel Partage, maire PS de la bourgade varoise de Varages. Depuis 2002, les 900 habitants de sa commune refusent de renouveler leur contrat de gestion déléguée avec Véolia. Ce défi balancé à la gueule de la principale multinationale française n’a pas été sans pressions ni menaces de bas étage : « Vous n’allez pas vous en sortir, vous n’avez pas d’ingénieur… Quant à l’embauche de salariés, c’est impossible ! » 01rv41tone_eau.jpg Touchée par cette psychologie d’aqueduc, Varages s’est organisée un référendum local : quatorze élus sur quinze ont opté pour la gestion publique. Quant au quinzième, il s’est rallié à la majorité début 2007 devant le succès de cette remunicipalisation de l’eau. Pas idiot le p’tit gars : l’eau est moins chère avec une qualité de service hors pair. Deux employés se décarcassent sept jours sur sept pour assurer les glaçons dans le pastaga sans l’épée de Damoclès des sociétés privées.

Contrairement aux idées reçues, l’usager ne paye pas l’eau qu’il utilise mais le service d’accès à son domicile. Si celui-ci est confié à un prestataire privé, ça fait 27 % de plus sur la facture. Salée, non ? Or, dans notre belle région, 82 % de la population est desservie par un réseau dont la gestion est déléguée à des firmes privées. Pour Véolia, c’est le jack-pot : 213 unités de distribution, sans compter les 92 autres de la Société des eaux de Marseille (SEM)… dont l’ex-Vivendi détient la moitié des parts ! Au total, cette dernière fournit de l’eau à 73 % de la population régionale. Alors, pourquoi pas vous ? Mais attention, Veolia se donne des petits surnoms. Sachez les démasquer : SADE, SAE, CGE, TEC, SVAG, CMESE ou CEO…

Du côté des régies municipales, difficile de s’imposer quand le seigneur Véolia prélève sa dîme en toute impunité. Vers Nice où l’eau est la plus chère de France, de petits arrangements maffieux étaient couramment appliqués… « Par exemple, pour réparer le canal de la Vésubie on a sorti 374 millions de francs, mais on en a empoché 868 grâce à une taxe sur le m3. Sans compter une surfacturation annuelle estimée à 200 millions d’euros.» (le Ravi n°26). Et dans la commune de Contes (06), la CGE (Veolia) surfacturait de 6 millions de francs par an ! Face à cette gestion scandaleuse et malgré les pressions exercées, les communes PS de Varages (83), Mouans-Sartoux (06), Dignes les Bains (04), Forcalquier (04) ou la commune PCF de Contes (04) s’organisent et obtiennent gain de cause. C’est le divorce avec Veolia et la création de régies publiques de gestion de l’eau. A la vôtre ! Devant ces réussites, Elus-associations-usagers (EAU), née à Varages, invite toutes les mairies de France à un débat public afin de partager avis d’experts, batailles juridiques et une bonne dose de soutien moral. Et pour se rafraîchir les idées, Jean-Pierre Saez, maire UMP de Venelles (13), propose même 10m3 d’eau gratos par habitant.

Mais à Marseille, les affaires se négocient à l’échelle de la Méditerranée pour privatiser l’eau sous couvert de philanthropie humanitaire. Loïc Fauchon, directeur de la Société des eaux de Marseille et président du conseil mondial de l’eau (ONG pilotée par Véolia), consolide sa filiale de distribution en eau potable à Alger pour 19 millions d’euros. Fin 2006, six entreprises étaient retenues dont Veolia Water et la SEM. Ce sur quoi, le ministre algérien, Abdelmalek Sellal déclarait : « Si les résultats sont probants fin 2007, nous étendrons l’expérience à d’autres villes du pays. » Désormais, l’eau s’achète et se revend à prix d’or : la survie des populations du Sud n’est pour Véolia qu’un nouvel outil de pression économique.

En attendant, la SEM doit aussi renouveler son contrat de gestion déléguée de l’eau avec la mairie UMP de Marseille en 2011. Alors, droit au but vers une régie publique ?

Marie Bové

Imprimer