Les demoiselles d’Avignon

novembre 2008
Prostitution

Frontière entre le centre historico-touristique et les quartiers résidentiels et populaires, les remparts d’Avignon sont également un spot de rassemblement, de déambulation, de sortie prisé de sa population… masculine. Au fur et à mesure de la rénovation de la vieille ville, les prostituées de la cité des papes y ont en effet concentré leur commerce.

Une prostitution de nuit qui illumine le plus discrètement possible l’édifice. « Les petites lumières de leurs camping-cars et fourgons aménagés sont à double tranchant : elles informent les clients comme la police. Mais à part ceux vraiment trop sombres, la plupart des parkings sont quand même utilisés, décrit Corinne Lieutaud, travailleuse sociale à l’Embellie, association spécialisée dans l’aide aux personnes prostituées (1). Sur certains parkings, les prostituées se regroupent par origine. Si les femmes maghrébines se mélangent facilement avec les rares Françaises qui restent, et les quelques Bulgares et Roumaines, leurs collègues Subsahariennes travaillent entre elles. »

Des femmes de 35-45 ans pour la plupart – certaines ont des vies de famille mais exercent cachées -, rarement sans papiers et souvent de passage pour quelques semaines ou quelques mois. « En général, elles n’habitent pas Avignon. Elles viennent de la région, parfois de plus loin, Paris par exemple », explique Corinne Lieutaud. L’Embellie en a rencontré une centaine l’année dernière lors de ses tournées bimensuelles, hommes et travestis compris (2). « Une vision partielle », insiste Caroline Jalfre, directrice de l’association (3). La prostitution étudiante est par exemple très peu visible même pour les travailleurs sociaux.

Comme dans toutes les villes françaises, les travailleuses du sexe de la cité des papes subissent la loi sur le racolage passif. Un problème pour L’Embellie, qui les voit s’isoler de plus en plus, prendre rendez-vous par téléphone ou en-dehors de la ville. Celles qui restent sous les remparts sont aussi ennuyées. « Cette année, les services du procureur ont orienté huit prostituées sous le coup d’un rappel à l’ordre vers notre service, contre cinq les années précédentes, assure Corinne Lieutaud (4). Comme la pression n’est pas systématique, elles vivent une insécurité permanente : elles sont toujours à la merci d’une amende ou d’une arrestation », complète Caroline Jalfre. Une difficulté supplémentaire dans un métier qui n’en manque pas : proxénétisme, toxicomanie (alcool, antidépresseurs), agressions (vols, viols), demandes plus dures (sodomie, fétichisme, urine)…

Sans compter l’attitude de la municipalité, peu accueillante avec ces touristes occasionnelles. Chaque année, un peu avant le Festival, un curieux phénomène se produit : toutes les camionnettes se retrouvent à la fourrière. Pourtant, « les demoiselles d’Avignon » s’adaptent. A cette période, elles ne sortent pas avant 23 heures pour ne pas choquer les enfants et ne pas déranger les touristes. Une délicatesse que tout le monde n’a pas.

J-F.P.

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