La rupture dans la continuité

avril 2009
Pour remplacer le pôle théâtral prévu par son prédécesseur, le maire de La Seyne opte pour un casino. Avec le même objectif : attirer le touriste.

Le socialiste Marc Vuillemot aurait-il pigeonné ses électeurs ? Après avoir promis de mettre fin au projet pharaonique pôle théâtral-salle de conférence d’Arthur Paecht (UMP) sur le site des anciens chantiers navals, promesse tenue, le nouveau maire a sorti de son chapeau cet automne un projet de casino tout aussi majestueux. Avec hôtel de luxe, deux restaurants (dont un gastronomique) et une salle de spectacle de 500 à 700 places. Si cette fois la ville n’a rien à débourser, l’objectif est identique : faire venir le touriste. Plein aux as si possible.

Marc Vuillemot pourrait même réaliser les rêves les plus fous de son prédécesseur. A la peine pour vendre ses anneaux au tout venant (3 900 euros à l’année), le promoteur du nouveau port de plaisance (encore un projet estampillé Paecht) discute avec la mairie pour augmenter le nombre de ceux réservés aux yachts, un marché plus porteur selon lui. De quoi ravir Arthur Paecht. En lançant sa réhabilitation des chantiers en 2005, l’ancien maire ne s’en était pas caché : pour s’en sortir, la ville ouvrière devait se projeter dans son passé et renouer avec sa période balnéaire du 19e siècle, longue de 30 ans (1880-1910)…

A l’époque, Marc Vuillemot était furieux et s’indignait dans le Ravi : « On ne peut pas gommer comme ça une vie industrielle qui a fait vivre la ville pendant 150 ans ! » (1). Aujourd’hui, le discours est diffférent. Le socialiste joue le pragmatisme et nous explique : « Je m’assois sur mes considérations morales relatives à un casino, […] parce que j’ai envie de sauver le reste […] Je veux utiliser tout ce qui est possible pour tenter de garder la main sur l’équilibre budgétaire de la ville. »

« Le maire a voulu négocier avec Falco et il s’est fait avoir »

Un léger imbroglio plane cependant sur cette décision désintéressée. Décidé à abandonner la salle de conférence que sa ville ne pouvait financer, Marc Vuillemot souhaitait cependant garder le théâtre, « entièrement subventionné et voué à être un des fleurons de Marseille 2013 », assure Marcel Barbéro, ancien secrétaire de la section PS locale rallié à Arthur Paecht. Et de rigoler : « Le maire a voulu négocier avec Falco et il s’est fait avoir. » Le maire UMP de Toulon a récupéré pour sa ville le théâtre et le grisbi. En désespoir de cause, le maire de La Seyne s’est donc rabattu sur un projet initié par son prédécesseur pour le quartier des Sablettes (2)…

Reste à en connaître la viabilité. Car si Marc Vuillemot assure que les casinotiers sont venus le chercher, le Var est déjà bien pourvu en la matière (3). Sans oublier le projet à l’étude chez son voisin de Sanary-sur-Mer (9 km) et la crise du secteur (moins 6 % à moins 30 % du chiffre d’affaires sur 2008). Pour Marcel Barbéro, La Seyne aurait pu explorer une autre piste : « Négocier l’implantation de structures, bureaux et laboratoires, dans le cadre du pôle compétitivité mer » (4). Marc Vuillemot y a pensé. Mais pas pour le site des anciens chantiers navals. Comme son prédécesseur, il n’a visiblement pas envie de sacrifier un si bel accès sur la mer…

Jean-François Poupelin

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