Bormes-les-Mimosas : Conseil municipal du 25 mai 2009

juin 2009
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

« C’est cher ? C’est pas cher ? Ça dépend… »

17h55 Perché sur les collines qui surplombent la côte, son port et le Fort de Brégançon cher à Bernardette et Jacques Chirac – beaucoup moins à Nicolas Sarkozy – le vieux village médiéval est une carte postale azuréenne : façades ocres, ruelles, touristes retraités et septuagénaire platinée en minijupe qui promène un petit chien ridicule.

17h58 Dans les escaliers qui descendent à la salle du conseil, deux quadras philosophent avé l’accent. Le premier : « T’entends piailler ? » Réponse du second avec la même finesse : « C’est les gonzesses ! »

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18h03 Chemisette bleue largement ouverte, cheveux blancs et visage sévère, Albert Vatinet, maire depuis 1995 et conseiller général DVD soutenu par l’UMP, se lève et compte les élus tassés autour de la longue table de bois qui remplit pratiquement la minuscule salle du conseil. Vieille habitude de l’enseignant qu’il a été ? L’ambiance est en tout cas celle d’une classe dissipée.

18h07 Albert Vatinet ouvre la séance, mystérieux et un rien gêné : « J’ai une communication à vous faire. C’est un recours. Je vous en parlerai. » Puis tance l’assemblée de sa voix monocorde : « Il fait chaud, je vous demande de l’attention. »

18h09 Le maire se contorsionne et interroge Danielle Borghetti, sa première adjointe, le regard tourné vers le grand reporter du Ravi. Sans erreur possible : il est le seul à occuper une des rares chaises dévolues au public…

18h11 Quatre grandes et hideuses fresques de la vie quotidienne au 19e siècle légendées en provençal ornent les murs de la salle du conseil. Un minuscule buste blanc de Marianne et une photo de Nicolas Sarkozy complètent la décoration.

18h13 Tradition locale ? Contrairement à l’usage, le Directeur général des services (DGS) s’incruste sans pudeur dans les débats à l’occasion d’une demande de subvention à la Direction régionale des affaires culturelles pour la « restauration des archives municipales » (délibération 3). Albert Vatinet calme rapidement son ardeur en se réservant la conclusion : « C’est important pour l’histoire de la ville. » Les documents concernés sont des registres de décès…

18h17 Reconduction de la « convention Bormes-les-Mimosas-Association Seaguard Centre national secours et sauvetages nautiques » (délibération 4) pour le « passeport jeune », une semaine d’activités nautiques et une initiation au secourisme proposées aux jeunes Borméens chaque été. Question ingénue du maire : « Quelles sont les conditions financières pour les participants ? » Réponse convenue de François Arizzi, adjoint à la jeunesse et aux sports : « 50 euros, grâce à un accord avec la CAF. » Satisfaction du maire : « Un effort qu’on peut considérer comme du social, politique qui est assumée dans le budget communal. » En la matière, Albert Vatinet s’est surtout distingué par la missive envoyée l’été dernier à ses collègues du département à la suite de l’installation d’une mission évangélique de gens du voyage sur sa commune. Le premier magistrat les mettait « très amicalement en garde » : « protégez vos terrains privés ou communaux ; labourez-les ; rendez-les inaccessibles » (le Ravi n°55). L’opposition approuve en silence.

18h20 Petit moment de flottement. « Redevance et tarifs communaux. François, je crois », annonce l’apparenté UMP. Réponse catégorique de l’adjoint à la jeunesse et aux sports : « Non. » Albert Vatinet insiste : « Comme c’est le tennis… » Avec un enthousiasme non dissimulé, François Arizzi cède : « Si tu veux. »

18h21 Rebellion de l’opposition. « Il n’y a pas une erreur sur les dates ? », questionne Serge Defond, de la liste « Bormes demain » (DVG), à propos de la convention entre le tennis club de la ville et la commune pour la mise à disposition d’un F3 contre 350 euros mensuel (délibération 6). « Elle a été signée avec retard », concède sans plus d’explication le DGS. Anticipant une improbable question sur le loyer faramineux, son patron précise : « Il peut être révisable. Il fallait mettre un chiffre. » « C’est cher ? C’est pas cher ? Ça dépend… », se consultent Annick Carnino (DVG) et Yannick Bernard (PS). Puis abdiquent face à la conclusion habituelle et sans appel d’Albert Vatinet : « Des questions ? Des avis contraires ? Des abstentions ? » Unanimité.

18h24 L’attention réclamée par le maire en début de séance n’a toujours pas été contrariée : le conseil ronronne. Ses 62,89 % au premier tour en mars 2008 semblent offrir à Albert Vatinet une autorité naturelle.

18h29 Le maire profite de la présentation confuse de Didier Couderc, simple conseiller municipal de la majorité, de la modification des travaux d’une structure multi-accueil (délibération 8) pour papoter avec son DGS. François Azirri saute sur l’occasion pour s’offrir la même liberté avec son voisin de gauche.

18h31 Récré. « J’ai amené un plan, je sais pas si tout le monde va voir », annonce Didier Couderc visiblement désireux de se rendre intelligible en déployant le document au milieu de la table. Sur les conseils de Danielle Borghetti, l’élu tente finalement de le suspendre d’une main, avant de recevoir l’aide de l’adjoint à la jeunesse et aux sports qui l’affiche à bout de bras. Les chiffres restent toujours aussi obscurs, au moins pour le public, mais le conseil apprécie. Rires et blagues potaches fusent : « Monte sur une chaise ! » (un conseiller DVD) ; « Tu peux me montrer à moi maintenant ? » (François Azirri), etc. Seul le maire semble indifférent, voire carrément hermétique, à ce moment de détente. Albert Vatinet le stoppe net en concluant, une nouvelle fois satisfait : « Les crédits ont été portés au budget supplémentaire 2009. » Unanimité.

18h33 François Arizzi s’offre une longue rasade d’eau.

19h37 Onzième et dernière délibération. Jean-Louis Valade, adjoint à l’urbanisme, annonce une subvention de 1 524 euros « dans le cadre de l’opération Au cœur du village. » Albert Vatinet y va une fois de plus de sa petite précision : « On finance chaque réfection de façade ou de devanture. » A Marseille, cette politique a notamment permis l’embellissement de la célèbre rue de la République. En attendant que les appartements connaissent le même sort… La gauche borméenne ne doit pas être au courant et ne dévie pas de sa stratégie : voter la délibération sans poser de question.

19h40 L’ordre du jour bouclé, Albert Vatinet attaque sa « communication » avec le même entrain que son adjoint à la jeunesse et aux sports à la lecture de la délibération 6 : à reculons. « Il s’agit d’une requête présentée au tribunal administratif de Nice par un voisin (sic) qui demande l’annulation du permis de construire de son voisin. Vous voyez l’ambiance », explique le maire. Avant de trancher : « Vous comprenez que je ne donne pas les noms. » Les élus DVG et PS ont visiblement parfaitement assimilé : ils affichent leur éternel silence religieux. Y compris lorsque le conseiller général précise : « C’est le cabinet d’avocat de la ville qui défendra la commune, car un permis a été signé. » Le maire pourrait pourtant perdre de sa morgue en cas de jugement favorable au plaignant…

19h42 Albert Vatinet clôt la séance le plus sérieusement du monde : « Ce conseil permet d’alléger le prochain. Il sera moins long, même si les comptes administratifs seront à l’ordre du jour. » Un nouveau grand moment de démocratie locale en perspective.

Jean-François Poupelin

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