Quand le désir doit se faire respect…

juin 2009
Cécile Rousseau est ingénieur agronome, animatrice de la Confédération Paysanne des Bouches-du-Rhône. Cette conjointe de paysan sur une ferme bio en polyculture-élevage (transformation à la ferme et vente directe), pose le problème du devenir des terres agricoles face à la pérurbanisation.

Désir de campagne ? A priori, ce ne sont pas les paysans qui seront hermétiques à ce concept… D’ailleurs, un certain nombre d’adhérents de la Confédération Paysanne sont des urbains reconvertis en agriculteurs, heureux de pouvoir à leur tour nourrir les villes de leurs produits de qualité, et vivre en relation avec un environnement agréable.

Mais pour de nombreux urbains en mal de verdure, qu’est-ce donc que la campagne ? Un écrin de nature où planter leur villa avec double garage, quad et piscine ? Un tableau de Cézanne dans lequel on aurait collé comme une verrue leur construction, avec des lions en pierre à l’entrée et un panneau « attention, chien méchant, propriété privée » devant le sentier qui serpente dans la colline ? Que deviennent les abords de nos villages, avec leurs lotissements dortoirs tous identiques, dont le crépi est déjà en train de se délabrer, au milieu des ronds-points et des zones commerciales ? Et tout cela a poussé comme une nuée de champignons toxiques sur les terres les plus fertiles ! Nous n’avons rien contre le partage du territoire, mais gardons les bonnes terres pour l’agriculture et construisons sur le rocher, dont nous ne manquons pas dans nos contrées !

« Comme une nuée de champignons toxiques sur les terres les plus fertiles »

Aujourd’hui, à cause de la pression foncière, un paysan qui veut s’installer dans les Bouches-du-Rhône doit s’apprêter à débourser quelques 10 000 euros par hectare ! L’investissement est difficilement amortissable… Quant à louer des terres, c’est presque plus compliqué encore, car la plupart des propriétaires préfèrent laisser leurs terres en friches pendant des années dans l’hypothétique espoir de les voir un jour classées en zones constructibles ! Conséquence, d’après une étude de la Draf Paca (1), dans une vingtaine d’années il n’y aura plus d’agriculture dans cette région, qui ne sera qu’une mégapole géante entre Avignon et Menton… Est-ce cela que souhaitent les urbains en désir de campagne ?

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Face à cette situation, la Confédération Paysanne 13, avec notamment le soutien de l’ADEAR (Association de développement de l’emploi agricole et rural), d’Alliance Provence, d’Attac pays d’Arles et Attac Salon, est en train de créer un Collectif de défense des terres fertiles, sur le modèle de celui qui s’est déjà constitué dans le Var. L’idée est de rassembler des paysans et des « consomm’acteurs » autour de la problématique de la préservation du foncier agricole. Des formations vont être organisées sur les documents d’urbanisme, les baux ruraux, les outils à disposition des collectivités pour installer des paysans. Une veille des consultations publiques sur les modifications de PLU et de SCOT sera organisée : chacun, dans son village ou sa ville, sera invité à consulter en mairie les éventuels projets de modifications et à rencontrer l’enquêteur chargé de la consultation pour lui demander de préserver la vocation agricole des terres. Le collectif pourra également intervenir auprès des mairies qui souhaitent installer des agriculteurs sur leurs terres. Un argumentaire pour convaincre les propriétaires frileux de louer leurs terres sera mis au point…

Pour nous, un paysan, c’est finalement celui ou celle qui a choisi de vivre dans un pays, en accord, en complémentarité et dans le respect de tous les habitants et de l’environnement de ce pays. Si certains citadins souhaitent revenir à la campagne, juste pour l’exploiter, sans un regard sur la cohérence de leur présence en son sein, ils risquent d’accentuer un déséquilibre qui mènera à la disparition de l’agriculture de notre région ! En revanche, s’ils font preuve d’intérêt et d’ouverture pour leur entourage naturel et humain (en un mot s’ils s’insèrent dans la société rurale !), ils seront volontiers accueillis comme de nouveaux membres de la communauté locale.

Cécile Rousseau

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