J’ai survécu à la grippe A(nglaise)

septembre 2009
Témoignage

La vision de l’aéroport de Pleurtuit ne m’a pas rassuré. Isolé dans la campagne, entre Saint-Malo et Dinard, le petit bâtiment a tout du centre secret de recherche militaire. Céline, mon amoureuse, me regarde désespérée en attendant notre vol Ryan Air pour l’Angleterre.

La veille, elle a jeté hors de notre valise les masques de bricolage chipés à mon père. Pendant qu’elle les remplaçait par un immense chapeau blanc à fleurs bleues et bords mous – selon elle, « là-bas, tu portes ce que tu veux » -, j’ai tenté une dernière fois de la convaincre, le Libé du 13 juillet à la main. « Je te rappelle qu’il y a même pas quinze jours, Andy Burnha, secrétaire d’Etat à la Santé, déclarait, je cite :  » L’épidémie ne peut désormais plus être contenue. Le nombre de cas double chaque semaine et, à ce rythme, nous pourrions enregistrer 100 000 cas quotidiennement d’ici fin août.  » » Réponse : « Ça fait marrer mon frère quand j’lui en parle ! » On va chez lui…

Personnellement, j’avais une vision plutôt apocalyptique de la situation : morts sur les trottoirs, médecins débordés, population à l’agonie. Un peu comme dans « La bombe » de Peter Watkings. Pour faire genre, j’ai fini par lancer dans la valise un vieux bob délavé de ma mère.

J’ai eu raison. A l’atterrissage, ciel bleu, soleil et Britishs qui badinent. Le soir à Coventry, les restos sont bourrés. Le lendemain, Warwik brave la grippe A : les terrasses des cafés ne désemplissent pas, le festival de danses traditionnelles triomphe et le château, transformé en Disneyland médiéval, est plein à craquer ! Pas un masque à l’horizon. Pas un mot à la TV non plus. A Londres, même topo : les touristes se ruent à Buckingham Palace, les employés fument en toute insouciance à l’entrée des centres commerciaux, Camden Market grouille de monde, musées et salles de spectacles sont blindées. Et toujours pas un masque à l’horizon.

Au retour, la Grande-Bretagne a disparu de l’actualité grippe A. Reste une question sans réponse : dans l’hypothèse de cas avéré, les autorités vont-elles décider, comme pour la maladie de la vache folle, d’éliminer tout le troupeau ?

J-F.P.

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