Poubelle la vie

avril 2010

Des déchets à la tonne, des décharges saturées, des incinérateurs aux effluves douteux, des camions d’ordures sillonnant la région, des marchés de la collecte et du traitement juteux et opaques, des élus enlisés dans des affaires suspectes… C’est la vie des poubelles…

Le préfet de région est un rigolo. Il a choisi le 1er avril pour fermer la décharge d’Entressen où Marseille entasse ses déchets,dans la plaine de Crau, depuis un siècle. « Cette fermeture vient mettre un point final à un processus engagé en 2004, lorsqu’est apparue la nécessité de mettre un terme aux nuisances environnementales générées par cette décharge à ciel ouvert », triomphe dans un communiqué le représentant de l’Etat. Sauf que. Cette décision tardive arrive alors qu’Entressen était désormais aux normes. Et repose sur une logique politique plus qu’écologique : justifier la mise en service de l’incinérateur de Fos-sur-Mer contre lequel tout un territoire s’est élevé. En vain !

Il y a quelque chose de pourri au royaume des ordures. Pour preuve la guerre politique, conflits sociaux et montagnes d’immondices à la clef, que se livrent élus de droite ou de gauche à Marseille. Pour preuve l’imbroglio à rallonge autour de la décharge de Balançan, la plus importante du Var, dans lequel un groupe privé, Pizzorno, joue un jeu pas très net. Pour preuve également, depuis bientôt un an, des dizaines de camions transportant des déchets depuis les Alpes-Maritimes vers les Bouches-du-Rhône à Septèmes-les-Vallons. Car les décharges dans la région sont saturées. Et personne ne souhaite voir s’en installer de nouvelles près de son jardin.

Il y a beaucoup d’argent à faire avec les poubelles. Quelques groupes – Veolia, Suez, souvent dissimulés dans les méandres de filiales et de filiales de filiales – ne s’en privent pas. L’attribution des marchés de la collecte et du traitement repose sur « une concurrence de crocodile » selon les termes de l’économiste Gérard Bertolini : surtout pas de guerre des prix, entente tacite pour chasser d’éventuels concurrents… Et parfois tout dérape comme lorsqu’un Bernard Granié, président PS du syndicat d’Agglomération Ouest-Provence, est condamné à un an de prison pour avoir reçu un pot de vin. L’élu, toujours en poste, a fait appel.

Alors que faire ? Mettre le feu à toutes nos salissures ? Un quart des bordilles produites en Paca va être brûlé en 2010 par cinq incinérateurs. Mais rien ne se perd, ni se crée, tout se transforme. Ces usines produisent des fumées pour le moins suspectes et des résidus très toxiques. Surtout, elles sont un frein au tri. Et là, ce n’est pas brillant non plus. Notre région est à la traîne avec une moyenne de 33,5 Kg de déchets triés par habitants au lieu de 44,5 Kg en France, chiffre déjà pas très glorieux. Faut-il s’en remettre comme en Italie à la mafia ? Une autre option : recycler, produire moins de déchets, cesser de fabriquer et d’acheter des objets conçus pour être jetés à peine utilisés. Et la vie sera peut-être plus belle…

R. le R.

Imprimer