Entretien avec Marc Vuillemot, maire PS de la Seyne sur Mer

avril 2009
Elu par surprise sur une liste d’union de la gauche, Marc Vuillemot se retrouve à la tête d’une ville endettée. Sans renoncer à ses objectifs, il doit composer avec ses idéaux et les nombreux chantiers laissés par son prédécesseur.

« Mon souci : faire entrer du pognon »

Est-il possible de construire l’avenir de la Seyne-sur-Mer sans renier son passé industriel et ouvrier ?

« Je ne veux pas faire table rase du passé. Au contraire, l’histoire économique et sociale de notre ville est le terreau sur lequel il faut avancer. Quelque chose nous a échappé depuis 20 ans. Certes, les chantiers navals avec leurs 6000 employés ont disparu. Mais tout n’est pas mort. Il demeure une vraie richesse technologique, en matière de création, d’innovation industrielle, qui trouve son fondement dans les savoirs faire des chantiers. La plus grosse entreprise de la Seyne, le CNIM (Constructions industrielles de la Méditerranée), est leur héritière directe. Dans le cadre notamment du pôle compétivité mer, nous devons valoriser nos atouts pour installer des activités de recherche et de production. Cette mayonnaise va prendre. »

Un port de plaisance pour les yachts, un casino en projet. Pas de salut, aux portes de la Côte d’Azur, sans le tourisme, l’argent et le luxe ?

« Cela fait de l’argent qui va entrer directement dans les caisses communales. Mon souci aujourd’hui est bien là : faire entrer du pognon. Les propriétaires des très grands yachts, qui ne connaissent pas la crise, cherchent à les amarrer quelque part entre Marseille et Menton. Ils demandent des garanties d’usage, des concessions sur de longues durées, une trentaine d’années environ. Mon prédécesseur a lancé une délégation de service public pour la construction d’un port de plus de 500 anneaux. Il est hors de question que je revienne sur cette décision. Comme avec le casino, je suis prêt à utiliser toutes les armes qui existent si cela participe à la défense de l’emploi. Quitte à m’asseoir sur mes préventions morales, je sais. C’est ça ou je ferme boutique. »

« Je suis bien aidé par la crise qui met un frein à la frénésie des constructeurs »

Face à l’endettement de la ville, n’aurait-il pas été finalement préférable qu’elle soit placée sous tutelle ?

« Je ne le veux pas. Je ne suis pas un pro de la politique, mais à partir du moment où on me confie une mission, je veux l’assumer jusqu’au bout. Je crois par exemple possible de réduire le train de vie de la mairie, d’économiser sur les dépenses. »

Vous annoncez aussi une hausse probable des impôts en 2010, une baisse moyenne de 7 % des subventions aux associations. N’est-ce pas une potion trop amère pour vos administrés ?

« Seulement 4,5 foyers fiscaux sur 10 contribuent à la communauté. La majorité des Seynois ne payent pas de taxe foncière car ils ne sont pas propriétaires. Ou alors ils sont locataires mais exonérés de la taxe d’habitation car ils sont non imposables. Cela veut dire aussi qu’ils ont besoin plus que d’autres de la solidarité publique. Le maire précédent a baissé régulièrement les impôts tout en augmentant le tarif des services communaux. Compte tenu du recul des contributions de l’Etat, une hausse est la seule solution pour maintenir des services accessibles à tous. Je pense par exemple au gamin qui n’a pour seul repas dans la journée que celui de la cantine scolaire. Quant aux subventions, nous ne baisserons pas celles des assocations qui contribuent à la régulation de la vie sociale dans les quartiers. »

Pourquoi vouloir réduire le nombre d’employés communaux en ne renouvelant pas les départs à la retraite ?

« Nous avons 1400 employés pour 60 000 habitants. C’est beaucoup ! 1 100 suffiraient pour bien faire. Il y a eu 200 embauches au cours des deux dernières années du mandat d’Arthur Paecht. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on a utilisé, dans le meilleur des cas, l’emploi communal pour aider des gens en situation difficile. Dans la pire interprétation, il y a peut-être eu une forme de démagogie pré-électorale. »

Vous misez sur la remunicipalisation de certains services. Pour quelle raison ?

« Je n’ai pas de sous. Ce serait aberrant d’avoir autant d’employés et de continuer à recourir à de nombreuses entreprises privées. Dès qu’on le peut, lorsque les marchés arrivent à leur terme, on réintègre donc en régie municipale tout ce qui est possible. Même mon bureau, par exemple, est actuellement entretenu par le privé ! Ce ne sera bientôt plus le cas. »

Confirmez-vous, comme vous le dénonciez durant votre campagne, que la Seyne-sur-Mer a été livrée aux appétits des promoteurs immobiliers ?

« C’est le cas et c’est probablement la raison de notre élection surprenante, au regard des 19 % que nous avons seulement recueillis au 1er tour des dernières élections municipales. On ne peux pas laisser des opérateurs privés s’approprier un patrimoine urbain, paysager, qui confère pourtant à cette ville son caractère humain. On a des rues, par exemple, avec des immeubles de 18 mètres de haut construits sur 100 % de l’emprise foncière en bordure de voirie. Les gens ne peuvent même plus marcher le long de la route. De plus, les programmes engagés sont souvent inaccessibles aux Seynois alors que la demande en matière de loyers modérés n’est pas assouvie. J’ai engagé la révision du Plan local d’urbanisme (PLU). Cela va prendre deux ans. En attendant, je suis obligé de délivrer des permis de construire en conformité à des prescriptions dont je ne veux plus ! Heureusement, sans souhaiter pour autant qu’elle ne s’éternise, je suis bien aidé par la crise qui met un frein à la frénésie des constructeurs… »

Propos recueillis par Michel Gairaud

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