Une "école" de journalisme pas pareille à Marseille !

février 2022 | PAR Sébastien Boistel
Depuis deux ans, avec « Tout sur le JTT », le Ravi initie au journalisme une dizaine de personnes. Une formation intensive d’une semaine, à la découverte de la presse et des médias pas pareils.

le Ravi a beau exister depuis 18 ans et on a beau recevoir chaque année des stagiaires (parfois de l’autre bout de la France), jamais les écoles de journalisme marseillaises n’ont eu l’idée – certes probablement saugrenue – de faire appel au mensuel qui ne baisse jamais les bras pour faire découvrir à leurs étudiants le monde merveilleux de la presse et des médias « pas pareils ».

Alors, il y a deux ans, nous avons décidé de monter, avec l’aide du Fonds pour le développement de la vie associative, notre propre formation à destination des bénévoles, ceux de la Tchatche qui édite le Ravi, et au delà  : le « JTT » ou « journalisme tout-terrain ». Une session intensive d’une semaine avec une dizaine de personnes – joyeux chômeur, scientifique en vacances, pharmacienne en reconversion et acteurs de la vie associative avides de passer de l’autre côté du miroir… – pour leur faire découvrir l’art et la manière de faire de l’info autrement. Lors des premières sessions, on avait profité de la proximité avec nos collègues de Télé Mouche pour que nos « stagiaires » goûtent aussi aux joies de l’audiovisuel. Mais, pour les deux dernières sessions, nous nous sommes recentrés sur notre cœur de métier : l’écriture.

Sans toutefois oublier nos collègues du tiers secteur médiatique puisqu’au pas de charge, nous avons emmené nos journalistes en herbe à la rencontre d’autres médias marseillais, une sorte de condensé de notre balade thématique intitulée « Marseille, capitale européenne de la presse et des médias pas pareils ».

L’occasion de découvrir non seulement Télé Mouche mais aussi le mensuel de critique sociale CQFD ainsi que l’antenne marseillaise de la radio chrétienne RCF qui accueille chaque mois une chronique du Ravi. Sans parler d’une incartade au Cira – le Centre international de recherche sur l’anarchisme – par goût du grand écart et parce que cette structure possède une très belle collection de publications vraiment « pas pareilles » !

Mais le cœur de la formation, c’est la découverte du métier. Qu’est-ce qu’une info, un angle, quels sont les différents genres journalistiques, les sources ? Avec, évidemment, de la pratique. Et, pour chaque session, une thématique. En novembre, un sujet toujours brûlant à Marseille, le logement. Et, en janvier pour se mettre en jambe, la présidentielle !

En guise d’amuse-gueule ? Se mettre dans la peau d’une équipe de CNews pour un traitement bien trash. Jouer des ciseaux avec nos vieux numéros afin d’imaginer un concours de fake-news et de fausses « Unes ». Ou rencontrer un de nos dessinateurs, Red ! en janvier après Ysope en décembre.

Mais, durant ces sessions, l’essentiel aura été d’accompagner nos plumes à chaque étape, du synopsis à la recherche de contacts, en passant par le terrain jusqu’à l’écriture. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que nos stagiaires ont du talent. Comme Agnès qui, non contente de nous laisser en guise de cadeau la sculpture d’une tête de Ravi aux allures de faune, s’est essayée au micro-trottoir en se fendant d’un texte poétique sur le parcours croisé de deux galériens : « Jérémie et Bruno. L’un vient de prendre un studio, l’autre n’en veut pas. Chacun ses croix, ses choix, ses droits. Un logement, pas d’argent, et vice versa… »

Quant à notre session de janvier, on en est encore bouche bée. Quels regards portent deux personnes venues d’ailleurs sur une campagne très « identitaire » ? Comment les gilets jaunes marseillais envisagent de se saisir de la présidentielle ? Sans oublier un comparatif des programmes des candidats sur la place accordée aux femmes et aux questions féministes ou le portrait d’un « bon client », un étudiant en école de commerce littéralement transformé par sa participation à la « convention climat » (lire par ailleurs) ! Cerise sur le gâteau : sous la houlette de Red !, ils ont croqué la gauche comme elle ne va pas.

De quoi alimenter nos réflexions et envisager un Ravi encore plus participatif où les lecteurs eux aussi mettent la main à la pâte. En attendant, nous continuons d’intervenir en milieu scolaire, dans les bibliothèques ou auprès d’organismes comme Les Petits frères des pauvres. Du journalisme vraiment « tout terrain ». Et furieusement « pas pareil » !

Le petit Nicolas au pays du climat

Benjamin de la Convention citoyenne pour le climat, Nicolas est aussi étudiant en école de commerce à Cannes. Portrait d’un écolo libéral.

S’il semble parfaitement incarner la start-up nation – étudiant en école de commerce à Cannes, chemise de marque, lunettes à la Top-Gun et cheveux bien coupés – Nicolas, benjamin de la Convention citoyenne pour le climat, prouve qu’il ne faut pas s’arrêter aux apparences : « La convention a changé ma vie ! »

Il a grandi à Lambesc et n’était pas prédestiné à prendre parti pour la lutte climatique. Issu d’une famille de droite, salariée chez Air France, l’ambiance n’est pas vraiment au vert. Son goût pour l’entreprenariat et sa volonté de s’assurer un filet de sécurité le pousse à choisir la Skema Business School de Cannes.

C’est en 2019 que le basculement s’est opéré. Nicolas reçoit « l’immense honneur » d’être tiré au sort pour la convention climat. Sans comprendre comment s’est déroulé le tirage au sort, il n’hésite pas une seconde et se jette à seulement 16 ans dans le grand bain.

Une expérience de « renouvellement démocratique » qui lui a fait prendre conscience de l’importance des questions environnementales. Même s’il déplore « le foutage de gueule incroyable » du président de la République vis-à-vis de ses engagements. « On nous a pris pour des cons », estime Nicolas, s’incluant dans cette « grande famille » de la convention. Il voudrait pourtant que tout citoyen puisse vivre cette expérience et imagine un remake sur « la question de l’égalité homme/femme ».

En attendant de faire des films de sensibilisation sur la cause écologique, à la veille de la présidentielle, il estime que « c’est le moment où tous les Français peuvent donner leur avis ». Même s’il ne se sent pas particulièrement représenté et déplore le peu d’intérêt des candidats pour l’environnement. Mais pour lui, ce n’est plus un truc pour « les bobos qui font du vélo ». Alors peut-être votera-t-il Jadot ! Mais sûrement pas Macron…

Stéphane Vidal