"Le climat est parfaitement nauséabond, insupportable"

décembre 2010 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Arlette Fructus, présidente régionale des Radicaux, invitée de la Grande Tchatche

Pourquoi le parti radical prend-il maintenant ses distances avec le gouvernement ?
Nous considérons que les Français attendent un message beaucoup plus recentré sur toutes les préoccupations sociales. Aujourd’hui, nous avons le sentiment que ce n’est pas le choix de travail qui a été fait pour les années à venir par nos partenaires. Ils sont sur d’autres registres.

Le débat sur l’identité nationale vous a-t-il mise mal à l’aise ?
J’entends avec effroi que certains voudraient le relancer. C’est la dernière chose à faire ! Dans ma fédération, j’ai préféré organiser un débat sur la cohésion républicaine. Qu’est-ce qui peut fédérer les Français ? Cela ne se fera certainement pas autour d’une notion d’identité nationale qui, en elle-même, est porteuse de rejet.

Pourtant, vous avez fait aux élections régionales la campagne de Thierry Mariani, fondateur de la droite populaire. Comme Borloo au gouvernement, n’avez-vous pas servi de caution sociale pour une droite dure et décomplexée ?
Je n’aime pas le terme de caution. L’engagement aux régionales, derrière notre tête de liste, s’est fait sur un programme bâti ensemble. Je n’enlèverai pas une virgule au texte que nous avons proposé aux électeurs. Ensuite, les postures que prend Thierry Mariani en tant que député, ce sont des choix que je ne partage pas.

La porosité entre le FN et l’UMP vous inquiète-t-elle ?
On partage ces craintes. Le gouvernement et l’UMP essayent d’aller le plus possible sur les terres du FN en espérant en amoindrir l’impact. Je considère qu’il faut plutôt porter ses propres valeurs et ne pas aller sur le terrain des autres. Les déclarations de Mme Le Pen me font frémir. Rien n’est anecdotique, l’emploi des termes a du sens. Ce n’est pas une erreur sémantique lorsqu’elle parle d’occupation. C’est une façon de faire de la politique qui me heurte et me déplaît.

Jusqu’où les radicaux vont-ils prendre de l’autonomie vis-à-vis de l’UMP ?
Nous avons validé plusieurs décisions en bureau national : Jean-Louis Borloo quitte la vice-présidence de l’UMP. Il n’y aura aucun radical dans l’exécutif présidé par Jean-François Copé. Nous ferons un congrès à la fin du premier trimestre 2011. Allons-nous rester en association avec l’UMP ou reprendre notre autonomie ? Je crois que nous avons besoin d’indépendance pour porter des valeurs qui ne le sont pas par nos amis de la majorité présidentielle.

En tête de votre influence positive au gouvernement, vous mettez le Grenelle de l’environnement. Mais au regard des reculs lors de son application, est-ce vraiment un succès ?
On a mis en œuvre une méthode de travail. Si vous voulez comprendre les radicaux, c’est essentiel. Nous voulons mettre les acteurs autour d’une table de façon à pouvoir générer un dialogue et arriver à bâtir un projet partagé. Le Grenelle, cela n’a pas été simple, mais il en est sorti des orientations qui auront des effets dans les années à venir. La plupart d’entre elles sont mises en œuvre. Évidemment, on peut avoir des frustrations car il y a des reculs. Mais un grand cap a été franchi et il faut aller jusqu’au bout des options qui ont été arrêtées.

Le ralliement au PR de Rama Yade est-il autre chose qu’un coup médiatique ?
Ce rapprochement a beaucoup de sens. Elle se sentait à l’étroit et pas suffisamment entendue sur les valeurs qu’elle voulait voir défendre par l’équipe gouvernementale et l’UMP. Elle voulait travailler sur la cohésion sociale et on l’a renvoyée dans ses buts. J’ai eu une discussion avec elle. Avec Rama Yade, on peut bâtir un pacte national pour la jeunesse qui serait porté par les candidats aux présidentielles. Une démarche trans-courants, trans-partis.

Dans les Bouches-du-Rhône, à Marseille, le climat politique est pesant, notamment à la suite de la mise en examen d’Alexandre Guérini, le frère de Jean-Noël. Un commentaire ?
Le climat est parfaitement nauséabond, insupportable. J’ai été avocate, je suis très respectueuse des procédures judiciaires, de la présomption d’innocence, je n’ai pas de jugement à porter sur qui que ce soit. Même si je connais les contraintes du calendrier judiciaire, il faut accélérer les choses. Que cela en finisse ! Si des condamnations doivent être prononcées, je retrouverai alors toute ma liberté de parole.

En somme vous êtes plus Gaudin, partisan de l’apaisement, que Muselier, partisan du grand déballage ?
Le conseil municipal était-il le lieu, en décembre, pour évoquer ces affaires ? Fallait-il ouvrir le champ à un prétoire alors qu’on est à un stade où rien n’est définitivement arrêté ? J’ai été parmi ceux réclamant que le maire prenne du recul.

N’est-ce pas un peu pousser la poussière sous le tapis ?
Vous croyez qu’ils avancent plus, mon ami Bruno Gilles ou Renaud Muselier ? Ce n’est pas eux qui vont décider qui va être condamné. C’est l’institution judiciaire. Vis-à-vis des citoyens, je préfère entretenir un climat d’apaisement et de responsabilités plutôt que d’organiser la guerre civile dans chacune des institutions.

Jean-Noël Guérini, face aux déboires de son frère, peut-il se contenter de dire « moi c’est moi, lui c’est lui » ?
Je serais à sa place – ce que je ne souhaite absolument pas et qui est fortement improbable –, c’est la posture que je prendrais vis-à-vis des Marseillais. J’ai lu très attentivement son expression dans La Provence [NDLR, le 18 décembre]. Quand j’ai vu « Jean-Noël Guérini parle », je me suis dit : « Peut-être aura-t-on des explications ? » On en a eu sur un registre tout à fait personnel, mais pas politique. Je pense que c’est un exercice incontournable.

Un mot sur le logement social à Marseille, dont vous êtes responsable en tant qu’adjointe. L’opposition vous accuse de ne construire des HLM que dans les quartiers Nord, renforçant une logique de ghetto…
J’aimerais qu’on sorte des carcans idéologiques. Aujourd’hui, nous ne construisons plus des tours comme dans les années 60. Ce sont de petites unités de logement à taille humaine où la vie sociale est apaisée rien que par la configuration des bâtiments. Souvent, les gens qui habitent dans le nord de la ville ne veulent pas aller ailleurs. C’est aussi là qu’on dispose de terrains sur les friches industrielles. Prenons le dispositif de l’accession sociale à la propriété mis en place par la mairie. J’avais 172 familles bénéficiant du Chèque premier logement en avril 2008. J’en suis à 2 000 familles. Et la plupart vivent dans les quartiers Nord…

Jean-Louis Borloo avait promis le Parc national des calanques pour Noël 2010. Raté !
C’est raté mais ce n’est pas désespéré. On va se battre pour ce projet, l’un des plus importants pour notre ville, le premier parc urbain national. Cela vaut le coup qu’on obtienne un consensus global et que l’on gomme les dernières aspérités qui restent.

Serez-vous candidate aux municipales ?
Pourquoi pas. Marseille vaut bien des combats.