A quoi servent les festivals ?

septembre 2003

La région Provence-Alpes accueille chaque été près de 300 festivals. D’un rôle historique de rassemblement d’artistes, le festival est devenu un outil de promotion touristique des villes, destiné à accueillir des spectacles programmés partout ailleurs. Les annulations récentes du festival d’Aix et de celui d’Avignon ont bien mis en lumière l’impact économique des festivals, à tel point que si l’on a souligné le manque à gagner pour l’hôtellerie et la restauration, personne n’y a vu une catastrophe pour la culture.

Les institutions locales, mairies, conseils généraux, conseils régionaux, ne sont pas en reste et financent abondamment ces manifestations, quand elles ne les organisent pas elles-mêmes. Nos toujours civils et courtois élus s’y pressent en tenue d’été, un peu déçus ne pas être sur la scène. Il en est ainsi à Nice par exemple. Le « Nice Jazz Festival », qui s’est tenu dans les arènes de Cimiez, a fait le bonheur des amateurs de jazz et des vendeurs de socca présents dans l’enceinte du festival. Des seconds plus que des premiers, puisque du jazz, il n’en est pas tellement question. On préfère des têtes d’affiches connues comme Jimmy Cliff, Kool and the Gang ou les Blues brothers, qui viennent trouver là une retraite bien méritée. Et tant pis si ce n’est pas du jazz, l’essentiel est de remplir les arènes. Les quelques artistes à découvrir ont heureusement réservés d’excellentes surprises (Lénine, Carlhinos Brown) révélant une nouvelle scène brésilienne en pleine effervescence. Mais programmés à 19h dans un recoin, ils jouèrent pour quelques dizaines de personnes à peine. Tout ça pour une modique subvention de 800.000 euros (sans compter le déficit prévu), soit près de 15 euros par spectateur payant. La place coute néanmoins 35 euros. Pour les tourneurs, c’est une aubaine, puisqu’ils peuvent caser là leurs artistes importés pour l’été des Etats-Unis.

Certains y croient pourtant. L’excellent festival Métissons à Marseille s’acharne à faire découvrir des musiques nouvelles, dans une ambiance décontractée et pour un prix modique (12 euros pour quatre concerts). Un vraie démarche sur la durée avec un public fidèle d’année en année. Seules fausses notes, les organisateurs déplorent que l’on ait diminué leurs moyens et que la mairie ait déplacé au dernier moment le lieu de la manifestation.

Et le reste de l’année ?

Le foisonnement des festivals offre un contraste saisissant avec la mauvaise santé chronique des structures artistiques. Opéras et théâtres sont souvent déficitaires. Pire, alors que les lieux éphémères, souvent en plein air, sont investis l’été, lorsque vient la bise, il ne reste plus guère d’endroits dédiés au spectacle vivant. Il n’existe en Provence-Alpes pratiquement aucun lieu couvert permettant d’accueillir quelques centaines de personnes dans des conditions correctes pour écouter de la musique. Aucun lieu intermédiaire entre le café-concert enfumé et les grandes salles de sport inadaptées. les grandes salles (le Dôme à Marseille, l’Oméga Zénith à Toulon et la salle Nikaïa à Nice) font certes le bonheur des tourneurs, des Stars Académies et autres comédies musicales, mais ne permettent pas de développer un projet artistique dans la durée avec des artistes locaux. Le veut-on vraiment ? Dans le cahier des charges de la salle Nikaïa à Nice était prévue une petite salle attenante (700 places) pour accueillir des petits concerts. La salle existe aujourd’hui, elle sert de débarras. Comment mieux mesurer le mépris manifesté pour les artistes locaux ?

En additionnant les subventions données à ces festivals, il serait possible de mener à bien une véritable politique de développement culturel et de construire en quelques années les infrastructures qui font défaut. Cela permettrait de développer la vie artistique locale et de proposer l’été des spectacles de qualité, produit localement.

Idriss

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