Baronnnie soit qui mal y pense

janvier 2006
L'intercommunalité dans les Alpes-Maritimes

A quoi sert l’intercommunalité ? Dans les Alpes-Maritimes, elle a surtout permis la création de baronnies sur lesquelles régnent des seigneurs tout-puissants. Ce travers est renforcé par le fait que la présidence d’une structure intercommunale, qui n’est pas un mandat électif, échappe à la loi sur le cumul des mandats et permet donc à des cumulards d’accrocher en toute impunité un titre de plus à leur blason. Ainsi conçue, l’intercommunalité est avant tout affaire de querelles personnelles. 00rv26tone_canca.jpg Dans la Communauté d’agglomération Nice Côte d’Azur, la CANCA [[La Canca regroupe 24 communes : Aspremont, Beaulieu-sur-Mer, Cagnes-sur-Mer, Castagniers, Coaraze, Colomar, Duranus, Eze, Falicon, La Gaude, La Roquette-sur-Var, La Trinité, Levens, Nice, Saint-André-de-la-Roche, Saint-Blaise, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Saint-Jeannet, Saint-Laurent-du-Var, Saint-Martin-du-Var, Tourrette-Levens, Vence, Villefranche-sur-Mer.]], le pouvoir du sénateur-maire de Nice Jacques Peyrat est indiscutable, et indiscuté. Le maire de Nice s’en est donné les moyens. Regroupant 491 674 habitants, il ne manque que quelques pékins à la CANCA pour atteindre le chiffre de 500 000 habitants et prétendre au statut de communauté urbaine, qui donne droit à plus de subsides de la part de l’Etat. Peyrat n’est pourtant guère pressé d’y arriver. Dans une communauté d’agglo en effet, les oppositions municipales ne sont pas représentées. Et comme les 24 communes qui composent la CANCA sont toutes dirigées par la droite, Jacques Peyrat se réjouit de ne pas avoir « à passer par les fourches caudines de l’opposition » (Métro, 20/12). Pourtant, la présence d’une opposition aurait peut-être permis d’éviter que Michel Vialatte, ancien directeur général des services de la ville de Nice et de la CANCA, ne truque les marchés publics du futur tramway. Et MM. Mottard et Knecht, chefs de file de l’opposition au conseil municipal de Nice, ne manquent pas une occasion de dénoncer l’opacité qui règne à la CANCA.

A l’Ouest, le préfet rêve d’une grande intercommunalité qui engloberait à la fois Cannes, Grasse et Antibes, mais ce beau projet bute sur des querelles de personnes. Bernard Brochand, député-maire UMP de Cannes, n’y est pas opposé, pourvu qu’on lui en donne la présidence, ce que voient d’un très mauvais oeil Michèle Tabarot, député-maire UMP du Cannet et Henri Leroy, maire UMP de Mandelieu la Napoule et vice-président du Conseil général, dont l’inimitié avec M. Brochand est proverbiale. Quant à Jean Léonetti, député-maire UMP d’Antibes, il a fait faux bond en créant une structure, la CASA [[La Communauté d’agglomération de Sophia Antipolis regroupe 16 communes : Antibes, Biot, Caussols, Chateauneuf, Courmes, Gourdon, la Colle-sur-Loup, le Bar-sur-Loup, le Rouret, Opio, Roquefort-les-Pins, Saint-Paul-de-Vence, Tourettes-sur-Loup, Valbonne, Vallauris, Villeneuve-Loubet.]], qui englobe sa circonscription électorale. En attendant, le bassin cannois reste sans intercommunalité et Jean-Pierre Leleux, maire UMP de Grasse et vice-président du Conseil général, préside tant bien que mal Pôle Azur Provence [[Pôle Azur Provence, la communauté d’agglomération du moyen pays provençal, regroupe 5 communes : Grasse, Mouans Sartoux, Auribeau sur Siagne, la Roquette et Pégomas.]]. Pourtant, la création de Pôle Azur Provence autour d’une charte, véritable projet commun, laissait espérer de belles choses. M. Leleux qui plus est a su, au contraire de M. Peyrat, y faire une place à son opposition municipale, ce qui n’a pas empêché son Élection à l’unanimité à la présidence de PAP. Mais aujourd’hui, et alors mÍme que les conseillers communautaires de gauche sont minoritaires, la majorité sur laquelle peut s’appuyer le maire de Grasse est toute relative. Ainsi, en juillet dernier puis en septembre, il a été mis en minorité après avoir tenté d’imposer en force l’arrivée dans PAP du Cannet et de Mandelieu, puis de Peymeinade, autant de villes gouvernées par la droite. Pour l’occasion, les maires UMP d’Auribeau et de la Roquette ont mélangé leurs voix avec celle d’André Aschieri, le maire écolo de Mouans-Sartoux, unis dans la même crainte de voir déferler sur leurs communes un urbanisme qui tant su mettre en valeur le littoral. Accessoirement, ils ont marqué par ce vote leur refus de voir MM. Leleux ou Leroy, ou Mme Tabarot, se constituer un fief Électoral à leurs dépens.

A l’Est enfin, personne ne songerait sérieusement contester la toute-puissance du député-maire UMP de Menton Jean-Claude Guibal sur la Communauté d’agglomération de la Riviera Française, la CARF [[La CARF regroupe 10 communes : Roquebrune Cap martin, Menton, Beausoleil, Castillon, Saint Agnès, Peille, la Turbie, Moulinet, Sospel, Gorbio.]], dont les contours épousent ceux de sa circonscription électorale. Le maire UMP de Cap d’Ail, Xavier Beck, ne s’y est pas risqué, préférant intégrer sa commune à la CANCA. Mais le tribunal administratif en a décidé autrement et a intégré de force Cap d’Ail à la CARF.

Gilles Mortreux

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