Carpentras, conseil municipal du 24 septembre 2008

septembre 2008

16rv55lop_adolphe.jpg18h03 Costard-cravate parfait, la quarantaine sportive et la voix claire, le socialiste Francis Adolphe a été élu en mars à la tête de Carpentras dans une quadrangulaire (PS, UMP, DVD, FN). L’homme qui a mis fin à 50 ans de règne de la droite ouvre la séance en s’excusant : « Avec l’inauguration, on a un peu de retard. » Trois minutes…

18h10 Sans mandat jusqu’à son élection, Francis Adolphe apprend son nouveau métier sur le tas. Il laisse Olivier Lapierre, colistier de Jean-Claude Andrieu (maire UMP sortant) qui a décidé de ne pas siéger, demander « une minute de silence pour nos soldats morts pour nos amis Afghans » (sic). Puis, le maire débutant oubli de faire approuver le compte-rendu du dernier conseil municipal.

18h45 Toujours pas remis de leur échec, les conseillers UMP tirent à boulets rouges. « Vous dites qu’elle est ravie de son poste d’assistante sociale, mais je pense que l’ancienne chef du service des affaires sociales et directrice du CCAS a été mise au placard ! », tacle méchamment Marie-Suzy Pons-Mermet sous son carré blond platine. Francis Adolphe balaie la remarque avec assurance : « Je pense que ça vous ferait du bien de lui demander et de faire des remarques constructives. Mais vous allez sans doute vous rattraper. » La presse et la majorité du public fourni apprécient bruyamment.

18h52 Catherine Setruk, adjointe au tourisme et au patrimoine, s’installe discrètement. 49 minutes de retard…

19h10 Après une première heure animée, le conseil ronronne. Une septuagénaire en profite pour une « pause pipi », Marie-Suzy Pons-Mermet et Nicole Arnaud-Cordonny, son alter ego grisonnante aux doigts et avant-bras couverts d’or, pour comploter.

19h20 Olivier Lapierre garde le cap. A propos des « travaux de reconstruction du couvent des Dominicains » (délibération 18), l’élu UMP aux faux airs de l’inénarrable Frédéric Beigbeder raille : « Les subventions que vous annoncez, c’est l’ancien maire ou vous-même qui les avez obtenues ? » Gêné, Francis Adolphe avoue : « L’ancien maire. » Sourire narquois de l’élu d’opposition : « Les bons projets résistent… » Avant d’encaisser sans broncher : « Les subventions sont inférieures à ce qu’elles auraient dû être ! »

19h42 Serge Andrieu, conseiller délégué aux travaux, prend l’initiative de donner un coup d’accélérateur aux débats : « Tout ça, on s’en fout ! »

19h46 Le dossier de construction d’une nouvelle station d’épuration, abordé lors du vote du compte-rendu du précédent conseil municipal, refait surface. Jean-Luc Becker, chef de file des divers droite, s’indigne : « Tout le monde sait que des camions d’autres communes et d’autres départements viennent déverser leurs rejets dans notre réseau. Est-ce qu’on pourrait discuter pour que ça s’arrête ? ». Et de compléter : « Pourrait-on savoir pourquoi Grasse ne paie que 6 millions d’euros pour une station identique à la nôtre qui va nous en coûter 30 ? » Gêne palpable dans la majorité. Francis Adolphe répond sur le premier point : « On a alerté le délégataire. » « Le prix n’a pas été négocié par la nouvelle majorité », précise Farid Faryssy, premier adjoint, avant de se lancer dans une partie de ping-pong avec Jean-François Sénac, élu UMP, sur différentes hypothèses susceptibles d’avoir entraîné un surcoût. Match nul.

19h55 Particulièrement pointilleux, « maître Pénard », avocat de profession, conseiller divers droite, coupe Francis Adolphe : « Il y a un problème sur le sens du vote. On doit simplement pendre acte. » Un bras lancé en avant, l’édile interpelle son conseil théâtralement : « Alors, qui prend acte ? »

20h02 Numéro de duettistes de Jean-Luc Becker et du maire à la délibération 32. « Pourquoi vendre notre petit train ? », interroge le premier tout sourire. « J’attendais la question ! On n’est pas là pour jeter la pierre, mais ce train a été acheté 61 500 euros en 2000 et n’a servi qu’une fois parce qu’il ne peut pas monter ou descendre des pentes de plus de 5 % », pouffe le second.

20h08 Nouvelle charge d’Olivier Lapierre : « La venue des jeunes socialistes européens cet été n’a rien rapporté en-dehors de chèques en bois pour les commerçants, des urgences débordées et des nuisances sonores ! » Francis Adolphe : « N’écoutez pas les bruits ! » Dérapage de l’élu UMP : « Ce sont des choses qu’on écoute… » Explosion générale. Puis, le maire, conciliant : « Nous aurions fait pareil pour des jeunes de l’UMP. » Mais Olivier Lapierre s’accroche : « Eux n’ont pas été virés d’Alicante ! » Conclusion de Francis Adolphe : « C’était de l’événementiel, si vous ne voulez pas que la ville bouge… »

20h20 Trêve. Des discussions feutrées s’engagent un peu partout.

20h43 Patrick Bassot, seul élu FN après la déconfiture de sa liste aux dernières municipales (10 % contre 30 % en 2001), est tiré de sa léthargie. D’un petit signe, il repousse la proposition de Francis Adolphe d’intégrer, comme tous les groupes, la « commission communale des impôts directs » (délibération 49). Puis flanche devant l’insistance : « Vous me laissez jusqu’à demain pour trouver un suppléant ? » Requête acceptée à l’unanimité.

20h54 « Ce n’est pas une langue vivante, mais une langue payante ! », s’amuse Olivier Lapierre à propos de l’adhésion de la ville à l’association Collectif Prouvenço (délibération 52).

21h00 En gourmet, ou véritable novice, Francis Adolphe a gardé le débat sur le rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) sur le gestion de la commune entre 2002 et 2007 (délibération 58) pour la fin… Et s’en délecte : « Je vais vous le lire. » Le public approuve, mais Olivier Lapierre coupe : « On l’a fait, y compris dans la presse. On attend votre commentaire. » Une nouvelle fois, le premier magistrat dénonce le non provisionnement de la future station d’épuration. « C’est déontologiquement faux puisque vous allez emprunter sur le long terme ! La CRC a jugé les comptes équilibrés et la gestion saine ! », tonne Jean-François Sénac. Puis Marie-Suzy Pons-Mermet mitraille : « Je vois passer des promesses d’embauche, dont certaines, signées par maître Faryssy, pour des personnes passées par le tribunal correctionnel ! » Fureur du premier adjoint : « C’est de la diffamation ! Ce ne sont que des renvois vers notre direction des ressources humaines ! Quant à votre gestion saine, je ne reviendrai pas sur le rapport de 1999, mais vous rappelle que la dette est passée de 24 à 31 millions d’euros entre 2002 et 2007 ! »

21h12 « On pourrait parler d’avenir. Vous avez passé vos 100 jours, Monsieur le maire… » La remarque de Laurent Pénard ramène le calme.

21h24 Elodie Oosterlynk, colistière de Jean-Luc Becker, n’est pas de son avis et apostrophe vivement le banc UMP : « Sous vos mandatures, la ville a perdu ses Prud’hommes et plusieurs autres administrations. » Exclamations outrées de l’ancienne majorité et conclusion piquante d’Olivier Lapierre : « Monsieur le maire, Michel Vauzelle [président de la région, Ndlr] a salué votre victoire comme celle de l’union de la gauche. Je suis aujourd’hui heureux de savoir que le groupe de Monsieur Becker en fait parti ! » Applaudissements nourris de trois bourgeoises assises derrière lui dans une ambiance de kermesse.

21h30 Alors que Francis Adolphe lève la séance, un spectateur au visage crispé interpelle Olivier Lapierre : « C’est dur qu’Andrieu soit représenté par vous. »

21h35 Cigarette à la main, le faux sosie de Beigbeder pérore dans les rues désertes au milieu de quelques fans : « Ils ne tiendront jamais. »

Jean-François Poupelin

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