Didier Pillet, PDG du groupe La Provence

octobre 2008
Arrivé dans les valises du groupe Hersant lors du rachat du groupe La Provence, le nouveau PDG, et directeur des rédactions, Didier Pillet a réussi l'exploit de se mettre tout le monde à dos en quelques mois...

Pillet, le goupillon dégoupillé 20rv55trax_pillet.jpg Didier Pillet est attablé au Don Corleone, sa cantine marseillaise préférée. Il vient de faire signer un CDI au jeune serveur dont il a remarqué la vitesse de prise de notes quand il prenait la commande.

Vous me reconnaissez ? Didier Pillet : La Provence, c’est moi. Il enlève ses lunettes carrées de créatif de pub version Afflelou. Je suis le seul maître à bord après… personne. Le cador de la presse régionale, le meilleur pour faire de ce journal un vaisseau amiral multicanal : deux quotidiens, un hebdo remanié, un site internet et une télé. Du Pillet vous allez en bouffer… En quelques mois, je suis arrivé au sommet. J’adore cette sensation de dominer les cimes en solitaire, ma mèche grise caressée par le vent du large.

Au début, le groupe Hersant a voulu jouer la concurrence interne en me collant aux basques un petit parisien basané, Hedi Dahmani, comme directeur des rédactions marseillaises. Un ancien de Voici ! Au premier conflit, il a été débarqué avec les autres mutins (1). En bon chrétien, je sais pardonner mais si on me fout de l’Infidèle dans les pattes, là, je sabre. Avant, autour de moi, je voyais briller les canines, maintenant, ce sont les étoiles qui scintillent. Le serveur applaudit.

Depuis, je suis seul à la barre, et ça, pour un Normand, c’est important. PDG et directeur des rédactions, y a que Pillet pour faire ça. Alors, bien sûr, je fais de l’ombre autour de moi, normal quand on est au sommet, on est plus près du soleil. Y a un petit Corse, Guérini, qui a montré les dents en retirant ses pubs du Conseil général dans le journal (2). C’est quoi un million d’euros ? C’est rien du tout ! On va gagner vachement plus en étant plus proches de nos lecteurs. Tiens ! Par exemple, bientôt, je vais installer la rédaction de La Provence dans la station de métro Castellane. Comme ça, mes journalistes seront vraiment au contact de la population. Brillant, non ? Le serveur acquiesce.

Tant pis si 45 journalistes chevronnés sont partis du journal en courant, on en mettra des nouveaux, et si y a plus de journalistes, ça fera plus de place pour les lecteurs. Y a pas que les plumitifs qui savent écrire. Le serveur opine.

On a aussi raconté que j’avais viré toute l’équipe Marseille L’Hebdo parce qu’ils étaient irrévérencieux envers le sénateur maire UMP de Marseille (3). Pas du tout, je suis juste un bon gestionnaire : quatre journalistes pour faire couler de l’eau tiède, c’est bien suffisant. Et puis le nouvel Hebdo sera plus innovant : il y aura des sujets de proximité sur dix pages avec de grandes photos. Bon seulement s’il me reste des photographes, parce que, là aussi, y a un conflit qui couve. Pas grave, tous les journalistes auront bientôt un appareil. Vous n’allez pas me dire que prendre des photos, c’est un métier ? Le serveur enchérit du chef.

D’autres nouveautés dans le nouvel Hebdo ? Une page poésie ! Et ça, c’est vachement important. Je le sais parce que quand j’animais le blog de Ouest France (4) (le plus grand journal de France, ne l’oublions pas), on parlait pas mal poésie avec mes amis internautes. J’avais que ça à faire… A part un publi-reportage pour la préfecture (5) de temps en temps, mon poste de directeur de l’information de Ouest France, c’était un peu la sinécure. A l’époque, on a parlé d’un placard doré, d’une mise à l’écart à cause d’une réforme des rédactions qui n’avait pas eu l’heur de plaire à tout le monde (6). Du coup, on m’a bombardé à ce poste comme ״ambassadeur pour représenter le journal en Europe et dans le monde ״. Avec internet, je voyageais à peu de frais…

La vérité est que mon génie fait des jaloux, ici comme ailleurs. Pourtant je me suis toujours arrangé pour être au plus près du seigneur. A Rennes, j’allais tous les dimanches à la messe, et je m’asseyais tout près du PDG. Mais Hutin a fini par me lâcher sous la pression des jaloux, le pleutre.

Pourtant les motions de défiance, j’ai l’habitude. J’en ai connues quand j’ai dirigé la rédaction du Provençal, de 89 à 91. J’avais eu droit à une levée de boucliers contre moi et j’avais dû retourner écrire sur les choux-fleurs et les pesticides dans ma chère Bretagne.

Mais là, je suis de retour et ça va dépoter… Il monte sur la table, les deux bras levés et hurle : « I am the king of the world ! ״. Le serveur jette son tablier et part en courant.

Ben quoi ? Le Titanic, vous connaissez, non ? A l’époque, c’était le plus grand bateau du monde.

Tonnerre Debrest

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