Elections régionales La gauche disperse ses olives

juin 2010

L’alliance de l’olivier. C’était la fierté de Vauzelle : le PS, le PCF, les Verts, les radicaux de gauche, tous réunis dès le 1er tour sous sa bannière en 2004. Mais le 14 mars 2010, les olives seront dispersées au quatre coins du champ. Mets de l’huile, Michel !

Un beau symbole, l’olivier. Michel Vauzelle l’a choisi pour figurer l’alliance qu’il est si fier d’avoir longtemps réunie sous sa bannière. En 1998 et en 2004, le PCF, les Verts, les radicaux de gauche et les chevènementistes se sont en effet rangés dès le 1er tour derrière le PS. Avec, en 2004, le succès qu’on connaît : 35 % des suffrages et le candidat de l’UMP, Renaud Muselier, d’emblée distancié de plus de neuf points… Le 14 mars 2010, la récolte risque d’être un tantinet plus difficile. Les olives seront, en effet, dispersées aux quatre coins du champ. Au second tour, il va donc falloir mettre beaucoup d’huile dans les rouages pour rassembler les alliés désunis le temps d’une campagne électorale.

« C’est surprenant, attristant !, s’exclame Robert Alfonsi, tête de liste socialiste dans le Var. Rien ne justifie que nos partenaires, qui ont voté tous les budgets pendant 12 ans dans notre majorité où la cohésion n’a jamais été prise en défaut, choisissent de partir chacun de leur côté. Des logiques nationales l’ont emporté sur les logiques régionales. » Officiellement, les listes du PS sont ouvertes « jusqu’au dernier moment », c’est-à-dire mi-février lors de leur clôture. En réalité, les jeux sont faits : les Verts et le PCF ont choisi de s’émanciper. Durant quelques semaines du moins…

« Polyphonies riches et variées »

Du côté des Verts, ce n’est pas vraiment une surprise. Le score exceptionnel d’Europe écologie en juin dernier appelait une nouvelle tentative. Avec 16 % en Paca, ils ont tout simplement dépassé le PS renvoyé sous la barre des 14 %. Ils ont choisi de se ranger derrière une tête de liste « d’ouverture », Laurence Vichnievsky, juge d’instruction et amie d’Eva Joly. Alors qu’ils n’avaient obtenu que douze élus en 2004, ils en espèrent une vingtaine. Même s’ils affirment viser le leadership à gauche et être prêts à présider la région, leur objectif est plus modeste : s’affirmer comme la deuxième grande formation à gauche et imposer une rupture écologique forte lors d’un éventuel 3ème mandat avec Michel Vauzelle.

Jacques Olivier, maire du Thor et président du groupe des élus Verts à la Région, conduira la liste Europe écologie dans le Vaucluse. André Aschieri, maire de Mouans-Sartoux, sera en tête dans les Alpes-Maritimes. Gérard de Meester, conseiller général, va mener les troupes dans les Alpes-de-Haute-Provence. Marie Tarbouriech, ingénieur agronome, va présider celle des Hautes Alpes. « Le dispersement de l’alliance de l’olivier au 1er tour n’est pas négatif », juge Aïcha Sif, metteuse en scène, syndiquée CGT spectacle, tête de liste pour les Bouches-du-Rhône. Et de tenter une métaphore artistique : « Il n’y a pas division, ce sont des polyphonies riches et variées. C’est aux électeurs, au 1er tour, de choisir avant les fusions nécessaires au 2ème tour. »

Reste que l’entrée en campagne de Laurence Vichnievsky, ses allusions à l’affaire des subventions régionales à des associations fantômes, ses critiques « de la politique de guichet » sont apparues très dissonantes aux oreilles socialistes. « Laurence Vichnievsky semble s’être un peu calmée, se réjouit Robert Alfonsi. Les Verts ont choisi une tête de liste que Nicolas Sarkozy vient de décorer de la légion d’honneur. Ce n’est pas banal ! Ce sera à eux de gérer pendant cette campagne l’esprit de responsabilité. Quand on est sortant d’une équipe, on ne peut pas s’en désolidariser d’un seul trait. » Ambiance, secousse…

« Cela s’appelle de la démagogie »

Mais la véritable – mauvaise – surprise pour Michel Vauzelle vient de l’échappée solitaire de ses alliés communistes qu’il n’avait pas anticipée. Et c’est Jean-Marc Coppola, l’un de ses vice-présidents à la Région (cf Grande Tchatche page 20), qui sera tête de liste en Paca. Trois autres conseillers régionaux jouent les locomotives dans les autres départements : Gérard Piel dans les Alpes-Maritimes, Frédéric Meyer dans le Vaucluse, Martine Carriol dans les Alpes-de-Haute-Provence… « On peut en effet prendre notre démarche comme une émancipation du PS, assume Jean-Marc Coppola. Nous voulons apporter des éléments pour que la gauche se ragaillardisse, qu’il existe une alternative et pas seulement une alternance à la droite. »

Première proposition du candidat Coppola : la gratuité pour tous des TER dans la région. « Idéologiquement, la gratuité des transports peut s’envisager, budgétairement cela peut s’appeler de la démagogie », tacle à nouveau Robert Alfonsi. Attention les secousses ! A ce rythme, il ne va pas rester beaucoup d’olives dans les branches le soir du 14 mars. Que cherche donc le PCF ? Il se lance, comme aux européennes, sous l’étendard du Front de gauche, avec notamment le parti de gauche de Mélenchon… En juin, ce Front progressiste avait obtenu 6,5 %. Rien de merveilleux mais un score en hausse pour les communistes et, tout de même, un nouveau député européen dans le Sud Est. Surtout pour le parti de Marie-George Buffet : un meilleur score que le Nouveau parti anti-capitaliste (NPA) de Besancenot qui avait osé lui voler, une fois de plus, la vedette aux présidentielles.

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« Ils ont tout voté ensemble ! »

Là aussi, il y a le « in » et le « off ». In, fin novembre : le PCF et le NPA veulent toujours essayer de faire liste commune. Off : leur stratégie politique diverge fondamentalement sur la question des rapports avec le PS. « Ce qui coince entre le NPA et le PCF, c’est la participation aux exécutifs. Le NPA dit « c’est possible » mais multiplie les conditions et le PCF dit « c’est plus que souhaitable ». Résultat, on est dans la merde ! », explique Rémi Jean, ex de la LCR, membre de la Fase (Fédération pour une alternative sociale et écologique) tiraillée entre son envie de participer encore à un Front de gauche élargi et la proposition d’Europe Ecologie de les rejoindre.

« On comprend assez mal la position du PCF. Ils veulent faire une liste séparée du PS mais multiplient les déclarations pour dire que le bilan de Michel Vauzelle est excellent, s’énerve Samuel Joshua, porte-parole régional du NPA. C’est impossible de faire dire à un communiste ce qui n’a pas marché. De fait, ils ont tout voté ensemble : le financement des entreprises capitalistes, les aides à l’enseignement privé. Et je passe discrètement sur la politique clientéliste. » Ambiance de l’amour ! Le NPA partira donc sans le grand frère communiste. Et tentera, comme du temps de la LCR, de ne pas trop se faire marcher sur les pieds par les probables listes de Lutte ouvrière.

Malgré ses récents revers électoraux, ses divisions internes, la défection au 1er tour de ses partenaires, les casseroles judiciaires qui s’accumulent du côté de Marseille, le PS aborde en Paca ces élections avec une relative sérénité. Michel Vauzelle joue les valeurs sûres et la carte des conseillers régionaux sortants en tête de liste dans les départements : Jean-Louis Joseph dans le Vaucluse, Patrick Allemand dans les Alpes-Maritimes, Christophe Castaner dans les Alpes-de-Haute-Provence, Joël Giraud dans les Hautes Alpes. Tous espèrent que se réalise le scénario « idéal » photographié, fin octobre, par un sondage du Figaro : Vauzelle à 31 % au 1er tour, sept points devant Thierry Mariani, le candidat UMP. Seul. Sans l’appui des alliés dispersés de l’olivier…

Par Michel Gairaud

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