La Ciotat, conseil municipal du 14 novembre 2005

décembre 2005
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

18h25 Premier incident alors que personne n’est encore installé. Le journaliste de La Marseillaise, le quotidien communiste, bougonne. Contrairement à sa consoeur de La Provence, il ne dispose pas de pupitre et s’installe dans le public pour protester… aux côtés des trois élus communistes de l’opposition.

18h34 Dans une configuration de tribunal, Patrick Boré, le maire UMP de la commune, ouvre la séance. Entouré de ses adjoints, il fait face à ses conseillers municipaux et à une opposition socialiste et communiste reléguée au quatrième et dernier rang des places réservées aux élus. L’appel effectué par la secrétaire de séance est passé inaperçu. 25lop_ciotat.jpg 18h55 Après vingt minutes soporifiques – monopolisées par la présentation du budget supplémentaire -, premières réactions de l’opposition. Bernard Liebgott (PS) tente sa chance en pointant « une augmentation de 20 % des dépenses de fonctionnement par rapport au budget prévisionnel (…) un budget surévalué qui (…), s’il avait été plus serré, aurait pu permettre d’éviter certaines augmentations d’impôts, (…) un état de la dette qui reste au niveau de 2001 ». En forme, il conclue : « Et nous en avons pour jusqu’en 2020 ! » Sûr de sa force, Patrick Boré dégage la balle dans le camp communiste.

18H59 Karim Ghendouf (PCF) la récupère et attaque à son tour : « Comment comprendre des budgets qui ne se traduisent pas pour les Ciotadens ! On en met un peu ici, un peu là, mais il n’y a pas de projet de ville, les chiffres nous le disent ! » Déstabilisé, l’édile se défend en effectuant un choix maladroit : rejeter la faute sur les contributions de la ville au budget de la communauté urbaine de Marseille, et à celui de la Régie des transports Marseillais en particulier. « Les maires extérieurs à Marseille en ont marre car leurs projets sont fortement handicapés par 46 millions d’euros à mettre dans la RTM », insiste-t-il. Et de conclure : « voilà pourquoi on a moins de projets. Personne ne le dit, mais moi oui ! » Une mauvaise passe que ne peut laisser filer l’élu communiste. « Vous ne pouvez pas expliquer de manière comptable que le manque de budget vient du déficit de la RTM ! », tacle-t-il. Un sortie légèrement appuyée qui entraîne quelques invectives anti-CGT dans un public apparemment plutôt favorable à la majorité municipale. Déstabilisé, Patrick Boré temporise : « Nous allons passer au vote ». Le budget supplémentaire est adopté. Faisant bloc, l’opposition vote contre.

19h07 A l’issue de ce petit quart d’heure animé, André Glinka-Hecquet, adjoint délégué « aux fonctions budgétaires et financières », tente de se mettre à son tour en valeur. Sans prévenir, il retourne en arrière sans craindre de jouer hors jeu et lance à l’élu socialiste : « Monsieur Liebgott, je ne sais pas où vous trouvez les 20 % .» Son édile, en arbitre cette fois, le stoppe net : « Vous vous donnerez rendez-vous ! » Véritable meneur de jeu, ce dernier monopolise la parole municipale et n’utilise ses élus que pour annoncer les rapports de l’ordre du jour. Lui seul répond aux attaques de l’opposition, qu’il suscite en ponctuant chaque annonce d’un « est-ce que vous avez des observations ? ». Socialistes et communistes, de leur côté, ne s’adressent qu’à lui.

19h12 Le rapport n°11 montre que cette tactique n’est peut-être pas la plus efficace. Prévu pour accorder au maire l’autorisation de signer une charte de « développement commercial » avec l’association des commerçants « La vitrine de la Ribe » et le syndicat des commerçants, Patrick Boré est déstabilisé par la charge d’Aline Reynaud (PS). Document à l’appui, celle-ci l’accuse de « l’avoir déjà signée, le 10 octobre, en salle du conseil municipal et en présence des commerçants ». « Nous constatons que vous avez mis la charrue avant les b?ufs, mais nous en avons l’habitude », poursuit-elle. Très en verve, elle harcèle. « Pensez-vous qu’avec la signature de cette charte vous pourrez faire passer la pilule de la ZAC de l’Encre marine (une zone d’activité commerciale en construction à l’entrée de la ville, ndlr), que vous avez combattue lorsque vous étiez dans l’opposition et que vous avez voulue à votre arrivée ? » Acculé, Patrick Boré se contente de botter en touche. « La charte n’est pas signée car il me faut l’accord du conseil municipal, c’est ce qu’impose la démocratie, assure-t-il. Il y a eu un an et demi de discussions avec les commerçants. Quand on discute, vous dites qu’on discute trop, et quand on ne discute pas, vous dites qu’on ne discute pas (sic). »

19h22 L’arrivée des deux derniers conseillers municipaux (un de la majorité, un du groupe socialiste) met un terme au duel.

19h24 Dans tous les bons coups, Aline Reynaud profite du rapport suivant, sur la création d’une résidence d’écriture, pour poursuivre son offensive. « Puisque nous sommes dans le domaine de la culture, je voudrais vous demander pourquoi dans LCI (La Ciotat Info, le bulletin municipal, ndlr) vous ne citez jamais les associations qui ne vont pas dans le même sens que vous ? C’est le cas des Engagés (trois jours de débats, projections, concerts… organisés par Attac, le PC et le PS locaux, ndlr). » Totalement désintéressé, Patrick Boré mâche les branches de ses lunettes, perdu dans ses pensées. A l’aise sur ce terrain, il réplique tranquillement : « Nous annonçons les manifestations dont nous sommes partenaires. Sur celle-ci nous ne l’étions pas puisque, malgré le matériel prêté, nous apparaissons après l’Hôtel des lavandes dans les remerciements ! » 19h30 L’action s’accélère et les rapports s’enchaînent. Quelques problèmes de micro et les gamineries de deux conseillères de la majorité détendent l’atmosphère. Jusqu’au rapport 18.

19h35 Claude-Pierre Martinez, premier adjoint, délégué au personnel et aux affaires sociales, l’énonce : « création d’un emploi de chef de projet adjoint, contrat de ville – coordinateur du développement social local ». Une bombe ? L’opposition s’enflamme en tout cas instantanément à ce qu’elle semble prendre pour une provocation dans le domaine du logement, le sujet brûlant du moment… Même si, promis juré, il adoptera le rapport, comme son groupe, Karim Ghendouf (PCF) intervient le premier pour soulever une « contradiction ». « La politique de la ville ne peut être menée par le petit bout de la lorgnette », amorce-t-il, avant de charger : « Comment construire une mixité sociale et un parcours résidentiel avec la Zac du Pré (une zone d’aménagement concertée, ndlr) que vous envisagez ? » Poursuivant sur sa lancée, il soulève une bronca dans une partie du public et chez les conseillers municipaux en agressant le maire : « On parle d’échec scolaire, mais on ferme des écoles ! » La référence à la fermeture de la maternelle Baptistin Bernard (voir Le Ravi n°23, octobre 2005) est trop visible. Un « carton rouge ! » cinglant fuse. Même Patrick Boré quitte l’indifférence, qu’il affichait jusqu’ici et s’offense. « Je ne peux pas vous laisser dire qu’on fait un diagnostic qu’on n’applique pas. »

19h39 L’heure des attaques personnelles a sonné. « Par contre, j’ai madame Bobbia-Tosi (élue communiste) en face de moi qui, elle, n’a rien exigé (quand elle était au pouvoir, lors de la précédente mandature, s’entend) ! », tacle le maire. Alors qu’il se lance dans l’addition du nombre de logements sociaux prévus, Geneviève Bobbia-Tosi contre-attaque : « C’est très facile de me prendre à partie, je n’ai pas les chiffres ! Mais il y a des zones où il n’y aura pas beaucoup de logement social et donc peu de mixité. » Et alors que les esprits se calment et qu’elle temporise en promettant de reconnaître l’action du maire s’il tient ses promesses, Henri Mattéi, adjoint délégué à l’urbanisme, s’emporte et l’agresse : « J’ai acté ! Je vous propose qu’on compare nos bilans sur le collectif ! Je veux que ce soit acté ! »

19h50 Le rapport est finalement voté à l’unanimité.

19h54 Dernière tentative communiste sur le 22e et avant-dernier rapport. Il concerne la modification des tarifs d’activités proposées par le service Prévention animation jeunesse. Christine Bertéro, jusque-là transparente, s’y colle. Mais ses banderilles dénonçant les augmentations des tarifs tombent à l’eau. En petite forme, elle ne semble pas avoir compris le document municipal, que Jeanne-Marie Vandamme, adjointe déléguée à la jeunesse, reconnaît peu clair. Nouvelle ambiance de kermesse, mais le c?ur n’y est plus, surtout dans l’opposition. « On s’est trop habitué à vos augmentations des tarifs publics », a quand même encore la force de taquiner Karim Ghendouf.

20h03 La séance est levée. Un match moins animé qu’à l’accoutumée…

Jean-François Poupelin

Imprimer