La ligne électrique qui gâche la forêt

novembre 2011
La construction d'une ligne à très haute tension entre le lac de Serre-Ponçon et Embrun attire les foudres des riverains et soulève la question de la boulimie énergétique.

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Les oiseaux chantent, le soleil brille. Pourtant, en ce samedi de septembre une caravane de mécontents traverse les montagnes, de hameaux en hameaux. « On a mis la révolution dans le comté de Chorges ! », exulte Marie-Joëlle Lenoir. Avec elle, ils sont une vingtaine de l’association Avenir Haute-Durance à bloquer la circulation et à distribuer des tracts aux passants : « 2 lignes à très haute tension (THT) sur la Haute-Durance : NON ! » Ils se battent contre la défiguration des paysages et le risque de nuisances électromagnétiques. Du 27 septembre au 11 octobre, le RTE (Réseau de transport d’électricité) consulte. Mais alors que les revendications des riverains se cristallisent autour de l’enterrement des deux lignes de 225 000 volts pour limiter les nuisances, les futures réunions publiques ne concernent que leur tracé définitif. Les premiers travaux sont prévus pour 2014.

Selon RTE, la rénovation du réseau permettrait « d’effacer du paysage » 200 km de lignes électriques. Bien pour la nature donc. Les craintes concernant les ondes électromagnétiques seraient de l’ordre du fantasme. « Les lignes répondent à deux besoins : sécuriser la desserte électrique et répondre aux nouveaux besoins de développement du territoire » assure Didier Lainé, chef du service développement Sud-Est chez RTE. La ligne actuelle de 150 000 Volts date de 1936 et l’augmentation de la demande à l’horizon 2020 passerait de 220 MW à 300MW.

Ces estimations sont issues du « diagnostic énergétique » réalisé en 2009 par la RTE auprès des collectivités publiques. Pierre Leroy, le maire écolo de Puy Saint-André, émet des réserves : « Oui, il y a eu concertation. Mais seulement si concertation veut dire faire un état des lieux des projets des collectivités et ensuite faire l’addition. » Pour la RTE, la méthodologie est sans faille : « Nous constatons que les projets du territoire génèrent de la consommation électrique. C’est un fait. Nous sommes là pour répondre à des attentes, pas pour insuffler une quelconque politique. » Encore moins pour impulser une diminution de la consommation !

« On surdimensionne le réseau parce qu’on n’a aucune politique énergétique en France, tacle Jean Ganzhorn, de l’association gapençaise Bio pour Tous. En France on ne fait que répondre à la demande. On ne gère pas la demande. » Exemple typique haut alpin : les pics de consommation l’hiver, à 4h du matin, en partie générés par les stations de ski et leurs canons à neige. Les écolos des Hautes-Alpes rêvent d’un autre mode de gestion conjuguant une production plus locale de l’électricité et la recherche de la sobriété énergétique afin de se passer de lignes à très haute tension.

Depuis son élection en 2008, Pierre Leroy expérimente l’autonomie énergétique dans sa commune avec la création d’une coopérative de production d’électricité. Aujourd’hui, elle alimente tous les bâtiments communaux et 31 familles. Monsieur le maire souhaite faire des émules : « Etre autonome énergiquement est possible dans les Hautes-Alpes avec la ressource solaire et hydraulique. RTE n’est que l’exécutant de la politique nationale qui continue de penser comme pendant les Trente glorieuses. » Et le jeune élu de citer comme contre-modèle le land auto-suffisant en énergie de Vorarlberg avec ses bâtiments « passifs ». Tous en Autriche !

Eric Besatti

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