Le paradis anticrise

décembre 2008
La principauté de Monaco pourrait subir les foudres de la crise. Pas d'inquiétude, le paradis fiscal a des ressources.

« Les conséquences de la crise ne nous épargneront pas. » Lâchée dans les colonnes de Monaco Matin le 24 novembre, plus de deux mois après le début de la débâcle financière (!), l’inquiétude de son altesse sérénissime le Prince Albert II prête à sourire.

Si les syndicats monégasques redoutent de possibles fermetures d’usines (1) – il y en a ! -, la ville la plus laide du pourtour méditerranéen reste encore un petit paradis (fiscal) pour les financiers et autres rentiers en quête de réconfort. Pour preuve : l’organisation de séminaires par les banques Dexia et Fortis dans de très chics établissements du Rocher quelques jours après leur nationalisation. Un retour aux sources pour fêter leur sauvetage grâce à de l’argent public ?

Des ressources, la principauté n’en manque d’ailleurs pas pour choyer people, banquiers et patrons. « Le principe général de la fiscalité monégasque est l’absence totale de toute imposition directe », se réjouit ainsi Monte-Carlo.mc, le site Internet du Rocher présenté comme « le guide de la Principauté ». Mieux, son droit social se résume à la dernière grande idée de Nicolas Sarkozy, qu’il semble avoir inspiré : la rupture de contrat à l’amiable. Avec un avantage princier : le départ est immédiat. Quant au Smic, il dépasse tout juste de 5 % celui des français, quand le loyer d’un 30 m2 oscille entre 2 000 et 4 000 euros.

Enfin, et surtout, le paradis des fraudeurs et voyous en col blanc n’a pas trop à craindre les foudres d’une refonte du capitalisme. A Toulon, le 25 septembre, Nicolas Sarkozy, l’ami des évadés du fisc, menaçait : « Il faudra bien aussi se poser des questions qui fâchent, celles des paradis fiscaux… » Mi-novembre, le G 20 a répondu : « mesures de protection contre les risques financiers illicites de juridictions non coopératives » (sic) et « échange d’informations, notamment en ce qui concerne les juridictions qui ne se conforment pas encore aux normes internationales en matière de secret bancaire et de transparence » (2). Pas de quoi provoquer une révolution en principauté ! (Cf lire également, page 15, notre reportage sur la manif contre les paradis fiscaux aux portes de Monaco)

Albert II ne semblait pas trop inquiet à ce sujet. L’immobilier flambe toujours. Son altesse a retenu deux consortiums, entre lesquels il tranchera, début 2009, pour sa future presqu’île artificielle. Un projet pharaonique : emprise de 15 hectares sur la mer, un kilomètre de long, 5 à 10 milliards d’euros. Les affaires marchent si bien au paradis, qu’il faut à tout prix en agrandir les frontières…

J-F P.

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