Le PC a mal à sa gauche

juin 2006
Tiraillé entre une base lorgnant vers l'extrême gauche et un pragmatisme électoral les poussant vers le PS, les dirigeants du PCF n'ont toujours pas décidé avec qui ils défendront leur programme antilibéral lors des prochaines échéances électorales.

Quelques jours après la proposition d’Olivier Besancenot de se faire « une bouffe à quatre » (1) , avec José Bové et Arlette Laguillier, afin de « causer » des prochaines échéances électorales, Marie-Georges Buffet n’en démord pas. « Mon objectif, en appelant à un rassemblement antilibéral, n’est pas que les antilibéraux se comptent, n’est pas d’être l’aiguillon du Parti socialiste, c’est de gagner. C’est-à-dire de rendre les idées antilibérales majoritaires » (2) , clame-t-elle alors en repoussant l’offre du leader de la LCR, qui proposait pourtant de payer l’addition.

Pour la secrétaire nationale du PCF, la gauche ne peut en effet suivre qu’une voie pour battre la droite lors de la présidentielle et des législatives de 2007 : rassembler au-delà du « non de gauche » au Traité constitutionnel européen (TCE) sur un contenu de rupture avec le libéralisme et, si possible, chapeauter le tout d’une candidature unitaire. Cette ligne a été très majoritairement adoptée (par plus de 91 % des délégués) (3) au 33e congrès du parti (23-26 mars).

Une position d’ouverture vers le PS et la LCR, peu enclins à se parler, qui place le PC au centre du rassemblement. C’est donc tout naturellement que, sans en faire une question de principe, la nuance est subtile, les communistes ont proposé Marie-Georges Buffet comme porte-drapeau de cette coalition. Une position qu’explique, la bouche en c?ur, Jean-Marc Coppola, secrétaire départemental de la fédération des Bouches-du-Rhône : « Si un des enseignements de la campagne référendaire a été qu’un rassemblement autour d’un objectif clair, sans message brouillé, peut amener la victoire, il ne faut pas oublier qu’à cette occasion, Marie-Georges Buffet a donné de son temps de parole à des partisans du « Non » qui en avait peu. »

Mais malgré leurs velléités antilibérales, et une nouvelle visibilité de leur parti sur la scène politique française, les dirigeants communistes sont pris dans les mailles d’un dilemme quasiment insurmontable. Beaucoup restent en effet dubitatifs quant aux réelles chances de victoire d’un rassemblement à la gauche du PS. Mal à l’aise sur le sujet, Jean-Marc Coppola finit ainsi par concéder : « Je doute d’une victoire antilibérale seule. » Une déclaration glissée avec prudence, histoire de ne pas froisser sa base. Traumatisée par le pathétique 3,4 % de Robert Hue en 2002 et l’expérience de la gauche plurielle, cette dernière est en effet particulièrement rétive à toute nouvelle alliance avec les socialistes. « Il y a une vraie volonté de ne pas retomber dans les déceptions et les échecs des années 2000 », explique Jean Hennion, secrétaire départemental de la fédération du Var et partisan d’une candidature autonome. Et Marie-Laure Barety-Vautier, militante depuis 18 ans, « de base » comme elle aime à le préciser, de prévenir : « Beaucoup de camarades sont prêts à voter pour le leader de la LCR plutôt que pour des listes communes avec le Parti socialiste. »

Afin d’y voir plus clair, la décision de présenter un candidat autonome a donc été repoussée au mois d’octobre. Un mois avant celle du PS. Une solution attentiste qui ne rassure qu’à moitié Serge Pinna, président de Rouges Vifs 13. Bien que satisfait par les nouvelles orientations du PC, que ses membres avaient quitté en 2001 à cause de ses orientations réformistes, il voit mal les communistes se passer des socialistes. « Le problème pour le PC, c’est que sans le PS il n’est pas certain de pouvoir maintenir ses candidats au second tour des prochaines échéances et de garder ses derniers bastions. Et ça pèse dans la balance », analyse-t-il.

A mots couverts, une solution semble donc se profiler : dissocier élections nationales et locales. C’est en tout cas celle que semble privilégier Robert Injey, secrétaire départemental de la fédération des Alpes-Maritimes. Tout en clamant, comme ses camarades, que « 2007 déterminera beaucoup de choses », il estime ainsi « que les spécificités locales sont très aiguisées ». Certain qu’à Nice « la situation est ouverte pour la gauche », il prône donc déjà « un rassemblement des forces de progrès ».

En attendant la décision de ses dirigeants, dimanche 21 mai, au milieu de l’effervescence de la fête de L’Humanité marseillaise, Marie-Laure Barety-Vaudier a décidé de chavirer du côté de l’espoir des dernières luttes : « Chavez me fait rêver. Et je rêve d’un Olivier ou d’une Marie-Georges à la tête de la France. »

Jean-François Poupelin

PARTI COMMUNISTE

1 député (Frédéric Dutoit dans les Bouches-du-Rhône) / 1 sénateur (Robert Bret les Bouches-du-Rhône) / 19 conseillers régionaux « PCF et partenaires » / 32 mairies / 9 460 adhérents (Alpes de Haute Provence : 660 ; Alpes-Maritimes : 1400 ; Bouches-du-Rhône : 5500 ; Var : 1250 dont 170 nouveaux ; Vaucluse : 650)

Imprimer