Les hypers écrasent nos vies

juin 2011
Les hypermarchés et leurs zones commerciales ont un coût social, économique et environnemental élevé. Mais ils s’étendent sans cesse, faute de régulation suffisante, en grignotant un peu plus en Paca les rares terres agricoles et en renforçant la place de la voiture.

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L’ode quasi-unanime aux commerces de proximité, le développement d’Internet et de la livraison à domicile, la multiplication de petits lieux de vente alternatifs privilégiant proximité et qualité, rien n’y fait ! Les hypermarchés et leurs zones commerciales continuent à s’étendre en Paca en dépit de la rareté du foncier et de son coût. Au royaume de la grande distribution, un seul mot d’ordre : toujours plus grand ! La zone commerciale Avignon-Nord (84) s’enorgueillit, avec l’ouverture d’un Ikéa et 174 000 m2, de dépasser Plan de Campagne (13), elle-même ayant longtemps revendiqué le statut de 1er centre commercial d’Europe.

Auchan-Aubagne (13) triomphe aussi avec le titre de 1er hypermarché de France, toutes enseignes confondues, pour son chiffre d’affaire : 303,8 millions d’euros en 2009. La famille Mulliez, propriétaire du groupe, n’est pas encore ruinée ! Les projets de grandes surfaces et de zones commerciales se multiplient. La chambre de commerce et d’industrie de Marseille comptabilise 200 000 m2 supplémentaire d’ici 2014. Quasi simultanément, Marseille et Nice annoncent la construction d’une grande surface près de leur stade : 25 000 m2 tout contre le Vélodrome rénové en 2014, 30 000 m2 pour implanter un Ikéa, à côté du Nice Stadium. Des chariots et du foot !

Ce dernier projet promu par Christian Estrosi, l’ex-ministre de l’Industrie, passe mal. Car il sera implanté dans la plaine du Var, baptisée Eco-Vallée, en théorie dévolue au développement durable. Mais la grande distribution sait s’adapter à l’air du temps. Témoin l’Hyper U aux Arcs-sur-Argens (83) : avec ses 22 000 m2, il est le premier de France réalisé selon les normes Haute qualité environnementales (HQE). Si des panneaux solaires ornent le toit, là comme ailleurs, c’est le royaume de la bagnole : un millier de places de parking, un centre auto, un centre de lavage… (Cf le Ravi n°71).

Et si les hypers écrasaient nos vies plutôt que les prix ? Celles des fournisseurs tout d’abord. Le récit que publie ce mois-ci Pierre Prioler, agriculteur de Mollégès (13) est édifiant. Il a préféré couper ses poiriers plutôt que de continuer à vendre à perte aux centrales d’achats… La grande distribution broie aussi ses salariés tout en détruisant plus d’emplois qu’elle n’en crée. Déjà pionnière en matière de multiplication des temps partiels contraints et mal payés, elle a mené avec succès la bataille de l’ouverture le dimanche. Elle tente maintenant de pousser l’avantage en repoussant sans cesse les heures de fermeture.

Contrairement aux apparences, les consommateurs ne sont pas forcément à la fête dans les grandes surfaces. Leurs galeries marchandes les piègent, selon l’expression de l’architecte Elisabeth Pélegrin-Genel comme des souris dans un labyrinthe. « La grande distribution n’a jamais contribué à augmenter le pouvoir d’achat ! », assène Bernard Reynès. Quel est donc ce dangereux agitateur ? Le député-maire de Châteaurenard (13), le « Monsieur commerce de proximité » de l’UMP…

Le gouvernement, après avoir facilité l’implantation des grandes surfaces, rétrograde avec la loi Ollier-Piron censée réglementer un peu mieux l’urbanisme commercial. La méthode ? Renforcer le pouvoir des maires. Pas sûr qu’ils soient les meilleurs remparts à la prolifération des zones ! Il y a pourtant urgence en Paca où les terres agricoles disparaissent inexorablement et où la voiture impose partout sa loi…

Michel Gairaud

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