Lorgues : Conseil municipal du 25 septembre 2009

octobre 2009
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

« Démagogie ! »

18h59 Claude Alemagna, UMP qui a mis fin en 2008 à 25 ans de gestion socialiste, ouvre la séance dans un centre culturel noir de monde (plus de 200 personnes, trois-quarts de retraités). Malgré le renfort de chaises de salles adjacentes, une vingtaine de Lorgais restent debout dans le hall qui sert de salle de conseil.

19h03 Voix puissante à l’accent prononcé, le maire, cheveux plaqués en arrière, poches sous les yeux, en bras de chemise et cravate bleue rayée, coupe brutalement le « Dr Broussard », doyen de l’opposition aussi rose que sa veste : « Je vous ai demandé si vous aviez des remarques sur le compte-rendu du dernier conseil, pas de faire une synthèse de l’audit de la mairie ! » Joseph Broussard reste calme : « Nous demandons une restitution complète de l’audit et non un brouillon. Nous notons de nombreuses données erronées… » Claude Alemagna tranche : « C’est votre appréciation. » Ambiance…

19h15 Délibération 4, « Conditions d’utilisation et règlement intérieur de la salle des fêtes François Mitterrand ». Un silence mortuaire s’installe. Précision du maire : « Aucune des associations lorgaises n’est touchée, sauf celles qui accueillent du public. J’aurais pu ne pas présenter cette convention en conseil comme la loi m’y autorise. »

19h18 A la lecture par Jacques Michel, élu délégué à l’Animation, des documents à fournir pour avoir accès gratuitement à la salle – « statuts, bilan comptable détaillé, compte prévisionnel, derniers relevés de compte bancaire, PV de la dernière AG », etc -, le soupçon d’une attaque contre l’association non subventionnée Les lundis de Saint-Ferréol (soirées conférence-concert mensuelles financées par une participation aux frais) se confirme pour une partie du public. Premiers mouvements d’humeur. Claude Alemagna tente de déminer : « Nous avons souhaité marquer une frontière entre l’utilisation d’intérêt local, que nous soutenons en patronnant les associations, et l’utilisation d’intérêt lucratif. »

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19h25 Jacques Rebière, conseiller d’opposition aux faux airs d’Arnaud Montebourg propose une « suspension de séance pour écouter les représentants des associations présents ». Avant de se lancer dans la lecture d’une « liste de remarques que nous avons recueillie » : il y en a 22 ! De la caution à la précision du patronage, en passant par l’utilisation de la cuisine. Le maire écoute enfoncé dans son fauteuil, visage fermé et bras croisés. Un DRH qualifierait cette attitude de défensive…

19h35 Jacques Rebière conclut, enflammé : « Je finis par une confidence : quand j’entends le mot culture, je ne sors pas mon revolver ! » Indignation dans la majorité et une partie du public.

19h36 Dans la foulée, Claude Alemagna tranche : « Ce que je veux que vous reteniez, c’est l’idée de patronage de la commune, qui consiste à mettre son logo sur les affiches des manifestations. C’est soit ça, soit nous montrer les comptes. Les associations transparentes seront patronnées, celles qui veulent leur indépendance ne le seront pas et paieront 1 500 euros, comme pour les séminaires ou les mariages. »

19h48 Brigitte Grivet et André Fito, conseillers d’opposition, tentent à plusieurs reprises d’intervenir. En vain. Le maire est parti dans un monologue et les reprend avec arrogance.

19h52 Claude Alemagna reconnaît que sa relation avec Les Lundis de Saint-Ferreol est à l’origine de la convention. L’occasion pour lui de tirer à boulets rouges sur l’association ! Les crimes de lèse-majesté de ses membres ? Avoir refusé « [sa] proposition d’ouvrir leur conseil d’administration à deux élus de la majorité » (sic), « que la mairie prenne en charge les frais de leur dernière soirée » et « de montrer leurs comptes ». « Ah ça, on le savait pas », pérore une septuagénaire en se tournant vers deux autres mégères. Avant de rabattre son caquet. Les comptes ont bien été fournis, mais ne satisfont pas le maire. « Je veux bien les voir », demande Jacques Rebière. Après consultation, l’opposant s’étonne : « Quel est le problème ? Vous voudriez qu’ils soient certifiés par un commissaire aux comptes ? »

20h05 Vote : 22 voix pour, 7 contre. Conclusion du maire : « Et vous avez la prétention de gérer les biens communaux ? » « Chantage ! », gronde André Fito, « Démagogie ! », un spectateur (1).

20h11 Malgré une nette baisse d’intensité, l’empoignade se poursuit avec le vote des tarifs de location de la salle et les montants de la caution (2 000 euros). Curieusement, le public reste toujours aussi passif. Question d’âge ?

20h25 Renée Vignal, élue aux Affaires sociales, achève la lecture de la délibération 6, « Foyer logement (3e âge) : création d’un établissement public autonome ». Masque de mère supérieure accablée par les malheurs du monde, la conseillère de la majorité pose son visage sur ses deux mains jointes en prière, coudes et poitrine sur la table.

20h41 Nouveau « chantage » du maire à l’occasion du vote, que l’oppositon boycotte pour cause « d’illégalité » : « Ca va être interprété. Je m’inquiète de ce que vont en penser les personnes âgées… » Aucune réaction dans la salle.

20h44 Minaudage de Claude Alemagna : « Mon adjointe à la Jeunesse me fait ses beaux yeux, car ce soir il y a une manifestation culturelle de qualité. On va faire vite. » La septuagénaire, visiblement pas fan des « Feux de l’amour », hurle : « Micro ! »

20h55 Des applaudissements concluent l’accord de principe du rachat pour 3,3 millions d’euros, voté à l’unanimité, du monastère Saint-Michel.

21h00 La moitié de la salle a déserté. Claude Alemagna attaque « quelques rajouts et les questions orales ». Côté « rajout » notable : le recrutement d’un contrat aidé pour le CLAS (2). « C’est un contrat de 12 mois et 26 heures par semaine qui coûte très peu cher à la collectivité », se réjouit Karine Mangin, adjointe à l’Education. Mais « très » précaire pour l’intéressé.

21h12 Côté « questions orales », c’est la fête d’André Fito : le conseiller d’opposition, qui butant sur quelques mots, fait face à une majorité méprisante. En vrac, au milieu de nombreux ricanements : « Oh non ! », « De grâce ! », « Quelle heure il est ? »… Claude Alemagna en particulier : « Vous voyez ce que je veux dire quand je parle de basket ? » Si le public encore présent apprécie bruyamment, la septuagénaire en tête, les colistiers du garagiste beaucoup moins. Dominique Deshaye, jusque-là muette sort d’un coup de son silence : « C’est inadmissible de parler comme ça ! Si ça vous dérange, vous pouvez partir ! » La suite est plus tranquille pour le socialiste.

21h30 Alors que ses deux copines plient bagages, une des trois mégères gémit : « J’ai du mal à me lever. »

21h41 André Fito prend sa revanche. Un peu trop cachottier avec son opposition, Claude Alemagna a été sommé par la Commission d’accès aux documents administratifs de lui fournir ceux qu’elle réclame (des factures, notamment). Une fois de plus, le maire joue le mépris et la mauvaise foi : « Je vous ai demandé de participer au travail ou de payer les heures supplémentaires des agents. » André Fito s’amuse : « C’est illégal, vous devez respecter la décision ! »

21h42 L’UMP lève la séance, éternel : « Merci pour ce conseil extraordinaire et à bientôt ! » Un homme massif s’approche et l’apostrophe : « Vous m’aviez promis l’autorisation d’installer mon snack sur le parking il y a neuf mois ! Vous ne tenez pas votre parole ! » Nettement moins superbe, Claude Alemagna s’éclipse rapidement.

Jean-François Poupelin

(1) La préfecture a été saisie par l’association qui conteste l’instauration de la convention. (2) Contrat local d’accompagnement à la scolarité.

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