Madame le maire

novembre 2008
Marie-Josée Roig s'est retrouvée maire d'Avignon sur la base d'un compromis, à droite, qui devait être provisoire. En 2014, à la fin de son 3ème mandat, elle aura dirigé la ville durant presque 20 ans.

Marie-Josée Roig a d’ores et déjà battu un record. Jamais avant elle un maire n’avait été élu à trois reprises en Avignon. « Elle a déjà fait un mandat de trop, celui-là va être catastrophique. » L’amabilité est signée Alain Dufau, sénateur, conseiller général et conseiller municipal UMP. Son inimitié avec Mme le maire, UMP elle aussi, date de 1995. Après avoir tenté, en vain, de s’emparer du Conseil général, Alain Dufau espérait que Marie-Josée Roig, fraîchement élue en mairie, lui cède son fauteuil. Mais la petite prof de lettre, sur laquelle personne n’aurait durablement parié, a très vite pris goût au pouvoir et n’a jamais voulu céder sa place. « Elle fait de plus en plus de coups, d’effets d’annonces, mais ne va jamais jusqu’au bout des dossiers. Dans son mode de gouvernance, elle est de plus en plus égoïste », assène Alain Dufau. Dernier effet de manche : la volonté de Mme le maire de construire sur l’Ile Piot, une grande salle de spectacle et de répétition à l’image de « l’opéra de Sydney ». « Elle avait déjà affirmé qu’elle projetait de compléter le pont d’Avignon en verre ou en bambou comme le pont de la rivière Kwaï. C’est disproportionné. La consommation électrique de l’opéra de Sydney équivaut à une ville de 25 000 habitant. En plus, l’Ile Piot est inondable ! », s’indigne Michèle Fournier-Amand, tête de liste PS aux dernières municipales. Marie-Josée Roig l’a emporté avec 51,88 %. Elle avait obtenu, en 2001, 63,61 %, écrasant Elisabeth Guigou et mettant ainsi un terme au parachutage de celle qui était alors ministre de la solidarité et de la ville. Mme le maire, qui aime se présenter comme une femme de terrain, a elle aussi eu droit à son portefeuille ministériel. Ses passages éclairs comme ministre de la famille et de l’enfance, durant 9 mois en 2004, et ministre déléguée à l’Intérieur, durant six mois en 2005, n’ont guère laissé de souvenirs.

« Le maire vit dans son univers, repliée sur elle-même. La démocratie participative est factice en Avignon. Les conseils de quartier se réunissent une fois l’an et sont complètement bidons », déplore Jean-Luc Fauche, président de la Maison alternative et solidaire. « Combien de fois le maire a-t-elle fait une réunion publique dans les quartiers en dehors des élections ?, interroge Abdel Zahiri, de l’association AJCREV (Alliance de la jeunesse contre le racisme, l’exclusion et la violence). Elle ne vient pas, pas plus que les autres élus, pour ne pas être confrontée à son impuissance. » Chiraquienne historique – c’est à Avignon que l’ancien président de la République avait annoncé en 2002 sa candidature aux présidentielles – Marie-Josée Roig ne se déplace pas dans toutes les banlieues de la ville mais aime, comme le grand Jacquot, aller au contact de ses électeurs. « Elle est l’émanation du milieu commerçant. Tous ses projets ont pour finalité de les avantager », juge Jacques Fortin, le responsable local de la LCR.

Quels souvenirs laissera-t-elle dans sa ville ? Peu nombreux pour son opposition qui lui concède tout juste d’avoir réussi l’aménagement des berges du Rhône. « Tout le monde pensait que Marie-Josée Roig était incapable d’être maire lorsqu’elle est arrivée aux responsabilités, note André Castelli, conseiller général PCF. Elle a prouvé qu’elle était capable de gérer la ville. Mais pour elle, la viabilité d’Avignon passe par la financiarisation à outrance des politiques publiques. La ville est quasiment privatisée. » Martine Gras du Collectif contre les inégalités et les exclusions est encore plus lapidaire : « le maire veut chasser ses pauvres ». Sans les divisions de la gauche, entre ses différentes sensibilités et à l’intérieur de chaque formation politique, une alternance aurait été possible en mai dernier. Pour quelle alternative ? Marie-Josée Roig est toujours aux commandes. Elle soufflera sa 76ème bougie, en 2014, à la fin de son mandat.

Michel Gairaud

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