Martigues, conseil municipal du 23 septembre 2005

octobre 2005
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

17H58. Après une minute de silence en hommage à une ancienne élue disparue – tous les conseillers municipaux se mettent debout pour se recueillir – l’ambiance reste ensuite dans le registre funéraire. Tout le monde s’ennuie ferme. Paul Lombard, le maire – 78 ans, réélu sans faillir depuis 1969 – se cache derrière son micro et murmure les points à l’ordre du jour.

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18H09. Quelqu’un a la bonne idée d’augmenter le son. A la délibération N°23, frémissement. Les deux élus de l’opposition membres de la Gauche citoyenne s’abstiennent. Ce sont eux qui, de coutume, assurent le spectacle. En avril dernier, le tribunal administratif leur a donné gain de cause en annulant deux dispositions du règlement intérieur du Conseil municipal : la première limitait le temps de parole à 3 minutes par groupe d’élus…

18H30. Les cinq élus UMP – qui votent en silence toutes les délibérations – semblent scruter les mouches au plafond. Pourtant, nous sommes formels, il n’y en a pas ! Un conseiller municipal PCF retardataire, Patrick Cravero, crée un peu d’animation en prenant place sur son siège.

18H33. Le rythme s’accélère. Premier amendement défendu par Anne-Marie Fruteau de Laclos, pour la Gauche citoyenne. Il porte sur la réalisation d’un complexe de thalassothérapie hôtellerie à Sainte-Croix. En résumé, elle est pour cet équipement mais déplore l’absence d’une véritable prise en compte des précautions environnementales. « Nous regrettons que vous persistiez dans une attitude rétrograde et irresponsable », déplore-t-elle. Le terme « rétrograde » déclenche une franche hilarité dans les rangs de la majorité. « Nous votons contre », conclue après cinq minutes d’intervention Fruteau de Laclos. « Nous n’en doutions pas », rétorque un maire auquel cette mise en jambe semble avoir redonné du mordant.

18H41. Les élus UMP scrutent maintenant la moquette. Couleur marron, comme le tissu qui recouvre les sièges et décore les murs. Surprise ! La Gauche citoyenne reprend la parole. Cette fois-ci c’est Christian Caroz qui s’y colle. Son amendement porte sur l’enquête publique au sujet de l’installation d’une déchetterie au Vallon du Fou. Ce projet, affirme-t-il, présente de « graves lacunes en matière environnementale ». Puis il se lance dans une longue démonstration où il est question « d’alvéoles de stockage », de « biogaz », et du « Saint Esprit ». Très vite, c’est la kermesse. D’emblée, Paul Lombard se lève et discute avec un adjoint. Jean-Claude Cheinet, adjoint PCF à l’environnement, s’exclame : « apprenez à lire plutôt que de nous faire une grande leçon sur les déchets. » A l’autre bout de la salle, Henri Cambessedes, délégué PCF à la vie associative, répond en écho : « ce n’est pas une leçon, c’est un réquisitoire contre Martigues ! ». Imperturbable, Christian Caroz poursuit la lecture de son texte. Le micro siffle, plusieurs adjoints quittent la salle. Mario Lombardi, délégué PCF « aux travaux dans les quartiers » (sic) se contorsionne au dessus de l’épaule de Caroz pour essayer de voir combien de feuillets il lui reste à lire. L’intervention est désormais totalement inaudible.

18H55. Fin de la prise de parole de Christian Caroz, soit près de 15 minutes ! « Comme démagogue, on ne fait pas mieux », conclut le maire. Et de menacer, cinglant : « vous êtes tous les deux ingénieurs de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) ? Je vais écrire à votre directeur pour lui demander si c’est lui ou vous qui avez raison concernant ce dossier. »

19H01. Un élu UMP enlève le capuchon de son stylo.

19H02. Soudain – superbe performance – Anne-Marie Fruteau de Laclos, pour la Gauche citoyenne, reprend la parole. A priori, son nouvel amendement est consensuel : elle approuve, dans le cadre du projet Fos 2XL, l’extension d’un pôle conteneur. Mais souhaite que l’accent soit mis sur les infrastructures ferroviaires et fluviales pour absorber l’extension prévisible du trafic. Seulement, il y a un hic : la conseillère se lance à son tour dans un long exposé. « Soyez concise, lisez simplement votre amendement », gronde le maire. Le brouhaha est total.

19H05. Plus de son. « Vous n’avez pas le droit de me couper le micro ! », proteste Anne-Marie Fruteau de Laclos.

19H05 et 10 secondes. Le son est miraculeusement rétabli.

19H06. La conseillère d’opposition continue sur sa lancée. Henri Cambessedes, PCF, l’interpelle, exaspéré : « vous n’avez donc personne qui vous écoute pour transformer tous les conseils municipaux en tribune ! »

19H07. Pas si fatigué, le grand-père ! Paul Lombard tonne : « vous avez obtenu gain de cause sur le temps de parole au tribunal mais je vous rappelle que j’ai autorité pour faire régner le calme dans cette assemblée ! Maintenant, lisez votre amendement ! »

19H09. Anne-Marie Fruteau de Laclos, la voix mouillée, termine son intervention. « Je vais vous étonner, réprimande le maire. Nous étions disposés à voter pour votre amendement. Compte tenu de votre attitude, j’appelle l’assemblée à voter contre. » Ce qui est fait.

19H15. La séance est levée. Les élus UMP peuvent enfin regagner leur maison. Dans le public, une habituée des lieux commente : « c’était une édition classique. Comme d’habitude, les deux élus de la Gauche citoyenne contestent. Ils ont parfois raison mais leurs attaques sont trop systématiques et finissent par ne plus être crédibles. C’est vrai que la majorité n’accepte pas toujours très bien le débat. Mais il faut reconnaître qu’il est souvent difficile de les attaquer. La ville est bien gérée. »

Michel Gairaud

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