Martin guerre

novembre 2004

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Jérôme Rivière n’est ni énarque, ni avocat, ni détaché de la fonction publique, ni même cumulard. En politique, la chose est assez rare pour mériter d’être soulignée. Jérôme Rivière est chef d’entreprise : il est donc ultra libéral. Et s’il ne cumule pas les mandats, c’est moins par vertu que parce qu’il a été battu lors des dernières cantonales. Il espère bien prendre sa revanche aux prochaines municipales, mais chut… il est trop tôt encore.

Jérôme Rivière a lentement fait son trou, d’abord à l’ombre de François Léotard, puis à celle de Charles Ehrman, qui lui a légué en 2002 sa charge de député. Bien qu’élu, Jérôme Rivière aimerait être reconnu. Pour pallier ce déficit d’image, il s’affiche. Partout, et d’abord sur son site Internet (1), où il apparaît sur 128 photos : avec des vieux, des pompiers, des boulistes, d’autres élus plus illustres, des footballeurs, d’autres vieux, des ministres, des fausses blondes, encore des vieux…

A défaut de pouvoir ainsi s’afficher à l’Assemblée nationale, Jérôme Rivière questionne, de façon compulsive. En un peu plus de deux ans, il a déjà interpellé 523 fois des ministres du gouvernement. Il est vrai que ces questions, relayées par la presse locale, sont un très bon moyen de faire parler de soi et d’être reconnu. Les propositions de loi en sont un autre. Ainsi, sur la laïcité, Jérôme était partisan d’interdire le port du voile « à toute personne investie de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public dans l’exercice de ses fonctions. » Un autre jour, il cherche, sans plus de succès, à rendre obligatoire l’enseignement de la Marseillaise dans les écoles primaires. Ou encore, à protéger les mineurs contre la pornographie à la télévision. Pour s’en faire une idée, il regarde avec assiduité les programmes de canal + le samedi soir et se déclare choqué quand il tombe sur « un couple masculin en train de pratiquer toutes sortes de choses », y voyant une « promotion de l’homosexualité ».

Jérôme Rivière est obsédé par le « politiquement correct », auquel il cherche à tout prix à échapper. Il est donc contre ce qui est pour et pour ce qui est contre. Contre le veto français à la guerre en Irak, contre la Constitution européenne ou l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Mais à l’heure où la France fait des courbettes devant la Chine, il défend courageusement Taiwan. Pourtant, au moment de voter, à l’Assemblée, il rentre dans le rang. Il n’a jamais voté contre. Quand il a des doutes, il s’abstient, par exemple sur les retraites ou l’assouplissement des 35 heures. Ne vous y fiez pas : il ne cherche pas par là à protéger des acquis sociaux, mais reproche au gouvernement de ne pas aller assez loin dans leur démantèlement. Jérôme Rivière sait rester un bon petit soldat de l’UMP.

Rien d’étonnant à cela : l’armée, c’est son dada. Membre de la commission de la défense, vice-Président du groupe d’études sur l’industrie de l’armement, membre titulaire de la délégation française à l’OTAN, il est intarissable sur les porte-avions, nucléaires de préférence. Et lorsqu’il affirme, martial, que « La période du “Garde à vous, fixe !” derrière le chef est révolue », ce n’est nullement un appel à l’insubordination, dans les casernes ou les travées de l’Assemblée, mais c’est de Chirac qu’il parle, et de lui seul.

Car Jérôme Rivière n’est pas chiraquien. A l’Assemblée, il siège tout à droite de l’hémicycle, et c’est là qu’il faut chercher ses vrais amis. Là, et dans la Droite libre, le groupuscule « décomplexé » qu’il préside et grâce auquel il entend lutter contre le « consensus mou ». Sur son site (2), et plus particulièrement sur le forum, quelques internautes s’y employaient, disséminant ça et là quelques propos nauséeux, sources d’une violente polémique avec le MRAP. Le forum depuis a été expurgé de ces « dérapages », pas totalement néanmoins, puisque Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, y est encore surnommé « Coffee Banane ». La Droite libre est comme ça : elle ne respecte rien et ne connaît que deux grands hommes, véritables phares de la pensée : Alain Madelin et… Ronald Reagan.

Résumons-nous. Ultra-libéral, bien à droite, contre les intellectuels et les syndicats : Jérôme Rivière ferait un parfait candidat pour la mairie de Nice.

Edgar Rossignol

(1) www.jerome-riviere.fr (2) www.ladroitelibre.com/site [Cette rubrique tente, s’inspirant modestement des Caractères de La Bruyère, d’esquisser en quelques grandes lignes un portrait subjectif de nos députés ou sénateurs, non pas tant à partir de leurs paroles, que de leurs actes au sein des Chambres.]

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