Menton, conseil municipal du 16 février 2009

mars 2009
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

« La crise, c’est quand même mieux qu’une guerre » 03rv61trax_maire.jpg 18h00 Le Jardin des lumières, animation phare de la 76e Fête du citron, ferme ses portes sur ses kitchissimes sculptures d’agrumes. Faute d’animation ce lundi soir, le centre ville s’éteint tranquillement.

18h36 L’entrée dans la salle du conseil de Jean-Claude Guibal, maire UMP de la capitale du citron, met instantanément un terme au chahut. Costard antracite, lunettes discrètes et coupe à la Valéry Giscard d’Estaing, sa première passion politique, le député sourit en ouvrant la séance : « Quel silence ! »

18h43 Délibération 1, débat d’orientation budgétaire. « Après quelques diapositives commentées, je vous donnerai la parole », annonce le député-maire d’une voix grave. Tourné vers un écran qui affiche des graphiques presque illisibles, Jean-Claude Guibal insiste sur le « contexte difficile ». « Une phase creuse du cycle économique, résume l’ancien énarque. Les gens disent que c’est grave mais quand même mieux qu’une guerre. » Il cite Keynes – « Si j’épousais ma cuisinière, le PIB national baisserait » – mais en bon chiraquien converti au sarkozysme louange le président : « La relance par l’investissement redonne confiance aux banques sans appauvrir le gouvernement… »

19h05 Regard tourné vers le plafond très rococo de la salle du conseil, Jean-Claude Guibal cherche l’inspiration pour lancer la présentation de son budget 2009. En vain : débit posé et technocratique, le député-maire annonce une gestion évidemment saine, trois grands projets (musée Cocteau, rénovation de l’Hospice Saint-Julien, mise aux normes de la station d’épuration), puis bredouille : « Pendant douze ans, nous n’avons pas augmenté les impôts locaux. » Une hausse est donc à prévoir…

19h12 Au dernier rang, enfoncé dans son fauteuil, Michel Rideau, élu de la liste « Menton démocratie » (PS), machouille un chewing-gum.

19h30 Jean-Louis Guibal conclut face à une assistance à moitié assoupie : « J’ai été un peu long et pas forcément très clair. Il n’y a rien de très original, les objectifs sont les mêmes que les années précédentes. »

19h31 Parole à l’opposition. En l’absence de Pascale Gérard, chef de file des socialistes, Michel Rideau s’y colle. Visage fatigué égayé par des demi-lunes, le conseiller se relève légèrement, commence par dénoncer « un système libéral à bout » et ironise d’une voix puissante à l’accent marqué : « Vous-même ici, il y a peu, poussiez à la création de fonds de pension ! » Et de s’attaquer au budget : « Fin des CDD à la mairie, gel des subventions, pas de médiathèque, le logement disparaît, 9 millions d’euros pour rénover un hospice qui accueillera 50 élèves de Sciences po… » Conclusion : « Vous faites de Menton une ville bling-bling ! »

19h45 Après quelques nouvelles secondes passées à admirer le plafond, l’ancien énarque lâche, profond : « Même si cette crise est jugulée, je suis certain que dans 20 ans nous en connaîtrons une du même type. » Commentaire d’un Mentonais : « Il est très fort ! »

19h52 « Effort massif ?! » Charly Julien, jeune conseiller socialiste, s’étrangle face à la promesse de Jean-Claude Guibal de « poursuivre [sa politique] sur le logement. »

19h55 Fin du débat d’orientation budgétaire. Josette Filippi, conseillère UMP, sort du bois et persiffle : « Concernant les associations, nous on sait où va l’argent public. A Marseille, certains de vos amis sont cités et mis en examen…» L’opposition feint d’ignorer la pique sur l’affaire de détournement de subventions qui secoue le Conseil régional du socialiste Michel Vauzelle. Et oublie que la mise en examen pour prise illégale d’intérêt et faux de Gérard Grosgogeat, maire UMP de Villefranche-sur-Mer et suppléant de Jean-Claude Guibal à l’Assemblée nationale, aurait pu être un autre exemple intéressant de la bonne utilisation de « l’argent public » (1)…

20h16 Voix chevrotante, un vieux Mentonais installé dans le public interpelle Jean-Claude Guibal. Petite réprimande : « Cette intervention s’est faite dans le cadre d’une interruption de séance désormais terminée. » L’ancien énarque tient visiblement au protocole.

20h25 L’accélération fulgurante dans l’ordre du jour est stoppée à la délibération 11 (attribution du marché de pièces détachées pour les véhicules municipaux au concessionnaire Renault de Menton). « Je ne vote pas ! Les tarifs indiqués en commission sont supérieurs à ce qui se fait ! Pour toute réponse, Madame Giudicelli (2) a affirmé que les patrons doivent faire leur marge ! », peste Michel Rideau. Qui menace : « On va aller au tribunal administratif. On gagne toujours… »

20h33 Anne Mathé de Botton,conseillère socialiste, ponctue son intervention concernant « le rapport annuel sur le prix et la qualité du service de l’eau » (délibération 13) par une demande de remunicipalisation… et un joli tacle glissé : « Monsieur le maire, j’aimerais que vous mettiez la même énergie dans ce dossier que celle que vous avez mise pour faire chanter La Marseillaise à nos sportifs. » Des « Ohhhh ! » outrés montent de la majorité. Mielleux, Jean-Louis Guibal interroge : « Vous la chanteriez, vous ? » L’élue PS tombe dans le panneau : « Oui. »

20h48 Le député-maire rigole : « Nous allons passer aux questions écrites… Y’en a une belle volée ! »

20h53 Charly Julien et Jean-Claude Guibal s’empoignent sur l’interdiction faite aux lycéens de Paul Valery d’utiliser un stade flambant neuf. « Il y a des réclamations des parents d’élèves et des voisins et certains élèves ne sont pas respectueux… », argumente le député-maire. « Avant de les enfermer ! », s’énerve le jeune élu. Nouvelles exclamations outrées dans la majorité.

21h03 Retour d’un vieux dossier : l’audit de l’Office de tourisme. La commission d’accès aux documents administratifs vient de demander sa communication à l’opposition. Jean-Claude Guibal résiste : « Nous accompagnons notre appel du document (…) C’est loyal. » Et à l’attention de Marylène Negro, qui a formulé la requête : « Un jour, je vous expliquerai tout ça, mais ça ne mérite pas de publicité. » La jeune femme ne désarme pas : « Si vous êtes si sûr de vous, pourquoi ne portez-vous pas plainte ? » L’ancien chiraquien, grand seigneur : « Nous ne sommes pas comme ça. » Ca dépend ! En 2004, le député-maire a assigné le Ravi pour diffamation. Le tribunal administratif de Nice a débouté Jean-Claude Guibal soulignant « le sérieux de l’enquête » qui portait sur des avantages surprenants accordés par le maire à un promoteur…

21h10 Jean-Claude Guibal clos le conseil égal à lui-même, très poli : « Merci de votre participation et bonne soirée. » Josette Filippi l’est moins. Le visage grave, la conseillère UMP montre aux socialistes les coupures de La Provence évoquant l’affaire des subventions fictives. Ils ne s’attardent pas…

Jean-François Poupelin

1. Gérard Grogogeat a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende le 20 février pour avoir attribué à la veille des municipales un marché de 23 100 euros à une entreprise gérée par son fils. Ce dernier a remboursé.

2. Femme et première adjointe de Jean-Claude Guibal. Elue sénatrice en septembre, elle n’a toujours pas démissionné comme l’impose la loi…

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