Moi, Hugues Parant Marin-pompier en chef

février 2011
Fana de nautisme et petit jeune de la préfectorale, Hugues Parant, ancien préfet du Vaucluse puis du Var, accomplit le rêve de tout garçon qui se respecte : devenir pompier en chef, en prenant la direction de la préfecture des Bouches-du-Rhône et de Paca.

« Cher journal,

Grande surprise aujourd’hui ! N. [Nicolas Sarkozy, NDLR] m’a appelé. Il m’a dit qu’il m’avait nommé préfet de Paca 😀 !!!! (1) Je n’en suis toujours pas revenu !

Il paraît que ça fait déjà des jaloux : « À la tête de l’un des plus beaux postes de la République », je « grille la politesse à plusieurs de [mes] pairs qui lorgnaient la place (2) ». Ils n’avaient qu’à être jeunes et talentueux LOL (3) !! Pour devenir préfet à 54 ans de la deuxième région de France, bastion de l’UMP et du FN, lieu de villégiature des présidents et des people, il faut être doué. 😉 (1)

Doué, et aussi un peu policier et un peu pompier. C’est marrant cette manie de N. de nommer à la préfecture de région des anciens préfets de police de Marseille. Il l’avait fait avec le vieux S. [Michel Sappin, ancien préfet de la région Paca, prédécesseur de Hugues Parant, NDLR], aujourd’hui, c’est moi. Faudra que je surveille S. [Bernard Squarcini, directeur central du renseignement extérieur (DCRI). Il a été préfet délégué à la sécurité et à la défense en Paca, NDLR], si ça se trouve, un jour, il se fera débarquer de la DCRI pour me piquer mon fauteuil !

« Merci aux 23 morts sans qui tout cela n’aurait pas été possible ! »

Ce qui compte, c’est que je connais bien le terrain. Préfet du Var depuis un an et demi, ça blinde ! N. avait limogé mon prédecesseur pour avoir renoncé à imposer le tout-à-l’égoût au Cap Nègre, chez sa belle-mère. Heureusement, depuis lors, N. a un peu levé le pied sur ce dossier sinon ça aurait pu chauffer pour moi. Mais grâce à ça, un sans-faute ! Les incendies, les inondations, les émeutes à Fréjus, la protection de la vie privée de N. quand il prend ses vacances… Les riches, les pauvres, la violence et l’eau et les flammes, je sais tout ce qu’il faut savoir de la Provence ! Y’a que le foot peut-être, et encore !… En 1998, durant la Coupe du monde à Marseille, je faisais les tournées avec mes flics avant les matches (4).

Ce qui m’a fait remarquer, dixit la presse, c’est ma « bonne gestion » des inondations de Draguignan. Merci aux vingt-trois morts et aux équipes techniques de la sous-préfecture, sans qui tout cela n’aurait pas été possible ! Grâce à vous, j’arrive à un poste où c’est la crise tout le temps, je vais pouvoir donner ma pleine mesure ! La ligne LGV vers Nice engluée par un tracé qui longe la Côte pour moitié plus cher, l’urbanisation des campagnes, les pollutions intensives, la désindustrialisation, le tout-tourisme, les incendies, les trafics de drogues, le grand banditisme, les violences urbaines, les métropoles contre les communes irréductibles, les déchets, la corruption… N’en jetez plus !!

Je ne sais pas si j’aurai le temps de mener à bien toute ma tâche, cher journal. Quatorze postes en 28 ans de carrière, à ce train-là je remonte à Paris fin 2012 pour devenir secrétaire général de l’Élysée. D’un autre côté, S., il est bien resté trois ans en poste à Marseille alors qu’il passait son temps à tacler les élus en ne disant que des choses vraies…

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« Je suis frappé par le côté dépressif de Marseille »

Alors c’est vrai que sur les métropoles, S. et moi on dit pareil : il faut les faire, ce sont des réalités pratiques et historiques. Mais pas de danger que je les braque, moi, les élus locaux. Oah bon, d’accord, je fais parfois un peu de provoc’, mais c’est uniquement « pour faire avancer les choses (5) ». En plus, j’ai déjà fait le grand tour de la région : préf’ du Vaucluse, du Var, et maintenant des Bouches-du-Rhône !

Et faut voir ma technique varoise : tournée des popotes à l’arrivée, un petit mot gentil pour chacun, ça met de l’huile dans les rouages. Et puis, avec ma voix grave, ma carrure et mon bronzage de G.O. planche à voile du Club Med Baléares 86, « passionné de mer et de sports nautiques » (4), j’ai de quoi en imposer aux petits barons et à leurs rombières. Surtout que l’économie et l’emploi, c’est mon dada.

Contrairement à S. mais comme F. [Christian Frémont, lui aussi ex-préfet de Paca, actuellement directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, NDLR], j’aime les tables rondes pour les entreprises en crise. Et entre le port, la pétrochimie à Fos et la R&D sur la Riviera, je ne vais pas avoir le temps de chômer. Si j’arrive à trouver deux minutes pour éviter qu’Iter fasse exploser les prix à Manosque ou que Marseille-Provence 2013 implose avant son ouverture, ce sera pas mal non plus.

Je vais vite, je prône l’efficacité avant tout, « très exigeant envers [moi]-même et donc envers les autres (4) ». Parce que je ne suis pas aidé. Quand je vois les gens à Marseille, je suis « frappé par le côté dépressif de la ville (6) ». C’est vrai quoi : avec 17 % d’habitants sous le seuil de pauvreté et l’OM comme unique ciment social, y’a vraiment pas de quoi s’inquiéter.

De l’optimisme, de l’allant quoi !! Ensemble, tout devient possible, oui ou non ? J’ai pas entendu ta réponse, là, cher journal ?! »

(1) C’est du langage « smile » et jeune. Tant pis pour les non-initiés !

(2) www.jdd.fr du 17 octobre 2010

(3) LOL, « Laughing out loud », « rire au éclats », très employé comme acronyme sur internet.

(4) Marseille l’Hebdo du 16 novembre 2010.

(5) La Provence du 10 novembre 2010.

(6) 20 Minutes du 9 novembre 2010.

Par Buanaparte

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