Moi, Michel Vauzelle L’olivier cultive son pot

juin 2010
Et c'est parti pour un troisième tour ! Michel Vauzelle a terrassé une nouvelle fois le dragon UMP, fédéré ses alliés indisciplinés sans leur concéder grand chose... Mais quel est donc son secret ?

Et un ! Et deux ! Et trois Mi-chou ! Eh bien oui, quand je veux, je sais me départir de mon flegme british, mon humour pince-sans-rire et ma diction-d’avocat-j’articule-toutes-les-syllabes. Généralement c’est à Arles pendant la feria, et puis une fois tous les six ans quand j’écrabouille la droite aux élections, dans une région bourrée jusqu’à la gueule d’électeurs de Sarko et de Le Pen.

Mon secret ? D’abord je cache bien que je suis socialiste : pas un logo PS sur mes affiches, pas une prise de position pour Martine ou pour Ségo. Tous ces trucs-là, moins on y est, mieux on se porte ! Ensuite, je me donne un style révolutionnaire : mort à l’ultra-capitalisme, à l’Ancien régime, vive vous et moi, « les gens de peu » (1). J’ai été biberonné toute ma vie par Defferre et Mitterrand, alors j’applique à la lettre leur tactique : tu gagnes l’élection à gauche et après, tu gères au centre !

Parce qu’attention, je fais pas dans le gros rouge qui tache. Mon programme, c’est du bon socialisme gestionnaire : la gratuité des transports ? Fume ! L’arrêt des subventions à Iter ? Va mourir ! La fin des aides aux entreprises ? Et ta sœur, elle habite toujours Cuba ! ? Toutes les demandes phares révolutionnaires d’Europe-Ecologie et du Front de gauche, je les ai refusées. Fallait voir la tête de Vichnievsky au lendemain de notre « alliance de l’olivier ». Les cocos et les écolos, je les ai tondus, de vrais petits moutons !

« Je ne remercierai jamais assez la droite »

Bon c’est vrai que c’est pas uniquement grâce à moi : un peu Mennucci aussi. Ségolin, j’ai beau l’avoir pris en grippe, je le prends comme directeur de campagne, y’a pas mieux. Il sait sentir le vent. Au début, on bottait en touche sur le chômage : « C’est la compétence du gouvernement ». Mais quand on a vu les sondages disant que c’est la première préoccupation des électeurs, on vire sur l’aile et on dégaine un plan pour financer 10 000 emplois par an, avec 600 millions d’investissements : 60 000 Euros annuels par emploi, quand on aime, on compte pas !

Et puis je ne remercierai jamais assez la droite, sans qui rien de tout ça n’aurait été possible. Remettre le FN en selle avec le débat sur l’identité nationale, se dire écolo en soutenant Iter, mettre en première ligne une courge comme Mariani, qu’a jamais mis les pieds au conseil régional en six ans de mandat, trop sympa les gars, n’en jetez plus !

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, mais pour moi l’essentiel, c’est de vaincre. Pas question de prendre le moindre risque en débattant avec mon challenger. Même le débat du Ravi, Ségolin l’a séché. On veut bien faire de la démocratie participative durant six ans, mais pas pendant les élections. De toutes façons, le débat permanent avec la population, c’est moi qui l’ai inventé. Avant que Ségo me pique l’idée, « on appelait ça la méthode Vauzelle » (2). « Plus de 1 000 heures de débat par an » (1), sur tout et n’importe quoi : le tourisme, la santé, l’aménagement du territoire, les relations Nord-Sud, la résistance régionale à l’ultra-capitalo-libéralisme-mondialisé, la gestion des lignes de TER…

Et les résultats sont là : rien que sur les TER, 10 % de trains annulés, lanterne rouge de toute la France. La faute à la SNCF, qui me donne pas assez de cheminots ! ! J’ai beau hurler, rien ne change, je ne sais plus quoi faire. Tellement que j’en parle même pas dans mon programme. Pourtant, y’aurait intérêt à mettre le turbo, si je veux atteindre mes objectifs de réduction des gaz à effets de serre en 2020. Mais bon, ça sera pour le prochain mandat, si entre-temps on nous a pas supprimé la région en 2014.

vauzelle_bis.jpg

« Je vais pouvoir pérorer sur la politique spatiale chinoise »

D’ici là, on va débattre à fond, et puis peut-être qu’on aura le fin mot de l’histoire sur les détournement de subventions de la région par des asso bidons des quartiers Nord. Mon ex-dircab’ et mon ex-directeur général des services sont mis en examen, on soupçonne 700 000 Euros de détournement en un an et demi. C’est moi qui avait alerté le parquet en 2007, et depuis je n’en sais toujours pas plus. Pour un ancien ministre de la Justice, c’est scandaleux d’être tenu comme ça dans l’ignorance ! Bon, le juge d’instruction a tout de même été sympa : il a mis personne en examen depuis novembre. Pas question de troubler les élections, le devoir de réserve dans l’administration, c’est sacré !

Avec tout ça, pour perdre la région, il aurait vraiment fallu le faire exprès. Donc merci à tous les électeurs de gauche et du FN qui ont pris la peine de se bouger, merci surtout à tous les électeurs de droite qui sont allés à la pêche. Pendant quatre ans, je vais pouvoir pérorer sur le grand capital et la politique spatiale chinoise, arriver une demi-heure en retard à chacun de mes rendez-vous, et casser du sucre sur le dos de l’Etat chaque fois qu’un de mes chantiers n’aboutit pas. Si tout se goupille bien, j’aurais aussi laissé ma trace dans le visage de Marseille avec ma « villa vauzella », une sorte d’équerre en équilibre au-dessus de la mer, dans la future darse du J4. Ce sera juste en face du Mucem, ça servira peu ou prou à la même chose, ça va coûter 50 millions d’Euros mais bon ce sera à la région alors que le Mucem il est à l’Etat. La résistance, l’opposition, toujours. J’ai quand même bien le droit de me faire plaisir non ?

Sans moi, y’aurait probablement pas de nouvelles voies TER vers Aix et Toulon, on serait toujours en retard pour l’énergie solaire, et les apprentis continueraient à payer de leur poche leur première trousse à outils. Et en échange, je vous demande même pas d’écouter mes discours jusqu’au bout, peuple de gauche ingrat !

Par Nicolas Lemartinier

Imprimer