Opération « mains propres » en Paca ?

décembre 2009

Des élus, des juges, des journalistes. Un cocktail qui s’avère parfois explosif. Côté justice, l’homme qui personnifie la vague d’affaires politico-judiciaires s’abattant sur la région Paca s’appelle Charles Duchaîne. Après s’être… déchaîné dans la principauté de Monaco, le voilà qui, depuis Marseille, envoie à l’ombre le maire divers droite de Beausoleil. Gérard Spinelli a passé Noël aux Baumettes dans le cadre d’une enquête pour « corruption passive et trafic d’influence ». René Vestri, le sénateur-maire UMP de Saint-Jean-Cap-Ferrat semble aussi avoir quelques soucis à se faire et peut être avec lui d’autres élus des Alpes-Maritimes…dossier_70.jpg

Le même juge instruit une information judiciaire contre X pour « atteinte aux marchés publics, trafic d’influence, détournement de fonds publics, corruption, prise illégale d’intérêts et blanchiment ». Là, aucune mise en examen, aucune garde à vue, mais un nom pourtant brandi dans les médias nationaux et régionaux : celui d’Alexandre Guérini, le frère du président PS du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Les gendarmes ont perquisitionné au siège de ses entreprises, à son domicile privé mais aussi dans les bureaux du CG 13 et de la communauté urbaine de Marseille. Alexandre a porté plainte pour violation du secret d’instruction. Jean-Noël a invité sa majorité à l’autoriser à entamer des procédures judiciaires contre la presse au nom du Département.

En théorie tout est simple. Les juges doivent faire respecter la loi. Les journalistes ont pour mission d’informer leurs lecteurs. En pratique, c’est plus complexe. Les premiers n’hésitent pas – pour la bonne cause ? – à violer le secret de l’instruction en organisant des fuites vers des journalistes. Ces derniers ne sont pas toujours soucieux de respecter la présomption d’innocence ni de détailler la différence entre information judiciaire, garde à vue, mise en examen et condamnation. Au nom de la lutte contre certains dérapages avérés des juges d’instruction, symbolisée par l’affaire d’Outreau, Nicolas Sarkozy a mis en route une grande réforme. Mais beaucoup la dénoncent comme une volonté de mettre sous tutelle gouvernementale la justice…

Cela dit, depuis fort longtemps, les juges offensifs contre les puissants ne sont pas légion. Et les médias disposés à ne pas caresser dans le sens du poil ceux qui détiennent un peu de pouvoir font rarement fortune. La recherche des « scoops », ces infos sensationnelles et inédites qu’on sort avant que tous les autres ne les reprennent en choeur, peut conduire à des abus. Mais trop de prudence mène aussi à l’asphyxie démocratique. Sur le fond, que nous indique cette fièvre politico-judiciaire ? Une petite histoire que le Ravi raconte depuis plus de six ans.

Juin 2005, dans le numéro 20 du mensuel « qui ne veut pas baisser les bras », dans un dossier intitulé « petit guide du clientélisme en dix leçons », nous écrivions par exemple : « La corruption est un échange fondé sur des prestations monétaires généralement à court terme, alors que le clientélisme présuppose une relation de longue durée entre élus et électeurs (…) Le clientélisme n’est pas illégal. Il est cependant clair que l’opacité qui entoure la gestion clientéliste fournit un terreau favorable pour le développement de pratiques de corruption. » (1) Mais ce n’est pas un scoop…

Michel Gairaud

(1) Dossier signé par Guillaume Hollard, Cesare Mattina et Gilles Mortreux. Lecture complète en ligne sur le www.leravi.org, rubrique « la grosse enquête ».

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