Pape Diouf, président de l’OM : l’Obama du ballon rond

décembre 2008 | PAR le Ravi
Seul président noir d'un club de l'élite du foot européen, le Sénégalais Pape Diouf a passé cinq année à la tête de l'Olympique de Marseille. Malgré l'absence de trophée, le départ de ses meilleurs joueurs et quelques rocambolesques péripéties.
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18h, mercredi 5 novembre 2008, La Commanderie. Costard Armani et Ray-Ban, Pape Diouf franchit les portes du centre d’entraînement de l’Olympique de Marseille en lançant des « Yes, we can ! » à la cantonade. Satisfait de sa trouvaille, le président de l’OM gagne tout sourire son bureau pour prendre son petit déjeuner. Il est plutôt soir que matin.

« Sans minimiser notre méritoire, méritée et indiscutable victoire d’hier soir contre la valeureuse formation du PSV Eidhoven, force est de constater que la nuit a été encore plus magique ! Un mulâtre à moitié Africain à la tête des Etats-Unis ! Quelle formidable leçon. A l’image, je dirais de celle courageusement infligée par Robert Louis-Dreyfus au monde du ballon rond en me nommant, en précurseur, il y a quatre ans, moi le petit Sénégalais débarqué en 1969 à Marseille pour embrasser une carrière militaire, manager général puis président du plus grand club de football de France du monde. N’en déplaise à certains, « l’OM n’est pas un éléphant aux pattes d’argile ! » (1)

Quelle emphase et quel style ! Imbitable ! Pour en revenir à nos moutons, j’avais dans ma calebasse quelques autres spécimens de maximes maternelles tous aussi délicieux à assener à ce guignol lyonnais d’Aulas à l’occasion de ces échanges inamicaux d’août 2006 au sujet du petit Ribéry : l’éléphant ne peut courir et se gratter les fesses en même temps ; qui avale une noix de coco fait confiance à son anus ; attends d’avoir traversé la rivière pour dire que le crocodile a une sale gueule ; quelle que soit la maigreur d’un éléphant, ses couilles remplissent une marmite… Mais il m’a paru plus judicieux de ne pas sombrer dans la vulgarité. Bien m’en a pris ! Les médias font depuis leurs gorges chaudes de mes déclarations et notre fabuleux et indéfectible public m’adule presque comme un dieu. Moi, je savoure désormais le couronnement d’une longue carrière que je qualifierais de professionnelle dans ma villa avec vue sur la mer dans le richissime quartier du Roucas Blanc. 1,3 millions d’euros payés cash ! (2)

Je m’emporte. Car je suis finalement « une anomalie sympathique » (2). Nonobstant le plaisir procuré par un confort certain, « je n’ai jamais été passionné par l’argent. » « Ce qui m’a le plus obnubilé est la réussite » (1). Bien que pour ma plus grande satisfaction, je doive reconnaître que j’ai eu le bonheur de marier les deux. Mais au prix d’un chemin long et parfois de choix, je dirais cornéliens. Jaugez mon parcours : d’abord, je brave le dictat paternel car j’aspire à l’Institut d’études politiques. Puis après moult petits boulots, je touche mon rêve ! Malheureusement, ma triste condition d’immigré me rattrape et m’oblige à retourner au labeur. Mais mes camarades communistes me sortent de la mouise : en 1976 j’entre à La Marseillaise. J’y phagocyte progressivement la rubrique football : la réussite, enfin, et l’OM, déjà.

« Je caresse le public dans le sens du poil »

Après douze années de sacerdoce, je décide de céder aux sirènes que je qualifierais de la concurrence. L’expérience est éphémère et j’en profite pour faire le deuil du passionnant métier de journaliste. Les habits sont trop petits pour ma grande carcasse et ma soif de succès. En 1989, sur l’insistance d’amis footballeurs en mal de conseils, j’enfile finalement le costume d’agent de joueurs. Force est de constater que la profession n’a déjà pas bonne presse, mais l’habit est beau et flamboyant : les plus grands d’Afrique et de France (de Boli à Dessailly, de Drogba à Nasri) me font confiance. A l’instar d’Obama, je fais beaucoup pour les noirs : je gère carrières et droits à l’image. La réussite, encore, et l’OM, toujours. Car la plupart passe par le club de mon cœur…

La suite, vous la connaissez : Pape du Vélodrome ! La gloire, mon seuil d’incompétence, nonobstant quelques jaloux qui ont lancé des allégations aussi fantaisistes qu’infondées sur les conditions de la session de Mondial Promotion, ma société installée à Marseille (3). Je suis blanc comme neige ! Et à part un départ de mon bienfaiteur, rien ne peut désormais me déboulonner. Car je m’emploie avec force flagornerie à éviter ce que je qualifierais de drame : un mystificateur canadien d’origine arménienne plante le rachat du club, j’encaisse les sarcasmes ; pour cause de paix dans les tribunes, on m’impose un directeur sportif analphabète, incompétent et aux fréquentations peu recommandables, je l’accueille à bras ouverts ; Jean-Claude Gaudin veut se faire mousser chez Drucker, le royaliste que je suis devenu y vole ; un de nos preux supporters est séquestré par la justice espagnole comme un Républicain au temps du Franquisme, j’en fais un martyr !

Force est de constater que je ne ménage pas ma peine pour satisfaire chacun, et le plus beau public de France en particulier. Il est parfois si soupe au lait avec ses dirigeants… Alors, je le caresse dans le sens du poil : PSG, OL, Ligue, Canal+, etc., je suis toujours derrière lui. Je lui ai même trouvé un entraîneur belge pris dans une sombre affaire de match acheté pour lui rappeler le regretté Goethals. Finalement, nos supporters acceptent chaque saison un recrutement que je qualifierais d’ambitieux sans être malheureusement toujours couronné d’un succès légitime et une politique de développement plus axée sur le merchandising (700 produits, de la tétine à la CB en passant par le pastis) et les partenariats que sur la récolte de trophées.

La rançon de la gloire. A l’image du sénateur Obama, dirais-je, avec ses nombreux et si disparates donateurs.

Georges A.

1. Bakchich, 29/05/08.

2. OM Mag, 11/09/08.

3. So Foot, 1/10/08.