Plan-de-Cuques, conseil municipal du 26 mai 2008

mai 2008

18h53 L’opposition UMP tient conciliabule dans l’étroite entrée de l’hôtel de ville. La cinquantaine bourgeoise, blonde et bronzée, avantageusement mise en valeur par une jupe noire au-dessus du genou et des tallons aiguilles, Monique Robineau, tête de liste du parti présidentiel aux dernières municipales, motive sa petite troupe (trois colistiers et deux soutiens) en raillant l’absence de la seule conseillère socialiste : « Nous, au moins, on est venus ! » De l’étage montent des exclamations d’écoliers qui attendent d’entrer en cours. 08rv53lop_bertrand.jpg 18h55 De fait, les élus de la majorité papotent par petits groupes dans la salle du conseil. Minuscule, elle n’accepte que les tables, disposées en carré, une Marianne de profil et une dizaine de tableaux, plus ou moins heureux, d’un certain Honoré. Seules trois chaises collées contre un mur sont dévolues au public…

18h57 Costume sombre, chemise bleu ciel, cravate jaune, cheveux courts et grisonnants coiffant un visage sévère dissimulé derrière une paire de petites lunettes ovales, Jean-Pierre Bertrand, réélu au premier tour en mars avec plus de 65 % des suffrages, consulte ses dossiers, échange avec son jeune directeur général des services (DGS)… Puis, d’un coup, apostrophe un conseiller de sa majorité : « Si ça ne dure pas trop longtemps, on se voit après. » L’ordre ne souffre aucune réponse.

18h58 Le petit groupe UMP se glisse dans la salle. Un soutien de Monique Robineau fait le public.

18h59 D’un très ferme « Chers collègues, je déclare cette séance du conseil municipal ouverte », le vice-président félon de Marseille Provence Métropole – Jean-Pierre Bertrand a toujours critiqué systématiquement Jean-Claude Gaudin, l’ex-président de l’agglomération, et a voté pour le socialiste Eugène Caselli plutôt que Renaud Muselier – met un terme aux conversations et fait s’asseoir les conseillers. Installé à la gauche du maire, Laurent Gellé Lacroix, le DGS, débute instantanément l’appel.

19h01 « Agnès Jérez s’excuse de son absence », intervient une conseillère de la majorité à l’annonce du nom de l’élue socialiste. Le maire coupe sèchement : « Vous avez son pouvoir ? » Réponse négative et penaude de sa colistière.

19h02 « Je vous ai posé une question sur l’ordre du jour », tente Monique Robineau avant que le conseil débute. « Effectivement, vous pouvez la rappeler ? », tance pour seule réponse le DGS qui semble faire office de premier adjoint. La tête de proue UMP bredouille une réponse incompréhensible.

19h03 Jean-Pierre Bertrand décide de prendre quelques libertés avec les règles de la démocratie locale. « On va élire les représentants de la commune dans certains organismes. Normalement, l’élection se fait à bulletin secret, mais on peut la faire à main levée. Quelqu’un y voit un inconvénient ? », interroge le maire sans vraiment attendre de réponse. Sa proposition est unanimement acceptée.

19h04 Stupeur et tremblements. « Je crois qu’on a oublié l’élection d’un suppléant », fait timidement remarquer l’intrépide conseillère municipale après le troisième scrutin. Jean-Pierre Bertrand tourne et retourne rageusement les pages de son ordre du jour, reprend le déroulé de la séance… et finalement acquiesce. Monique Robineau en profite : « Ce qui serait bien quand il y a des suppléants, ce serait de nous les présenter ! » « On verra au coup par coup », tranche le maire le nez dans ses délibérations.

19h06 Point six : « Subventions aux associations ». « Vous avez la liste. Qui est pour ? », gronde le maire. Dans un même élan, l’ensemble des conseillers lève la main. Unanimité.

19h09 Avant-dernière question de l’ordre du jour. A force de ne pas lire les délibérations, de ne pas proposer la parole à l’opposition – qui ne la demande d’ailleurs pas et navigue mécaniquement entre abstention et vote avec la majorité – et d’utiliser son conseil comme une simple chambre d’enregistrement, Jean-Pierre Bertrand est en train de faire vivre au grand reporter du Ravi le plus court conseil municipal de sa fabuleuse carrière !

19h10 Gagné et de loin ! Après onze minutes de séance, le maire referme l’ultime délibération et conclue, laconique : « Je vous remercie et je vous souhaite une bonne soirée. » Profitant de l’instant de flottement qui suit, Monique Robineau interroge : « Quand présenterez-vous le règlement intérieur ? » « En juin », se contente de répondre le premier magistrat dans un demi-sourire ironique. « J’avais posé une question sur le budget du Centre communal d’action sociale lors du conseil du 3 avril et elle n’est pas inscrite dans le procès verbal. Vous allez corriger ? », tente à son tour Monique Griells, conseillère UMP. Même dédain de Jean-Pierre Bertrand : « Je vous avais répondu qu’il ne bougeait pas parce que ce n’était pas nécessaire. » Et, sans rien promettre cette fois, de conclure à nouveau : « Je vous remercie et bonne soirée. »

19h12 Alors que le maire quitte la salle, les petits groupes se reforment dans la majorité et les discussions reprennent où elles semblent avoir été abandonnées quinze minutes plus tôt. Pris de court, Laurent Gellé Lacroix agite de son côté un parapheur au-dessus de sa tête : « N’oubliez pas de signer la feuille de présence ! » Sur le point de partir, Monique Robineau fait machine arrière et lui glisse quelques mots.

19h14 « Rien n’a été fait dans les règles. Je lui ai donc signifié qu’on ne signerait pas », explique l’élue UMP dans les escaliers. Au rez-de-chaussée de la mairie, Laurent Simon, son jeune colistier aux airs d’agent immobilier, bougonne devant un panneau annonçant la composition d’un conseil municipal qui ne comprend curieusement pas de premier adjoint : « Je ne comprends rien à cette liste ! » Monique Robineau acquiesce : « Je ne vois pas pourquoi je ne suis pas placée en tête de notre groupe. C’est gênant si je veux intervenir… » Un peu plus loin, remise de sa déception, elle finit par s’amuser : « Vous êtes du Ravi ? Revenez, on en a un beau ici ! » La boutade ne décrispe pas Laurent Simon. Toujours aussi colère, il conclut avant de partir : « C’était vraiment pas un exemple de démocratie locale ! Sans compter qu’on a tous un boulot et qu’on nous fait venir pour cinq minutes ! » Douze en comptant les ultimes questions de l’opposition, ce qui est déjà un record !

Jean-François Poupelin

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