Sainte-Maxime, conseil municipal du 13 octobre 2006

novembre 2006
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

17h55 Bernard Rolland, maire de la cité balnéaire depuis 11 ans, cheveux blancs et chemisette rayée dans un improbable style des années 80 (bleu, rose, blanc et marron), trône, face à l’entrée et au public, au centre d’une longue table ovale marbrée installée dans la barre supérieure du T que forme la salle municipale. Plus adapté aux conciliabules en petit comité, le dispositif a comme autres (dés)avantages de cacher une partie des conseillers d’opposition et d’offrir à l’assistance le dos de la moitié des élus.

18h Un rien impatient, l’édile sonne le rappel à l’ordre : « Allez, il est 18h, si vous voulez bien… ». Trente secondes plus tard, sans autre forme d’appel que l’annonce des cinq procurations qui lui ont été données, il attaque l’ordre du jour en commençant par « les affaires judiciaires de la commune » (dédommagements des policiers municipaux suite à la dégradation de leur véhicule, refus de la suspension par le tribunal administratif d’un permis de construire, abandon par une société d’attaquer l’attribution d’un marché public…). Le sujet, potentiellement croustillant, ne fait pas recette : l’opposition reste muette. 35lop_rolland.jpg 18h02 De dos, Jehanne Arnaud, tête de file de la liste d’opposition « Une ville pour tous », sans étiquette mais cataloguée à droite, s’émeut à l’occasion de l’annonce par Roger Garcia, adjoint aux Finances, des montants des cadeaux offerts par la mairie aux enfants de ses personnels et du Centre communal d’action sociale, des chef de famille de plus de 70 ans et des maternelles. « Avant, le CCAS en offrait aux familles très démunies », fait remarquer, en bonne dame patronnesse, l’élue, plus toute jeune, recroquevillée dans un ensemble pantalon bleu turquoise. Agacé, le maire concède un presque inaudible : « Ce sera reconduit ».

18h04 Bernard Rolland s’empare de la quatrième délibération, relative aux nouveaux tarifs municipaux. Très sérieusement, il annonce : « Suppression de ceux pour les sanisettes ». Avant de préciser : « Il n’y en a plus ». Toute à ses bonnes ?uvres sociales, Jehanne Arnaud dédaigne la fin de ce service public, pourtant fort utile, afin de se concentrer sur les transports scolaires. « J’en profite pour redemander leur gratuité. Quand on voit ce qui est dépensé pour les touristes, nos familles devraient pouvoir en bénéficier », attaque-t-elle. Imperturbable, et protégé par un Poséidon représenté en mosaïque dans son dos, le maire tranche par une fin de non recevoir : « Le département a demandé une augmentation de 60 à 75 euros de notre participation pour le transport des collégiens et nous ne l’avons pas répercutée sur les familles ». Déroutée, la chef de file de « Une ville pour tous » abdique.

18h08 Timidement, Patrick Vassal se lance à son tour dans la bataille. « Je vois que les tarifs du centre de loisirs seront donnés à une date ultérieure, mais le point six semble les détailler », se risque le conseiller d’opposition. Gêné et incapable de répondre, le maire tergiverse jusqu’à l’arrivée salvatrice d’un de ses collaborateurs. Immédiatement, Bernard Roland retrouve sa superbe : « Ce sont les tarifs de restauration, ceux de l’hébergement seront annoncés plus tard ». « Fier comme un patron de bar-tabac » , avec sa belle moustache et son ventre qui repose sur la ceinture de son pantalon, le technicien municipal regagne son siège le torse bombé et en toisant l’assistance.

18h16 Joseph Saeli, adjoint aux « travaux, au patrimoine et aux bâtiments publics », s’assombrit. Un élu de l’opposition, masqué par la configuration de la salle, vient de lui faire remarquer que les palmiers plantés sur les bords de la toute nouvelle 2X2 voies de la commune sont malades. Il doit en convenir : il existe un risque pour les autres spécimens de la ville. « Ils ont tous été vérifiés », assure cependant l’adjoint à l’accent espagnol prononcé, quasi certain que l’arbre désigné symbole de la Côte d’Azur n’est plus menacé.

18h18 Jehanne Arnaud repart à l’attaque à l’occasion de la délibération 10, portant sur le vote de la troisième tranche des travaux d’aménagement de la maison des associations de la commune. « Vous nous aviez annoncé un budget de 650 à 700 000 euros et nous en somme aujourd’hui à 1 468 000 euros, plus d’un milliard ancien. Je ne vous reproche pas ces travaux, mais avec vous il n’y a jamais de dialogue, tempête la conseillère d’opposition. Quand vous avez parlé d’utiliser une vieille bâtisse, Yves Canuel, qui est architecte, vous avait prévenu que ça coûterait cher. Et aujourd’hui, on se rend compte que les premiers 600 000 euros ne concernaient que la première tranche des travaux ! ». Et de préciser : « Je ne sais pas si mes collègues s’opposeront au projet, mais moi je vote contre ». Légèrement dédaigneux, Bernard Rolland conclut les débats d’un cinglant « Merci madame Arnaud de toutes ces précisions ». Comme souvent le vote n’est pas annoncé et personne ne sait si ses « collègues » ont suivi l’octogénaire.

18h21 L’équipe municipale poursuit son contre-la-montre et enchaîne les délibérations comme d’autres les pastis à l’heure de l’apéritif. De leur côté, les personnels de la mairie affichent le même désintérêt que leur patron pour les débats. Malgré quelques timides remontrances onomatopées de ce dernier, ils poursuivent leurs discussions entamées bien avant le début du conseil.

18h26 Jean-Marc Courcier, adjoint aux « sports, aux loisirs et à la jeunesse », annonce que la mairie organise « des stages de « quad » pour les 6-10 ans et les 11-16 ans pendant les vacances d’automne », mais se tait sur les tarifs. Jehanne Arnaud ne bronche pas et la 18e délibération est votée à l’unanimité.

18h29 Le conseil s’achève sur une note solennelle lors de la dernière délibération, relative à la dénomination de la future caserne de gendarmerie de la ville. « Nous proposons de l’appeler « Jules Conforti », un gendarme tué en service sur la commune », annonce Bernard Rolland. Il conclut, soulagé : « Pas d’objection ? Adoptée ».

18h30 Alors que conseillers, personnels municipaux et public s’apprêtent à quitter la salle, le maire prend tout le monde par surprise : « S’il vous plait, deux minutes encore ». Mal à l’aise, il explique « qu’il va répondre à la demande d’informations de madame Arnaud sur le drame du 17 juin » survenu sur une route de bord de mer. L’annonce d’un projet de sécurisation du lieu ne calme cependant pas l’élue de l’opposition. « C’est probablement une simple coïncidence si Mme Sotti a reçu un appel de votre part le jour où je vous ai demandé de l’appeler », grince l’opposante, tout en regrettant l’impossibilité de construire une passerelle au-dessus de la voie. Penaud, Bernard Rolland cède : « Le Département m’a indiqué qu’il était impossible d’en construire une et je ne peux rien promettre. Mais je peux faire une lettre d’intention ».

18h37 A la sortie du Conseil, Roger Garcia explique sa stratégie électorale pour 2008 : « Lors des prochaines municipales, il faudra trois listes, deux ce n’est pas assez. En 2002, Bernard Rolland n’a gagné que de 300 voix alors qu’habituellement il est élu beaucoup plus facilement ». Façon d’expédier encore plus vite les conseils municipaux ?

Jean-François Poupelin

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