Tarascon, conseil municipal du 19 mars 2009

avril 2009

« Il y a le feu ou quoi ? » 03rv62trax_maire.jpg 18h30 « Le conseil est retardé d’une demi-heure car tout le monde est à Tembec, il y a le feu », explique en petit comité un élu. En ce début d’année, l’usine de pâte à papier joue un peu trop de malchance : fermée depuis début février pour raisons économiques (une partie du personnel est au chômage technique) (1), ses machines ont dû être décontaminées pour cause de rayonnements alpha 50 fois supérieurs à la normale. La faute des arbres « naturellement radioactifs », selon l’Autorité de sûreté nucléaire (2).

19h05 Charles Fabre, maire UMP depuis 2005, arrive essoufflé. Réélu il y a un an dans une triangulaire (UMP, DVD, Union de la gauche), le vice-président de la Communauté d’agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette (ACCM) apporte un peu de stabilité à la ville : en 2002 et 2005, ses prédécesseurs ont été « démissionnés » suite à des condamnations pour « prise illégale d’intérêt ».

19h07 Buste droit, cheveux blancs coupés façon sergent chef, le maire tonne d’une voix chantante : « Le fait de faire des articles de presse (sic) a perturbé les clients de Tembec. Certains ont demandé si la pâte à papier était contaminée ! Il faut savoir de quoi on parle… » Et de conclure : « Maintenant, on va commencer le conseil municipal. »

19h10 Monique Bouillard, élue de la majorité, affiche un splendide chemisier aux couleurs des USA.

19h23 Guy Chapoulie, leader tendance communiste de la gauche unie (3), mâchouille une branche de ses lunettes et cherche le soutien de sa colistière Enna Dufour du regard. Après avoir longuement hésité, il pose enfin sa question : « Cette recette anticipée, c’est beaucoup. A quoi c’est dû ? » Réponse sèche et définitive de Jérôme Binet, conseiller municipal délégué aux Finances qui semble sortir d’une cabine de bronzage : « Une bonne maîtrise des dépenses. Bon, on passe au vote ? »

19h24 Dans la foulée, Charles Fabre, toujours pas remis de son accélération pour rejoindre le conseil, s’amuse du manque de mordant de son opposition en ce début de conseil : « Qu’est-ce qu’il y a ce soir ? Il y a le feu ou quoi ? »

19h30 Portable à l’oreille, Enna Dufour passe précipitamment pour la seconde fois sous la tête de taureau empaillée qui trône au-dessus de la porte d’entrée de la salle du conseil. Et enguirlande son interlocuteur.

19h41 Costard impeccable et voix claire, Fabien Brouillard (opposition DVD) conclut ses remarques sur le budget primitif 2009 par quelques conseils à Charles Fabre : « Vu le montant de la garantie d’emprunt, il faut remettre sur la table la convention avec Marseille Aménagement et rechercher des économies de coût, notamment en mettant fin à la dérive des frais de fonctionnement. » Réaction désabusée du vice-président de l’ACCM : « Que dire de plus ? C’est ce que nous voulons faire… »

19h48 Au nom de son groupe, Enna Dufour prend la parole sur le budget primitif : « Nos prévisions se confirment, le CCAS est devenu un Samu social, la Cité judiciaire va perdre les affaires les plus importantes… » Charles Fabre la coupe d’une petite pique : « Mais vous avez fait un discours ! » Pas démontée, Enna Dufour confirme : « Tant qu’à faire.. » Et de poursuivre : « 20 % de chômage… »

19h51 Un long silence conclut l’intervention d’Enna Dufour.

20h05 Une pointe d’ironie dans la voix, Charles Fabre offre très solennellement la parole à Lucien Limousin, leader du groupe DVD et son principal opposant : « Monsieur le conseiller. » Jambes qui tricotent sous la table, le conseiller général UMP l’accepte sur le même ton : « Monsieur le maire. » L’intervention de Lucien Limousin terminée, Charles Fabre se moque de son opposant, « en 2001 vous aviez un budget sans auto-financement ! », et joue la surenchère : « Un plan pluriannuel d’investissement sur un mandat, c’est trop court ! Nous, nous travaillons pour les générations futures ! »

20h15 La gironde Elisabeth Alric, adjointe à la Cité judiciaire, exige la parole pour « répondre à Enna Dufour ». Avec la même grâce que Rachida Dati, elle explose : « La seule chose que Tarascon a perdu dans les réformes judiciaires, ce sont les juges d’instruction. Comme toute la France ! » L’opposante, toujours d’aplomb, ironise : « Merci de cette précision et de votre gentillesse. »

20h19 Fabien Bouillard conclut le débat sur le budget primitif en revenant à la charge : « Vous ne m’avez pas répondu : quels sont les montants engagés pour Marseille Aménagement ? » Le maire penaud : « Je n’ai pas la réponse. » Triomphe de « Monsieur le conseiller » : « Il ne faudrait pas que vous ayiez recours à l’emprunt pour financer leur fonctionnement… » La vengeance…

20h22 Charles Fabre tente de détendre Guy Chapoulie, excédé de ne pas avoir eu accès aux dossiers de demandes de subventions : « C’est la première fois que je vote une subvention au Secours populaire et tu t’abstiens ? » Rire dans la majorité. « C’est pas suffisant », s’indigne le communiste. Le maire, grand prince : « J’ai donné ce qui m’a été demandé : 500 euros. »

20h28 Le conseil se disperse : les manières précieuses et la voix ampoulée d’Alain Legout, conseiller délégué aux Associations, provoquent des fous rires d’Enna Dufour et Marie-Chantal Bernard, sa colistière. A son annonce des nouvelles dénominations de voies communales (malheureusement inaudibles), c’est l’éclat de rire général. Le maire tance : « S’il vous plaît, encore 5 minutes. »

20h34 Visiblement impatient de conclure la vente d’un bien communal avec un certain « M. Martin », Charles Fabre oublie la délibération 14 sur « la lutte contre l’habitat indigne ». Frédérique Gachet, sa première adjointe, lève les yeux au plafond en mimant un balancier.

20h42 Charles Fabre lève la séance un peu lourdement : « Si vous sentez une odeur de café, ça n’est pas pour nous. Mais pour les policiers municipaux qui ont assuré le service ce soir. » Vu le désert qu’est le centre ville en ce début de soirée, était-il bien nécessaire de les mobiliser ?

Jean-François Poupelin

(1) La reprise était annoncée pour le 30 mars.

(2) Le Canard Enchaîné du 18/03/2009.

(3) Il remplace Guillaume Thieriot, tête de liste de l’Union de la gauche aux dernières municipales, qui a préféré prendre en septembre dernier la direction de cabinet de Michel vauzelle, président PS de la région.

Pan sur les doigts Près d’un an après la publication de notre article, Monique Griells, conseillère municipale d’opposition à Plan-de-Cuques (13), s’indigne d’avoir été classée par le Ravi (n°53, juin 2008) dans les rangs de l’UMP : « Je suis effectivement dans l’opposition, mais… de gauche !! » Dont acte. Mais si Monique Griells est bien cataloguée DVG sur le site de la mairie, elle a été élue sur la liste « de la majorité » de Monique Robineau, militante UMP…

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